vendredi 31 décembre 2010

Au tour de la Tunisie.

Ce pays, je l'affectionne beaucoup. Il est dirigé depuis une éternité par le tyran Ben Ali. La Tunisie est parfois menacée par l'intégrisme religieux (sans doute moins qu'ailleurs) mais les gens y sont très accueillants. Et il y a comme quelque chose qui bouille dans sa jeunesse. Une profonde intelligence et un désir de révolte.

Il est presque impossible de parler de politique avec ces gens-là. La terreur est répandue car la répression est sauvage.

Ces derniers temps, la Tunisie vit une agitation intense. Je ne sais pas encore comment exactement s'oriente l'opposition, mais j'ose espérer qu'elle mènera vers l'expulsion de la tyrannie et que les miséreux/euses ne se laisseront pas séduire par d'autres avenues tout aussi nauséabondes que le parlementarisme de façade actuel.

Mon soutien à ce peuple qui veut vivre librement, dignement et en paix.

mercredi 29 décembre 2010

La psychose de la droite 2 - la presse libérale et Khadir

Le nombre d'articles qui a suivi la rumeur est incroyable. Démêler tout ça serait une recherche passionnante mais laborieuse. Nous allons donc nous en tenir à l'essentiel du bêtisier.

Après le commentaire insipide de Duhaime à la télé et dans le journal, plusieurs éditorialistes y sont également allés de leur charge personnelle. C'est d'ailleurs assez étonnant parce que généralement, les sujets traités par Duhaime, on s'en câlisse. Mais pas cette fois.

Le 17 décembre, on "accuse" Khadir de boycott. Le titre est étonnant mais l'acharnement ne fait que commencer. Apparemment inciter à la responsabilité est un nouveau crime passible de poursuites judiciaires. Mais les attaques fusent surtout à partir du 20 décembre.

Vincent Marissal écrit: "Le danger avec ces mouvements, c’est que l’on sait où ça commence, mais on ne sait pas toujours où ça finit. Je présume que le député de Mercier se contentera, pour ête cohérent, de vin de dépanneur pour les Fêtes puisque la SAQ vend quelques bouteilles de vin israëliens[1]."

Ce genre de critique est assez courant à l'égard de Khadir. C'est totalement ignorant de la dynamique d'un boycott et/ou de ce qu'on appelle choisir des cibles réalistes avec les moyens du bord. Et c'est ce pourquoi je crois sincèrement que ce genre d'attaques est de mauvaise foi. Sur le plan stratégique, même si c'est questionnable, le PAJU avait plus de chances de faire céder un petit commerçant dont les ventes de produits israéliens représentent un montant non-significatif qu'une chaîne avec des succursales partout. Le PAJU et ses allié-e-s n'ont en fait pas du tout les reins assez solides pour entâmer une campagne de boycott national de la SAQ. Attaquer leur cohérence à l'aide d'un tel argument est donc légèrement vain et s'apparente selon moi à du sophisme.

C'est très voisin de l'argument qui est sorti dans les jours suivants et qui a été répété à nous en rendre malades. Dans le Devoir, on publiait une courte lettre qui le résumait bien: "Cependant, pour donner encore plus d'envergure à votre campagne pour la justice, je vous suggérerais d'en appeler aussi au boycottage des quelques commerces dans le comté de Mercier qui vendent des produits chinois, la Chine étant un autre pays où le bilan des droits humains est un mégadésastre. "

En bref, cela consiste à dire que si on lutte contre une injustice, il faut impérativement être partout à la fois et combattre toutes les injustices semblables. Sinon, on "souffre de trouble obsessionnel". C'est une des choses qu'on reproche à Khadir afin de le dépeindre comme quelque chose qui s'apparente à un malade mental: "L'antisionisme obsessionnel de M. Khadir l'a poussé à aller manifester [...]" disait Lysianne Gagnon le 21 décembre. Apparemment quelques voix sans pores[2] ont pris des notes parce que l'éditorial de la Gazette parle aussi d'obsession en termes très méprisants.

Mais oui, après tout, pourquoi pas. On ne peut pas être que d'un seul combat. Il faut tous les mener à la fois. Pourquoi ne le dit-on pas plus souvent? Quand les militantes de PETA montreront leurs seins la prochaine fois, je leur demandrai avec sagesse: "Mais qu'en est-il donc du trafic d'enfants?" Anonymous attaque la scientologie mais ne s'occupe pas du déversement de déchets nucléaires dans la Volga. C'est pas parce que les gens du collectif en ont rien à foutre: c'est parce que ce n'est pas dans leur champ de compétence.

