vendredi 26 avril 2013

Être gentil, ça marche.


Le mois dernier, j'ai lu et entendu quatre ou cinq de mes connaissances se plaindre successivement que les femmes, elles aiment pas les gars gentils. Ils ont dit ou écrit ça sur un ton tellement boudeur! Ils étaient comme des enfants qui croient que le monde entier leur en veut, soudainement. Et on aura beau essayer de les raisonner, il n'y a rien à faire. C'est pour eux que j'écris ce billet, même si aucun d'entre eux ne lit mon blogue (et ça, je m'en assure). J'en suis navré pour les non-hétéros.

Pour simplifier et rester dans un exercice de rigueur froide, j'aurais simplement pu vous renvoyer vers l'article de Wikipédia sur le « Nice Guy » qui est ma foi fort intéressant, incluant sur le plan scientifique, avec entre autres des références à Dawkins[1]. Mais j'avais envie d'aller ailleurs en racontant quelques tribulations.

Quand j'étais ado, je me percevais alors comme quelqu'un d'absolument gentil. Je croyais que j'étais toujours en train d'écouter, de faire du renforcement positif, de proposer mon aide. En réalité, j'avais en moi toutes sortes de repoussoirs: si une personne m'approchait, je mordais. Je ne me mettais jamais en colère, mais j'avais un incroyable don pour envoyer chier les gens qui me voulaient du bien ou qui m'aimaient. Je n'avais en bref aucune capacité sociale à recevoir et c'est pour ça que ça ne fonctionnait pas. J'étais incapable de m'intégrer. Ce n'était pas pour rien: à l'école, je vivais un calvaire constant[2]. Mes valeurs et ma manière de voir les relations interpersonnelles ne correspondaient pas non plus aux valeurs encouragées dans mon environnement.

Quand j'étais jeune ado, le syndrome du « nice guy », je l'avais. J'étais un éternel spolié, une victime. Je trouvais que les gars qui réussissaient à séduire étaient des individus bien laids intérieurement. Je n'avais pas tout à fait tort, mais j'ai fait une grossière erreur: je suis tombé dans la simplicité, et j'ai extrapolé à partir de ces schémas. J'ai refusé de faire l'analogie entre l'échec que vivaient plusieurs jeunes femmes et le mien, me limitant parfois à : « La gentillesse n'est jamais récompensée. » et « Les filles, elles aiment juste les connards. Faut être un connard. ». Bref, j'étais un « nice guy » plein d'aigreur, et ça me rendait un peu hostile aux femmes.  Et pourtant, elles aussi se faisaient repousser, par moi entre autres! Si je n'avais pas été aussi minable en tant qu'ado, je l'aurais vu. Et j'aurais vécu des aventures extraordinaires avec plein de gens. Nous sommes dans le même bateau, hommes, femmes, inter, trans, queers ou autres.

Mais voilà que quand je me suis rapproché d'un environnement me correspondant mieux sur le plan émotionnel[3], il s'est passé un phénomène étrange. Toute ma « gentillesse » (du reste totalement ordinaire et naturelle) était rendue au centuple et j'ai même commencé à recevoir des avances de gens (essentiellement des jeunes femmes) à qui je n'avais rien demandé. Qu'est-ce que j'avais fait pour ça: presque rien. Prêté un livre, écouté des histoires, consolé quelqu'un, etc. Mais c'était la gentillesse qui restait une constante dans l'équation. Je ne répondais toujours pas aux standards de beauté de ma polyvalente, je n'étais pas cool, je parlais à personne. Les jeunes femmes d'un certain type me trouvaient attirant parce qu'elles me trouvaient gentil, c'est tout[4]. Du moins, c'est ce qu'elles me disaient, fort maladroitement par ailleurs[5].

Être gentil-le, ça a marché pour moi (quand je l'ai été). Et c'est normal: une telle attitude, ça met l'autre en confiance, ça provoque immédiatement des effets positifs sur la relation. Ça pousse vers la confidence. Après, il est bien plus facile d'entretenir un rapport privilégié. Sauf qu'être gentil-le, c'est sensé être gratuit. Si vous vous attendez toujours à quelque chose en retour, vous êtes vraiment des tabarnaks. D'ailleurs, en ce qui me concerne, je préfère vous avertir, je ne donne jamais rien en retour de quelque chose[6]. Je suis gentil quand ça me tente.

Mais si vous considérez tout de même que la gentillesse est une simple stratégie de séduction (et donc intéressée), souvenez-vous qu'être simplement sexy ne fonctionne pas non plus à 100%. Et on irait jamais dire qu'une femme est dans l'obligation morale de coucher avec un homme du seul fait de ses abdos bien découpés et de sa barbe de cinq jours. Pas la même chose, vous répondez? Eh bien alors, arrêtez de faire comme si.

