vendredi 28 mars 2014

Dernières tribulations - bilan

Comme je l'ai annoncé il n'y a pas si longtemps, je compte cesser la mise à jour de ce blog pour me consacrer à un nouveau projet, dont je donnerai des détails dans les prochaines semaines. Mais avant de me lancer là-dedans, j'ai décidé de présenter un bilan.

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J'ai écrit mon premier texte sur ce blog il y a maintenant six ans. Je l'ai fait pour plusieurs raisons: tout d'abord, je ne trouvais plus le moyen de m'investir dans un journal étudiant; j'avais envie de passer de l'imprimé au numérique et de pouvoir avoir l'entier contrôle sur mes propres publications. Enfin, on m'avait mis au défi. Quelqu'un m'avait dit que je devais « arrêter de me plaindre » et faire comme son idole de la droite populiste américaine, un quidam qui tenait un blog ultraconservateur et qui était devenu très influent.

J'ai créé Les Tribulations d'un Mouton Marron avec dans la tête l'idée que ça marcherait pas. J'en avais déjà créé plusieurs par le passé: un sur over-blog, un sur MySpace, et même un sur Skyblog (je vous interdis d'essayer de les retrouver). J'ai aussi participé à un collectif rencontré au FSQ, The Untakens, qui publiait des textes en anglais. Aucun site n'a été entretenu très longtemps. Aucun collectif n'a tenu plus que quelques mois.

Pressions et surveillance

Qui eût cru que je tiendrais six ans et que je publierais environ 540 billets. Cette réussite dans la création s'accompagne cependant de beaucoup de frustrations: tout d'abord la nature invasive de l'empire Google, qui m'a dans les dernières années imposé une fusion de tous mes comptes reliés à ses acquisitions corporatives, une page Google +, et qui m'a même harcelé pour avoir mon numéro de cell pendant au moins deux mois.

Mes statistiques montrent aussi que la police et le Department of Defense ont figuré parmi mes visiteurs occasionnels. Qu'est-ce que ce les flics cherchaient? Aucune idée. Peut-être qu'ils ont des fichiers remplis d'infos sur moi quelque part dans un tiroir. M'en fiche. À la limite même, ça flatte mon ego.

Par un procédé que j'ignore totalement, mon vrai nom a aussi figuré dans les recherches Google pendant un certain temps quand on tapait "Mouton Marron". C'était le deuxième résultat. Écrire sous pseudonyme ne signifie pas nécessairement écrire sous couvert de l'anonymat. Il y a beaucoup, beaucoup de gens qui savent qui je suis, qui me côtoient quotidiennement et qui lisent ce blog. Je n'ai demandé à aucun-e d'entre eux de garder le secret. Seulement, je souhaitais que les personnes au courant soient les bonnes, tout en évitant que les patrons, la famille, les proprios, les profs et les fachos puissent m'identifier facilement.

Échec sur toute la ligne. Au moins le tiers de l'intimidation que j'ai subie au cours des dernières années, je la dois à des réactions violentes et parfois même franchement menaçantes à certains de mes textes. Presque aucun message haineux dans la boîte de commentaires. Aucune lettre avec de l'anthrax dedans. Juste une grande main qui m'a tordu le bras à plusieurs reprises. Formée de personnes que je connais dans la vraie vie.

Vous pensez que d'avoir rédigé des textes politiques et littéraires pendant six ans peut procurer des avantages sur le plan professionnel? Ben pas dans mon cas. Au contraire, ça m'a profondément nui, de sorte que j'ai dû effacer plusieurs textes concernant l'Égypte. Je n'ai d'ailleurs jamais expliqué pourquoi, alors voilà l'essentiel:

J'ai effacé mes billets sur l'Égypte parce que quelqu'un du milieu universitaire m'a identifié et a eu peur. Ce n'est pas Moubarak, Morsi ou Al-Sissi qui m'a demandé de me taire, ni leur police, ni des terroristes. C'est mon milieu académique, inquiété par les conséquences possibles résultant de critiques faites à l'endroit d'un ex-ministre. C'était de la censure soft.

Du reste, on a souvent exigé que je retire des billets. En haussant le ton parfois. En me disant que ça me vaudrait la prison. Ça m'a toujours fait marrer et j'ai rarement eu peur que mes textes, du reste passablement modérés et prudents, provoquent un procès.

Le nombre de lecteurs et lectrices

Mes statistiques ont toujours été faméliques. J'ai commencé mes tribulations alors que la blogosphère commençait déjà à battre de l'aile. Au départ, je dépendais de ma visibilité sur d'autres blogs pour survivre; sur la fin, il fallait que je compte uniquement sur les réseaux sociaux. M'inscrire sur Twitter a été une épreuve difficile pour moi, une reddition face à une logique qui me déplaît beaucoup.

Malgré tout, quelques billets ont été relativement bien diffusés. Dans tous les cas sauf un, il s'agissait du sujet de l'heure: j'ai surfé sur des buzz. Dans la plupart des cas, c'était des prises de position dans le cadre d'un débat concernant une personnalité publique. Par exemple, Gab Roy à lui seul m'a attiré plus de visites que tout ce que j'ai pu écrire sur le G20 de Toronto sur une période d'un an. Parfois, on pense écrire quelque chose d'important à des gens qui attendent des informations d'urgence.

Mais non, c'est pas le cas.

Je ne suis pas amer, je connaissais déjà ces dynamiques.

Un déclin?

Franchement, mon blog s'en sort bien. Surtout depuis le début de la période électorale. Mes fréquentations sont redevenues stables après le creux de 2013, et si les gens ne commentent plus directement sur le blog, ils partagent quand même mes textes de temps à autres. Cela dit, il n'y a pas de développement non plus, et je ne m'attends pas à un contexte plus clément. Après cinq ans, je sens que sans changement de formule, la diffusion ne peut pas s'améliorer.

Ce n'est pas parce que mon blog décline que je compte l'arrêter. C'est juste que des ami-e-s et moi, on a trouvé une meilleure idée.

Et après?

Le blog restera en ligne pour fins d'archives, du moins jusqu'à ce que je trouve un meilleur support pour le demi-millier de textes. Si jamais notre nouveau projet collectif vient à foirer, je tenterai sans doute de réactiver Les Tribulations d'un Mouton Marron, ou de trouver un autre moyen de rendre mes nouveaux textes accessibles à tous et à toutes. Dans tous les cas, il n'y a rien de perdu.

Sous peu, dès que j'aurai le consentement de mes potes, j'annoncerai les grandes lignes de notre nouveau projet. En attendant le lancement officiel, ce blog poursuivra ses activités normales.

3 commentaires:

  1. Hostie de milieu académique de conformistes! Une raison de plus pour ne pas que j'y revienne, probablement.

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  2. Tu as tout à fait raison. C'est un véritable enfer. Mais d'un autre côté, j'aurais pu avoir des problèmes similaires si j'avais travaillé ailleurs. Il y a pas mal de clauses liberticides dans certains contrats de travail maintenant, qui imposent par exemple une "réserve" de l'expression politique des employé-e-s. Finalement: si t'as pas le même avis que le boss, ferme ta yeule, même sur des sujets qui ont pas rapport avec ton emploi.

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