C'est une évidence qu'un seul individu ou un collectif de taille réduite ne peut pas s'attaquer à tous les problèmes du monde en même temps. Il n'est pas obsédé pour autant. Encore une fois, cet argument est faible. D'autant plus que Khadir s'est souvent attaqué à la théocratie iranienne et que QS, dans un effort désespéré pour rétablir les faits, a publié un communiqué à ce sujet.

On a aussi fait un parallèle entre la cause des Palestiniens et celle des Tibétains opprimés par les Chinois. Je rajoute un parallèle supplémentaire: les Tibétains, comme les Palestiniens, sont victimes de théocrates radicaux, en l'occurence cet homophobe de Dalaï Lama.

Le reste des attaques tombe dans une dangereuse paranoïa qui entre bien dans le paradigme Occident vs barbares. Lysianne Gagnon parle de fanatisme, ce qui est complètement hallucinant. Même après la publication de la lettre de Khadir (il a aussi eu la chance de s'expliquer à l'émission de Dumont, qui a consacré un impressionnant dix minutes à ce "scandale"), elle le répète dans la Presse, juste en-dessous du texte du premier. Par-dessus le marché avec une justification assez pauvre. Elle se défend aussi d'avoir accusé Khadir d'antisémitisme. Et pourtant, son premier texte est sans équivoque quand elle cite un certain M. Durand: "Quand allez-vous badigeonner ses vitrines d'une étoile jaune?". C'est à peine subtil et pas plus honnête. Et elle pense s'en tirer facilement. La conne.

Mathieu Bock-Côté, ce sociologue que je n'ai jamais rien entendu dire de sociologique, est aussi entré dans le bal, sans étonnement à l'émission de Dumont. Ses divagations, reprises à l'intérieur de son article publié dans la Presse, sont totalement surréalistes. Il recrée ainsi une nouvelle famille politique dont on a parlé à quelques reprises dans l'histoire du monde: l'ultragauche[3]. Ce terme est bien choisi parce qu'il fait peur. Ce n'est pas l'extrême-gauche. Ce n'est pas la gauche radicale. C'est l'ultragauche. De quessé que Bock-Côté avait derrière la tête quand il a associé un modéré comme Khadir à ça, fouillez-moi, j'en ai aucune idée. Chose certaine: il le rapproche des groupes révolutionnaires, alors que le député de QS est vraiment très, très réfo. Mais l'essentiel de l'argumentaire de Bock-Côté réside dans sa paranoïa vis-à-vis de ce qu'il perçoit comme un dégoût total de l'Occident répandu dans la gauche. "Même athée ou libertaire, l'ultragauche est bien disposée envers toutes les luttes qu'elle s'imagine en contradiction avec l'Empire." Cela suffit donc à faire de nous[4] des allié-e-s naturel-le-s de l'islamisme! Ce genre de dualité est répandu chez la droite nationaliste...

Mais la palme du sophisme le plus abject revient incontestablement à Joseph Facal.

"Des gens d'affaires éminents, comme Laurent Beaudoin, de chez Bombardier, et Jacques Ménard, de la BMO, soutiennent une collecte de fonds pour financer des activités parascolaires au goût des jeunes de ces écoles [...] Pendant que ces capitalistes infâmes et sans conscience sociale faisaient leur part, le député Amir Khadir faisait la sienne pour mettre de l'avant sa conception très particulière du «progressisme». Il manifestait devant le 4062, Saint-Denis, en compagnie de ses copains du Parti communiste du Canada."

L'autre jour, imaginez-vous donc que j'ai aidé une vieille dame à traverser la rue. Que faisait alors Joseph Facal? Il nouait sa cravate! Et le lendemain, j'ai donné 1$ à un musicien dans le métro. Que faisait alors Joseph Facal? Il prenait son petit-déjeûner!

***

D'une manière globale, on peut affirmer sans craintes que la couverture de la manifestation du PAJU a été incroyablement disproportionnée. Les chroniqueurs/euses ont tout simplement été coupables d'acharnement médiatique à la limite de la diffamation. Et illes ont agi de manière franchement psychotique. Je ne voterais pas pour QS, et cependant je suis frappé émotionnellement par tout le tapage que font les langues sales. Il est en fait une preuve de plus que la voie parlementaire n'est pas facilement accessible à ceux et celles qui désirent le changement. Le pouvoir politique est réellement la sphère des bien-pensants corrompus portant cravate, malette et faisant langue de tout bois. Les gardes du corps du politically correctness, hystériques comme des dindes picossant tout ce qui bouge, sont une armée de chroniqueurs/euses serviles et confortables. Participer à ce cirque nous condamnerait à devenir comme eux et c'est selon moi ce qu'il faut retenir de toute cette histoire.