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[1] Une superstar scientifique dont j'ai plus rien à foutre. Parce que je ne pardonne pas aux superstars des sciences d'être des con-ne-s.
[2] Je reviendrai peut-être plus tard sur quelques expériences assez glauques, juste pour rire, même si c'est pas drôle.
[3] J'avais moins tendance à fréquenter des gens qui catégorisent et pensent en « friendzones », comme on dit en anglais. Mes ami-e-s de l'époque aimaient plutôt jouer sur l'ambiguï entre amour et amitié, et ça me plaisait bien plus qu'une structure binaire qui vise surtout, finalement, à ne jamais se poser de questions et rester dans sa zone de confort.
[4] Peut-être que certains gars aussi, mais ils ne m'auraient jamais dit un truc pareil, surtout pas à Victo. Tant pis.
[5] L'une d'entre elles, parfaitement franche, m'a avoué qu'elle ne me trouvait pas spécialement beau et qu'en fait, j'étais vraiment une tronche. Merci, A.M.
[6] Peut-être que quelqu'un quelque part attend depuis une décennie que je lui retourne une faveur, qui sait? Je m'en crisse.

mardi 23 avril 2013

La victoire de la police sur le pouvoir civil.

Le 23 mars dernier, j'ai publié un billet dans lequel je parlais de perte de légitimité des pouvoirs civils face aux flics. En effet, la vague de cynisme qui frappe le Québec a des effets pervers: les citoyen-ne-s, qui veulent qu'on fasse le ménage, abandonnent les politicien-ne-s au profit des flics, qui ont gagné en légitimité malgré toute leur violence et leurs mensonges.

Je rêvais de pouvoir élaborer sur le sujet, et l'actualité nous a donné de nombreux exemples de ce que je veux avancer. Le fait est que le pouvoir public, au moins à la Ville de Montréal, mais sûrement à de nombreux autres endroits ou paliers, est en train de basculer. Et le mouvement semble de plus en plus rapide. Dans un discours de plus en plus répandu, la police, qui est aux yeux de beaucoup constituée de héros remplis de droiture, est opposée à une classe politique corrompue, pleine de verrues, et proche de la mafia. On l'a bien vu quand le pouvoir civil, représenté par Guy Hébert, a décidé d'affronter Marc Parent, le chef du SPVM, et également quand Applebaum s'est chamaillé avec Yves Francoeur (de la Fraternité) sur l'histoire des horaires de flics. Dans le premier cas cité, avant même qu'on connaisse le fin mot de l'histoire, le public et les médias avaient déjà pris parti: Hébert le mécréant, Parent l'agneau de Dieu. C'était d'ailleurs très grave que Hébert demande la démission de Parent, mais assez banal que la Fraternité exige celle de Hébert. C'est une question de contexte, dira-t-on: Hébert a demandé que Parent décrisse parce que ce dernier était droit (il a dénoncé la collusion), et la Fraternité a demandé la tête de Hébert parce que ce dernier était croche (il a essayé de renvoyer celui qui l'a dénoncé). Mais franchement, la question n'est pas de savoir qui a tort ou raison: la question, c'est de savoir qui gagne et qui perd. Il est sans doute vrai que les politicien-ne-s et technocrates sont les principaux/ales artisan-e-s de leur propre défaite. Mais vous croyez vraiment que Parent est irréprochable? Peut-être pas tant que ça.

En ce qui concerne Applebaum, rappelons qu'il a fait appel au pouvoir provincial, effrayé par la tentative d'intimidation de la part du paramilitaire Yves Francoeur. Si ce dernier, connu pour sa rigide brutalité verbale, a réussi à faire peur au politicien de carrière, ce n'est pas pour rien.

Par ailleurs, le SPVM n'est pas aussi propre que l'uniforme immaculé de son patron. Seulement, il n'y a pas, actuellement, d'enquête publique sur la police pour venir tout salir. Celle-ci s'en tire de toute façon généralement en réglant ses problèmes à l'interne, souvent dans le secret. Ça n'empêche pas quelques informations de passer au travers du filtre (et je ne parle même pas, ici, du profilage, de la répression politique et des meurtres[1]). Mais ça ne semble pas troubler autant les braves gens que nos histoires de trottoir.

Le pouvoir civil ne lutte que faiblement contre le pouvoir policier à Montréal. Je suis tombé sur l'entrevue d'Anarcho-Panda, donnée à CKUT, qui exprime exactement la même inquiétude. Ici, il s'étonne que ce soit le SPVM qui prenne les décisions au sujet de l'accès du public au Conseil de Ville: il a d'ailleurs lui-même été refoulé à l'entrée, apparemment expressément sous l'ordre de la police.

Or, la séance du Conseil traitait entre autres, justement, de l'abrogation possible du règlement P-6, un règlement pour lequel le SPVM a fait marcher son puissant lobby en s'exprimant longuement devant élu-e-s, journalistes, magistrats, etc.

Personne pour y voir un grave conflit d'intérêt? Personne pour condamner publiquement les abus policiers immondes qui ont par ailleurs eu lieu pendant le rassemblement anti-P6?

Si Applebaum et sa bande avaient la moindre conscience de ce qui leur arrive, illes auraient immédiatement appuyé la motion d'abrogation proposée par Projet Montréal, afin d'affaiblir l'impunité policière. Mais le fait est: le pouvoir public ne peut se passer de son bras armé, ne serait-ce que pour censurer et menotter des citoyen-ne-s en colère, même quand ce bras est en train de le forcer à s'asseoir sur sa matraque.

Le pouvoir policier est de plus un des seuls qui puisse répondre à des critiques par des accusations au criminel et des arrestations immédiates: le cas de Jennifer Pawluk, mais aussi de la twitteuse «Frogsarelovely» montrent que ces malades-là ne se gênent plus pour se servir de leurs nouvelles (?) prérogatives. Il faut croire que si auparavant, il y avait quelqu'un, quelque part, pour tenir les chiens en laisse, ce n'est plus le cas aujourd'hui.

Et les attentats (déjoués ou pas[2]) ne sont que de nouvelles pierres ajoutées à la prison qu'on nous bâtit[3]. Et non, ces murailles ne visent pas à protéger. Si elles visaient à protéger quiconque, elles auraient été élevées autour des puissant-e-s, pas autour de nous.

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[1] Que dire par exemple de l'initiation douteuse pendant laquelle des agent-e-s se sont livré-e-s à une agression sexuelle avant de forcer le ptit bleu à conduire en état d'ébriété? Il y a aussi cette histoire glauque de détournement de fonds par un inspecteur du service du renseignement.
[2] Je ressens de la peine pour les familles des mort-e-s, mais aussi un désarroi intense pour les victimes atrocement mutilées. C'est tout ce que j'ai à dire sur le sujet.
[3] « Christian G. Dubois, estime que l’attentat de Boston montre qu’il est important de conserver le règlement P-6. » (Source.) J'imagine que Joanne Marcotte décrirait Dubois comme un « humaniste libéral ».

lundi 15 avril 2013

Tremblez, mortel-le-s, devant la dangereuse ASSÉ.

La journaliste Sarah-Maude Lefebvre, qui publie assez souvent des articles sur le mouvement étudiant dans le Journal de Montréal, a annoncé que plusieurs parents « refusent d’envoyer leurs enfants dans des établissements affiliés à l’ASSÉ ». L'article, comme de nombreuses autres oeuvres de Mme Lefebvre, est tout à fait biaisé, bien entendu. Il ne traite que d'un cas: celui de M. Éric Bordeleau, qui affirme toutefois qu'il laissera son fils choisir son cégep.

Tout d'abord, si vous êtes un-e jeune, et que vos parents essaient de vous imposer des choix, je ne peux vous conseiller qu'une chose: éloignez-vous d'eux! Partez le plus loin possible! Et refusez surtout de ressentir de la culpabilité.

Ensuite, j'aimerais faire part de ma propre expérience dans la FECQ/FEUQ/FAÉCUM. Nous savons déjà que ces trois associations sont très proches (la FAÉCUM est d'ailleurs membre de la FEUQ). Par exemple, Julie Bouchard et Jonathan Plamondon, deux des superstars de la grève de 2005, ont tous deux passé à la FAÉCUM après leur cégep approfondissant pendant leur mandat (comme si c'était possible) la culture du secret. La FAÉCUM prétend d'ailleurs actuellement faire preuve de transparence: elle est en campagne de hausse de cotisation. Eh bien, les temps changent! Pour connaître des détails du budget et des propositions de congrès, quand j'étais au bacc, il a fallu aller aussi loin que voler des documents[1]. De plus, quand je passais alors à côté des Conseils Centraux (qui se déroulaient dans l'alvéole de la cafétéria, au Pavillon Jean-Brillant), eh bien c'était le branle-bas de combat. Il ne fallait surtout pas que j'entende ou que je vois quoi que ce soit.