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[1] Notez les erreurs d'orthographe et de frappe au passage. La faute dans "israélien" me fait penser aux très nombreuses personnes qui sévissent sur le Net et qui traitent tout le monde d'ignards. Ou des gens qui se veulent des grands défenseurs de la démocracie. Des fois, quand on s'intéresse peu à un sujet, on ne retient pas aisément l'orthographe d'un mot qui est relié à lui. Mais bon, attaquer la forme, c'est un peu injuste.

[2] Expression poétique reprise à Gauvreau et que je préfère cette fois à "crétins".

"Des voix sans pores
Me disent que je mourrai
Enflammé dans la carbonisation.

Ce n'est pas vrai.
Je suis dieu pour mes sourires secrets
Et en vérité je suis noble, franc et plein de liberté! [...]"

[3] Qu'est-ce que l'ultragauche? Historiquement, on peut peut-être parler des mouvements conseillistes à la Rosa Luxembourg. Mais récemment, le même terme a été utilisé, essentiellement par la police française, pour décrire certaines cellules "d'anarcho-autonomes" et/ou révolutionnaires, et/ou d'autre monde avec un nom qu'ils n'ont pas eux-mêmes revendiqué et qui est galvaudé à l'extrême. Mais en bref, quand on parle d'ultragauche aujourd'hui, c'est généralement pour parler d'une sous-catégorie de "terroristes" et faire ben peur. En ce qui concerne mon entourage, je crois être le seul de ma connaissance à avoir déjà revendiqué une appartenance à "l'ultragauche", et c'était à peu près par accident, même si en effet, j'étais à l'époque très, très proche des idées du communisme de conseils.

[4] Le sociologue nous place dans le même groupe.

mardi 28 décembre 2010

La psychose de la droite 1 - Duhaime et Khadir

Aux alentours du 13 décembre, on apprend qu'Amir Khadir est devenu le politicien le plus populaire du Québec. La réaction est immédiate: quatre jours plus tard, Éric Duhaime déclenche une nouvelle controverse autour des actions du député: il utilise largement la victimisation d'un marchand de chaussures afin de qualifier les actions de Khadir de "radicales". Dans le même article, il écrit ceci: "Khadir multiplie les interventions pour dénoncer la seule démocratie du Moyen-Orient sans jamais une seule fois condamner les organisations terroristes islamistes, ni les tyrannies du monde arabe." Ce qui est par ailleurs faux. Mais Duhaime est un mauvais journaliste, alors il ne vérifie pas. Et pourtant, même moi, qui suis un pouilleux d'anarchiste extrémiste, je vérifie avant d'accuser quelqu'un de quelque chose. Au minimum sur un moteur de recherche, wikipédia et des hébergeurs de vidéos, qui sont des sites accessibles à tout le monde.

Cette ignorance absurde en dit long sur la faible intelligence du personnage d'Éric Duhaime, son absence d'esprit méthodologique et sa curiosité manquante. Son ton alarmiste lui-même nous laisse penser qu'il appartient à cette large classe d'individus fermés, paranos et peureux qui forment la fange la plus conservatrice et autoritaire de toute société. C'est à s'étonner qu'il ait pu se trouver un emploi dans un quotidien tellement il est médiocre. Des fois d'ailleurs je me demande si je n'aurais pas mieux fait moi-même d'être de droite. Au milieu de cette bande de demeuré-e-s, même moi qui suis un peu bête, j'aurais pu passer pour un christie de génie[1].

Il y a une autre possibilité sur les erreurs factuelles commises par Duhaime: qu'elles soient volontaires et conscientes. J'ai déjà parlé de cette tendance que les manipulateurs/trices ont à matraquer un mensonge évident afin de contrer une vérité nuancée et aussi évidente. Pour qu'un mensonge passe, on n'a qu'à le répéter sur toutes les tribunes incessamment. Pas argumenté ni prouvé? Pas grave. Il y aura toujours au minimum une forte minorité pour le croire, puisque la méfiance ne fait pas partie de l'éducation (il paraît que ça change un peu avec la réforme).