Un jour, (ça devait être vers 2007 ou 2008), nous avons appris que Jean Charest donnait un déjeûner-conférence à HEC-Montréal[2]. Nous (les associations étudiantes d'histoire, de socio et d'anthropo, une poignée de personnes de l'ASSÉ, entre autres) avons donc décidé de manifester devant le pavillon principal de l'école d'administration. Pas de chance: la FAÉCUM avait aussi décidé d'organiser un rassemblement! La FAÉCUM, constituée alors presque uniquement d'hommes aux gros bras, a essayé par tous les moyens de tout gâcher. Nous voulions entrer; elle nous a dit de rester dehors, à grands renforts d'intimidation. Je n'étais pas fort sur la désobéissance, et si je suis finalement entré, c'est parce que plusieurs y sont parvenu-e-s avant moi.

Nous sommes donc entré-e-s massivement. La FAÉCUM a suivi.  Nous avons contourné le seul garde de sécurité, puis nous avons abouti devant la cafétéria chic de HEC, où se déroulait le déjeûner. Nous n'avons pas pu faire irruption dans la salle: au même moment, les gorilles de la FAÉCUM nous bloquaient le chemin. Ils étaient si gros que je ne pouvais même pas voir par-dessus leur épaule. Tout ce que je voyais, c'était des flashs: les journalistes prenaient des photos des crétins de la FAÉCUM qui tentaient de nous contenir. J'ai alors réussi à me frayer un peu un chemin (pas très agressivement) avec une pancarte qui disait: « Nous aurons la gratuité, ou vous aurez la guerre ». Au même moment, un-e photographe du Devoir a pointé son appareil sur moi. N'appréciant pas trop ça, un des mini-flics des fédés m'a envoyé son épaule dans la face. Le lendemain, en première page du Devoir, c'est cette photo qu'on pouvait voir: un clown qui jongle, des boeufs style FTQ qui bloquent le chemin, et moi dans un coin qui perd l'équilibre avec ma pancarte. Ce ne sont pas les militant-e-s de l'ASSÉ qui m'ont bousculé ce jour-là.

Des histoires comme celle-là, j'en ai vécu plusieurs, et j'en ai entendu des dizaines. En temps de tension, on parle de bousculade, d'exclusions très anti-démocratiques (par exemple, on peut demander à un-e candidat-e de ne pas se présenter au Bureau Exécutif parce que le/la candidat-e a un frère/une soeur qui est contre la FAÉCUM[3]), d'intimidation, etc. En temps de paix, les dépenses sont ridiculement exagérées, et comme d'hab' on a pas accès aux chiffres. Le pire c'est que quand des membres entrent en masse dans les bureaux de la FAÉCUM pour avoir accès à des documents auxquels illes ont droit, elle joue à la victime. Pas fort. J'ai même entendu dire que la FAÉCUM saoûlait les délégué-e-s des associations-membres pendant les congrès dans l'espoir que le lendemain, la gueule de bois leur enlèverait toute combativité. J'ai entendu dire que ça MARCHAIT.

J'ai passé mon cégep dans la FECQ et ce ne fut guère mieux. Et en plus ce fut pendant la grève de 2005, dont tout le monde parlait jusqu'à l'année passée, et dont personne ne parlera plus jamais. Les assemblées générales semblaient très démocratiques (croyez-moi, j'étais directeur du scrutin, même si ça ne plaisait pas à tout le monde), mais je me suis bien rendu compte, avec cynisme, que c'était au bout du compte l'exécutif de la FECQ qui décidait quand la grève devait commencer, et quand la grève devait finir. Je n'ai été là-dedans qu'un pion manipulable et je le regrette amèrement. Merci à deux étudiant-e-s aux pieds nus de me l'avoir fait comprendre.

Le camp de formation de la FECQ avait à lui seul coûté une fortune. J'ose pas imaginer combien coûtaient les congrès. Et il y avait des ateliers réservés à l'élite du mouvement étudiant desquels les membres ordinaires étaient exclu-e-s. Leur gestion du conflit à venir était tellement opaque que le merveilleux atelier sur le Plan d'Action ne m'avait foutrement rien appris, à part que toutes les actions étaient secrètes. Le règne du huis-clos. Ça ne s'est pas arrangé après la grève, puisque des exécutant-e-s sont allé-e-s jusqu'à renverser des décisions prises en congrès, à l'intérieur d'une instance officieuse et douteuse surnommée « Lavage de Linge Sale en Famille », ou LLSF, pour les initié-e-s. La FECQ, ça a toujours été une tyrannie à la FTQ-Construction. La FEUQ est pareille, voire pire. Récemment, on « apprenait » que l'irréprochable Martine Desjardins exerçait une pression sur les associations membres pour que celles-ci revoient leurs revendications à la baisse. Disons qu'on est loin du fameux « commander en obéissant » du Subcomandante Marcos.

Il y a des trucs moches à l'ASSÉ aussi. Il y a eu des histoires glauques sur lesquelles je ne reviendrai pas pour l'instant. Mais d'une manière générale, je me suis toujours senti moins méprisé, plus écouté, et en meilleure sécurité avec l'ASSÉ qu'avec les fédés. Et cela, indépendamment de ma plus grande proximité idéologique avec elle. Quand j'étais avec la FECQ et que je voulais ressusciter la PEN (La Presse Étudiante Nationale), je n'aimais pas vraiment l'ASSÉ. J'étais idéologiquement confortable avec ce que la FECQ disait. Mais personnellement, je me sentais comme une sous-merde qui n'avait accès à rien. Pas d'infos, pas de décisions, pas de budget, et il fallait toujours tout payer. C'est vrai, il y avait beaucoup de partys. Mais c'était à peu près tout le temps dégueulasse et plein de vomi. Vous n'avez qu'à taper "initiations UdeM" sur Google, vous allez en apprendre de belles sur la culture de pas mal d'institutions qui font pas la grève. Et le phénomène n'est pas grossi par la lentille des médias. C'est mille fois pire en vrai. L'UQAM, à côté de l'UdeM ou de McGill, c'est un cloître, quoiqu'en disent les bourgeois-es excité-e-s. Aux parents: vous pensez qu'un cégep ou qu'une université asséenne va transformer votre progéniture chérie en barbares dissipé-e-s? Vous avez rien vu, crisse. Faites-vous en donc pas avec ça et laissez les jeunes respirer.

Si j'étais actuellement un-e étudiant-e et que je me magasinais un cégep, je ne choisirais pas selon l'affiliation comme Éliane Laberge le suggère. En revanche, je ne me réjouirais pas non plus d'avoir à passer plusieurs années dans une institution affiliée à la FECQ. Si j'aboutissais dans un tel cégep, je militerais contre. Pas le choix.

Mise à jour (17/04/2013- 14h18): L'intoxication médiatique se poursuit chez Radio-X Montréal. L'attitude est paternaliste à l'extrême. Heureusement, personne ne les écoute.

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[1] Je ne suis pas l'auteur de ce vol, mais j'aurais bien voulu.

[2] Je sais que ça sonne bizarre, mais apparemment il faut réellement dire "à" HEC, l'acronyme signifiant (c'est sous-entendu) l'École des Hautes Études Commerciales, et non Hautes Études Commerciales. Je me suis fait reprendre à quelques reprises. Mais dites donc ce que vous voulez.

[3] J'invente même pas ça. Mais chuuuut. C'est un secret.

samedi 13 avril 2013

Occupation des bureaux d'Agnès Maltais et manif de soutien

Hier matin, une dizaine de militant-e-s lié-e-s à l'OPDS ont réussi à investir les bureaux de la ministre Maltais. Illes ont occupé le site pendant environ quatorze heures, avant de quitter volontairement vers une heure du matin. En soirée, sur les réseaux sociaux, d'autres militant-e-s ont décidé d'organiser une manifestation spontanée en soutien aux occupant-e-s.

Quand je suis arrivé sur les lieux (vers 20h45) nous devions être une trentaine. Pendant le rassemblement, nous avons seulement vu cinq ou six policiers, qui sont repartis aussi rapidement qu'ils étaient apparus. L'évènement a été couvert modérément par deux grands médias, à ma connaissance: Le Devoir et Radio-Canada, qui a envoyé un caméraman sur les lieux. Ce dernier est remonté dans sa voiture avec quelques images, après quelques minutes seulement. J'ai entendu dire que CUTV était aussi passée par là, un peu plus tôt, mais qu'elle était repartie couvrir les casseroles ressuscitées.

Les occupant-e-s ont connu plusieurs problèmes: deux personnes, qui ne se sentaient pas particulièrement bien, ont dû partir en cours d'occupation. De plus, les militant-e-s n'avaient pas amené suffisamment de nourriture, et la manifestation de soutien n'a pu procéder au ravitaillement[1], malgré l'héroïque tentative d'incursion aidée par notre fameuse diversion réalisée avec l'aide d'une poubelle, notamment.