Mais je ne vais pas accuser Duhaime de mauvaise foi. Émettons l'hypothèse qu'il est simplement mal informé, qu'il ne fait rien pour que ça change et qu'il ne se rétracte pas maintenant tout simplement parce qu'il est trop orgueilleux pour reconnaître son erreur. Ce qui est fréquent chez beaucoup de gens (dont moi-même je l'avoue) et systématique chez lui.

Duhaime accuse aussi Khadir et ses ami-e-s de terroriser le proprio de la boutique Le Marcheur. Il parle d'intimidation. Dans l'imaginaire de la droite québécoise - c'est le cas également chez Kelly-Gagnon, qui répète sans arrêt que "les hommes d'affaires sont la classe la plus opprimée du Québec" - les citoyen-ne-s sont terrorisé-e-s et intimidé-e-s quotidiennement par les actions des ultragauchistes, voire pris-es en otage par les méchants syndicats en grève qui les privent de sorties de ski. Pour la droite québécoise, la moindre perturbation est un crime affreux contre les libertés (de consommation). C'est le syndrome du "why are you closed", c'est-à-dire qu'on vit tellement dans une bulle individualisée que le moindre accroc à notre petite routine devient un drame personnel atroce. Plus largement, les gens ne sont pas intimidé-e-s parce qu'on les fouille ou qu'on leur envoie des lettres violentes, qu'on les bouscule ou qu'on les menace, ils sont intimidé-e-s parce qu'on leur distribue pacifiquement des tracts et/ou qu'on bloque un commerce (ce qui est du reste assez rare). Les gens ne sont pas terrorisés parce qu'une personne louche se promène avec un gun dans la rue ou les observent de manière insistante alors qu'ils préparent le souper dans leur cuisine: il leur suffit d'un groupe de pacifistes par ailleurs modéré devant leur commerce pour leur donner le syndrome du choc post-traumatique.

Cette sympathie profonde est à l'occasion gommée, en revanche, quand il est temps de parler des conséquences à long terme d'une arrestation injustifiée ou d'un mauvais quart d'heure passé en Afghanistan dans la peau d'un soldat. Dans un autre article, Duhaime a notamment suggéré que les travailleurs/euses syndiqué-e-s avaient payé des sommes astronomiques pour que les manifestant-e-s "fassent du saccage" au G20. Selon lui, les activistes du G20 sont donc largement des criminel-le-s: la preuve, c'est qu'illes sont allé-e-s en prison. Notons cependant que s'il ne mentionne pas que ce sont nos impôts qui ont payé la plus grosse partie de la facture du G20, il admet tout de même que la répression fut exagérée, comme un ou deux autres droitistes.

C'est une des contradictions profondes d'une grande partie de la droite libertarienne: si vous êtes agressé physiquement par l'État, vous êtes un-e criminel-le (et une lavette si vous vous plaignez). Si vous êtes gêné-e dans votre pouvoir de surconsommation par des impôts, taxes et actions politiques, vous êtes quasiment victime d'un génocide. Duhaime, sur ce plan, a multiplié ses interventions, pétant entre autres sa coche parce que les épiceries ont fini par appliquer son divin concept d'utilisateur-payeur.

Mais je m'étends, je m'étends. Pourtant il y a encore tellement à dire. Je vais donc revenir sur le sujet dans mon prochain billet, qui traitera de la participation des autres journalistes mainstream à l'actuelle psychose entourant les derniers actes prétendument subversifs d'Amir Khadir.
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[1] Mon blogue serait dix fois plus lu, j'aurais sans aucun doute publié les lettres d'opinion que j'ai envoyées à tout hasard dans quelques journaux et je n'aurais pas été en prison au G20. Peut-être même que j'aurais de l'argent!

mardi 21 décembre 2010

La religion au Québec: la représentation des femmes.

Alors que les Musulman-e-s en tout formaient seulement 1.5% de la population en 2001, la proportion de femmes à l'intérieur de cette confession n'était que de 45%, contre 51% pour les femmes dans le Catholicisme. Cette différence est sans doute largement attribuable à la composition majoritairement masculine des immigrant-e-s des pays arabes. Par ailleurs, les membres des religions très pratiquées par les immigrant-e-s sont majoritairement des hommes.

Fait plus étonnant: un plus grand nombre d'hommes s'étaient émancipés de la religion en 2001: ils formaient alors 55% des personnes ayant déclaré n'avoir aucune attache à une religion. Ce large groupe occupait alors un poids assez stable de 5,8% de la population québécoise.

Source.

jeudi 16 décembre 2010

La carte Opus des policiers...