À un certain moment, alors que nous faisions le piquet devant les portes de la Tour de la Bourse depuis plusieurs heures déjà, étonné-e-s de voir personne, j'ai entendu quelqu'un faire cette constatation: « Illes ont été invisibilisé-e-s. » Et c'est vrai. « Si ça avait été des étudiant-e-s, là-dedans, la police et les médias auraient débarqué en quelques minutes » a fait remarquer un-e autre.

La nuit dernière, c'était le désert[2].

Assez peu de gens appuient les nouvelles réformes de Mme Maltais, ou du moins beaucoup y sont opposé-e-s. Mais au fond de nous-mêmes, qu'est-ce qu'on s'en câlisse, collectivement, du sort des plus pauvres. Ce monde-là ne vaut même pas assez pour qu'on fasse un spectacle de leur arrestation. Les médias l'ont au contraire bien montré: illes méritent juste qu'on les ignore.

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[1] Un agent de sécurité a expliqué qu'il se ferait renvoyer s'il permettait qu'on apporte de la nourriture, qu'il avait des enfants à nourrir et blablabla. Il faut vraiment pas croire en ce qu'on fait pour sortir des arguments de même. Je trouve ça triste.

[2] Je ne veux surtout pas reprocher aux militant-e-s d'être resté-e-s chez eux. Il faisait mauvais, plusieurs l'ont su assez tard en lisant un statut Facebook, d'autres l'ont juste pas su. En plus, c'était vendredi. Une rumeur (je n'ai aucune idée de sa véracité) dit que quand on vous arrête un vendredi, il y a des chances pour que vous passiez la fin de semaine en-dedans.

vendredi 5 avril 2013

Votre travail ne sert à rien.

Bon. Blogger trouve que mes commentaires sont trop longs. J'ai donc décidé de répondre à un commentaire en publiant un nouveau billet.

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Si vous travaillez et que vous vous êtes posé-e des questions sérieuses sur votre travail, il y a de bonnes chances pour que vous vous soyez rendu-e compte, avec le temps, qu'une énorme partie de vos tâches ne riment à rien. Vous avez certainement également aussi déjà remarqué que des collègues ou des patron-ne-s étaient tout simplement des nuisances et que l'entièreté de leur oeuvre était contre-productive. Peut-être même que vous avez déjà travaillé dans une entreprise ou pour un organisme dont l'activité était tout simplement nuisible pour le "bien commun".

Eh bien, sans entrer dans la rédaction d'un article compliqué avec des statistiques et des calculs - je le ferai une autre fois, si j'ai le temps - je pense qu'une grande partie de notre activité économique est ainsi: elle est inutile et ne se traduit pas en amélioration de notre jouissance quotidienne.

Malgré les promesses de la technologie, nous travaillons toujours des dizaines d'heures par semaine, et si les horaires n'ont pas tant changé, le stress, lui, a augmenté dans de nombreux secteurs (comme si c'était possible) et dans à peu près tous les milieux de vie. Et maintenant en plus, les retraites sont menacées comme jamais.

J'en ai déjà parlé sur ce blogue: rien de ce qui se passe n'est logique. Une usine qui ferme, ce devrait normalement être une bonne nouvelle: puisque le travail est achevé! Mais non, tout le monde pleure, et on décide parfois de la garder en vie artificiellement pour ne pas perdre des emplois.

Ça ne fonctionne pas, entre autres choses parce que notre économie est basée sur la croissance, sur l'activité, plutôt que sur la nécessité et le plaisir. Vous connaissez l'histoire du trou de Keynes? J'ai pas mal l'impression que de créer une nouvelle version nulle du I-Phone toutes les années, c'est pas mal équivalent à creuser un trou pour en remplir un autre.

Tenez, je vous renvoie à un lien de droite. Lisez la partie sur les "limites". Et vous allez comprendre en même temps comment il se fait que Bastiat, cet économiste de la droite pure, a pu me rendre encore plus fainéant.

On valorise la culture de l'effort, et ça donne ce que ça donne. Quand bien même que vous seriez payé avec l'argent volé à des orphelin-e-s pour noyer des chatons à la douzaine, vous vaudrez toujours mieux qu'un-e chômeur/euse ou qu'un-e assisté-e social-e. Notre système de valeurs fera que quand vous rentrerez chez vous, avec votre hostie de boîte à lunch en métal et votre cravate, vous vous direz, fier/fière d'être un-e "contributeur/trice": "Une autre journée de travail accomplie avec sens du devoir et du respect de la chose bien faite."

Mais peut-être que vous avez déjà fait ce genre de constatation, et je m'en excuse si je m'étends là-dessus pour rien.

Je pourrais emprunter le vocabulaire des gestionnaires et vous parler de productivité, d'efficacité, etc. Mais ce n'est pas vraiment dans mes schémas de pensée. Je pense plutôt que chaque heure de travail gaspillée peut se compter en perte de jouissance. Face à cela, je vois deux solutions - mais il en existe sûrement plusieurs autres. Soit on rend le travail (inutile) jouissif (et donc ce ne sera plus du "travail"), soit on réduit le travail (utile) à un strict minimum. Je propose déjà quelques pistes pour y arriver:

- venir à bout de l'obsolescence programmée;
- remplir les villes de potagers et de vergers;
- fermer la plupart des agences de pub;
- fermer le gouvernement;
- détruire toutes les armes.

À partir de là, je pense qu'on peut organiser une société sans plus perdre la moitié de notre temps à galérer pour rien. Comment « organiser » cette société? Eh bien je sais pas, de diverses façons selon les goûts du moment, selon les désirs des individus et groupes desquels elle sera formée, je m'en câlisse! Tant que je resterai libre.

jeudi 4 avril 2013

Une horizontalité du haut vers le bas.

Ça m'exaspère un peu d'entendre parler ces jours-ci du prétendu rôle héroïque ou névralgique des auteurs de l'essai De l'école à la rue[1], qu'on entend depuis un moment sur toutes les tribunes, particulièrement à Radio-Canada. Et malgré leurs précisions et leurs professions de foi remplies d'humilité[2], mon impression est que les auteurs se sont autoproclamés Grands Timoniers du Printemps Érable. La préface du livre est la plus évocatrice et la plus ridicule dans sa glorification du travail des archontes de l'ASSÉ. Le reste: des lieux communs, pour la plupart, et beaucoup d'interprétations peu rigoureuses[3]. Mais je passe rapidement sur la critique du livre en question. Je préfère vous renvoyer à un commentaire féministe de l'ouvrage, écrit par plusieurs militantes: j'appuie celui-ci en grande partie et je vous encourage à le lire sur jesuisféministe.com ou sur le blogue de Pwel. J'appuie aussi l'action qui a été posée par ces mêmes militantes le jour du lancement, le 22 mars dernier. Il paraît que ça a mis Écosociété en furie que des femmes se présentent avec une bannière et des tracts critiques. Tant mieux.

Sans écarter nécessairement le discours tenu par les auteurs de De l'école à la Rue, je vais me concentrer sur ce que je perçois de l'argumentation qui accompagne les commentaires généraux sur la militance et le rôle prétendument central de quelques individus dans le mouvement de contestation du Printemps 2012.

Parce que ce qui m'énerve vraiment, c'est l'incapacité de plusieurs à se rendre compte de leur propre impuissance, de leur profonde insignifiance dans un mouvement qui les dépasse.

Je ne remets pas totalement en question l'importance de la militance et de la « tactique » dans la mobilisation. Mais le fait est que oui, il y a eu de la spontanéité dans le mouvement du printemps dernier, et une grande multiplicité. Cinquante ans après la fin du règne de la « peur multiforme »: la révolte multiforme.

La grève ne s'est de plus pas tant construite sur des années de mobilisation, sur du tractage massif, sur des kiosques dans tous les cégeps, que sur la base de la réaction face au grand choc que constituait le fameux 1625$, et ensuite le projet de loi 78. Ça, je n'en démordrai pas. Il est vrai que je n'ai assisté à aucun congrès de la CLASSE et que j'ai pour ainsi dire été pratiquement invisible pendant tout le printemps 2012 (malgré mon activité réelle et quotidienne). Je n'ai représenté personne, j'ai foxé mes AG, j'ai eu un comportement atypique, erratique, voire désagréable et particulièrement indépendant pour un activiste ordinaire. Mais cela ne me donne pas un très gros handicap en tant qu'observateur, je le crois fermement.

Peut-être, ça oui, que la CLASSE a surfé sur une vague. Mais sous-entendre que ses stratèges sont responsables de la mobilisation initiale, c'est d'une grande naïveté et d'une arrogance sans bornes. Suggérer, seulement, que quelqu'un avait le contrôle sur ce qui s'est passé est également d'une grande inconscience. Et affirmer ensuite que la base a dépassé le sommet (on parle «d'appropriation du discours» dans De l'école à la rue[4]) ne parvient pas à nuancer les exagérations courantes à ce sujet. Les choses ne se contrôlent pas; elles arrivent, un point c'est tout, et au milieu de l'immense tas de participations individuelles, la CLASSE et son conseil exécutif n'étaient qu'une pièce de l'engrenage.

J'entendais souvent des militant-e-s, en 2012, faire référence à l'échec de la grève de 2007, et avertir le troupeau contre des erreurs stratégiques qui auraient pu nous être fatales et qui nous ont supposément coûté un printemps hâtif, voilà cinq ans. Ben oui, pourquoi on a perdu nos votes de grève en 2007 déjà?

Parce que la hausse était pas assez élevée. Parce qu'on était pas en crise économique. Parce que la réponse de l'État n'a pas été aussi ridiculement radicale. Parce. que. le. contexte.

En histoire sociale et culturelle, le rôle des grands hommes politiques, comme se plaît à les appeler Mathieu Bock-Côté, est dilué. Ce n'est pas pour rien: si on se rend compte que dans certaines circonstances, des leaders musclé-e-s parviennent par eux-mêmes à influencer le cours de l'histoire, il n'en reste pas moins que les sociétés humaines constituent un fleuve impossible à harnacher convenablement. Les gens sont guidés par les normes, par leur personnalité, leur expérience individuelle, ce qu'ils perçoivent comme leurs intérêts immédiats, et caetera, bien plus que par une discussion avec un-e mobbeur/mobbeuse, par un discours enflammé, ou par la beauté d'un sex-symbol. Et cela est d'autant plus vrai à cette époque d'éclatement des médias et des influences, maintenant qu'on n'a plus les yeux rivés vers le discours unique de la télé ou de la propagande universelle de l'Église. En un éclair, une rumeur née à Montréal se répand à Chicoutimi. Un embryon d'idée n'a plus besoin de passer par les canaux ordinaires et la hiérarchie avant d'être approfondie et mise en pratique. Avec les avantages et les désavantages que ça porte.

Je me doute aussi des raisons qui ont motivé le fait de tant parler de tactiques (ou plutôt de tacticiens) et si peu de logistique, un élément qui est pourtant de loin plus important à mon sens. Ce choix de vocabulaire n'est pas innocent. J'y vois, entre autres choses, une dichotomie malsaine liée aux rôles genrés: les tactiques ou, exprimons-nous plus clairement, la supervision est traditionnellement un rôle masculin, alors que la logistique est davantage associée aux femmes, et c'est le cas à l'ASSÉ depuis une éternité, malgré ses positions féministes. Je ne pense pas être le premier à le dire. On ignore l'importance de la logistique comme on sous-estime l'importance d'autres secteurs traditionnellement associés aux femmes, comme les soins infirmiers, au profit des secteurs d'encadrement.

Bien franchement d'ailleurs, les tactiques je m'en crisse. Ces dernières changent selon le contexte, et quelque soit la force de la directive, elles peuvent être défiées ou mal appliquées, même à l'insu des dirigeant-e-s. Mais quand tu veux trouver un autobus pour te rendre à Victoriaville, il y a toujours un prix, un nombre de kilomètres, et un numéro de téléphone pour la réservation.

La grève, ce n'était pas Austerlitz ou Waterloo. Les contestataires ont pour la plupart avancé dans une confusion totale, par essai-erreur - et cela d'ailleurs ne me déplaisait pas. Il y avait bien un squelette, une structure avec trois ou quatre membres, avec cinq doigts ordinaires et symétriques sur chaque main qui décidait des dates des grandes manifs: mais cette image aux rayons-X était une illusion. Dans la chair du mouvement, il y avait réellement cent mille yeux, dix mille tentacules.

Nous passerons des décennies à extrapoler (modérément quand même, étant donné que le recul risque fort de nous permettre de relativiser l'importance historique du printemps dernier) sur les causes et conséquences de 2012, à soupeser l'importance ou l'insignifiance de certains facteurs, et surtout à ne rien y comprendre. Parce qu'il n'y avait pas de petit Napoléon, de régiments en ordre de bataille et scrupuleusement obéissants, et encore moins de colline à partir de laquelle on pouvait tout observer. Chacun, chacune a fait des choix tactiques. Chacun, chacune a possédé le potentiel d'un facteur déterminant.
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[1] J'ai terminé la lecture, mais je devrais m'attarder davantage sur certains passages, je l'admets.
[2] Je me souviens de les avoir entendu spécifier que non, le livre ne visait pas à mettre des individus de l'avant, et que non, l'objectif n'était pas de créer une Bible de la contestation.
[3] Par exemple, on pense que c'est « l'incapacité à pouvoir rivaliser avec les arguments des représentantes et des représentants du mouvement étudiant » qui est la cause principale du déclin du SRQ (p. 159). C'est à la fois présomptueux et peu probable qu'un ou deux débats télévisés aient pu à ce point provoquer l'impopularité des carrés verts.
[4] p. 138.