...fait s'allumer la lumière jaune lorsqu'ils traversent au tourniquet.

mardi 7 décembre 2010

Les manifs: un peu de gestion de crise.

La manifestation du six décembre a été plus que tranquille. Quelques agitateurs/trices sont parvenu-e-s à plusieurs reprises à réchauffer un peu la foule: mais leurs gestes restèrent isolés. Des activistes ont aussi tenté de pénétrer dans la salle de conférence, sans succès: l'escouade antiémeute les attendaient à l'intérieur.

Mais pendant une dizaine de minutes, la soupe était proche de l'ébullition. Nous étions devant la barrière du Hilton et nous frappions dessus joyeusement pendant que des balles de neige fusaient vers les flics (et vers nous: j'ai dû en recevoir trois en arrière de la tête) et que les slogans devenaient de plus en plus drôles.

J'allais me dire: "ça y est, c'est parti", mais au même moment, j'ai commencé à me sentir poussé dans le dos. Je me suis retourné pour me rendre compte qu'une foule très dense s'était formée entre la rue et notre petit groupe. Impossible, ou presque, de bouger. En sautillant un peu, j'ai aussi remarqué qu'une rangée de policiers (certes clairsemée) en armure bloquait la rue à l'ouest et qu'aucun groupe ne s'était formé à cet endroit-là pour empêcher une charge par le flanc.

J'ai donc pensé, à la lumière de cet évènement qui aurait pu mal tourner, que proposer ici une discussion sur les situations d'urgence dans les manifs serait utile, surtout avec ce qui s'en vient. Le but n'est pas d'inciter à l'émeute ou quoi que ce soit "d'illégal", mais d'informer et/ou de débattre sur des situations dans lesquelles des groupes peuvent se retrouver de bon ou mal gré. Par ailleurs, comme le prouve l'exemple du G20 de Toronto, toutes les situations présentées ici surviennent souvent dans le cadre de manifestations légales.

Dans un rassemblement

Se tenir devant l'escouade antiémeute ne représente en rien une offense à la loi, ni même une action subversive. 95% du temps, les antiémeutes ne sont utiles qu'en tant que force dissuasive. Quand les choses vont bien, et/ou qu'un obstacle physique vous sépare des policiers (les forçant à ralentir leur marche, comme une barrière style nid-de-poule-en-réparation par exemple), il n'y a pas de crainte à avoir.

Dans une situation où un rassemblement assiège une place ou reste immobile, il faut cependant s'assurer impérativement de plusieurs choses.

1. Des voies d'évacuation sont accessibles:

Quand le rassemblement devient plus houleux, il est important de permettre en tout temps à tout individu de quitter les lieux. Ne bloquez donc pas, par votre présence, les accès de manière étanche. Des blessé-e-s, des incommodé-e-s, des déshydraté-e-s, des gens intoxiqués, il y en a toujours à évacuer, même quand il y a pas de violence.

2. La foule n'est pas trop dense:

Il suffit d'une grenade lacrymogène ou d'un peu de poivre de cayenne pour semer la panique au milieu d'une assemblée. Si la foule est trop dense, c'est l'intoxication garantie pour ceux et celles qui sont au premier rang. La panique étant particulièrement contagieuse dans ces circonstances, les risques de blessures par piétinement sont aussi très élevés. Beaucoup d'activistes ont le réflexe de se masser densément devant une rangée de flics afin de briser la force de charge de celle-ci voire de la pousser (une action qui ne se solde pas toujours par un décret "d'attrouppement illégal"), mais je me questionne sincèrement sur la pertinence de se constituer un mur de quinze personnes d'épaisseur. Et c'est sans compter le fait que je n'ai jamais vu une rangée de flics se briser après qu'on ait poussé dessus de cette manière. Lors de "poussées", j'ai surtout vu du monde revenir en arrière avec une clavicule pétée.

Quand une grenade de lacrymos éclate, les gens qui sont à proximité ont tendance à courir pour s'éloigner du périmètre contaminé. Les gens qui ne se sentent pas en danger restent sur place. C'est une grave erreur: en restant immobiles, ils empêchent les victimes potentielles de se mettre à l'abri. C'est donc une affaire de civisme et de solidarité que de s'éloigner lentement pour dégager de l'espace quand le gaz se répand, même si vous ne risquez pas a priori d'être atteint-e. Par ailleurs, les lacrymos ne se répandent pas à la vitesse de la lumière. Si vous êtes déjà à trois ou quatre mètres de la grenade, NE PRENEZ PAS LE RISQUE DE VOUS METTRE À COURIR. Vous allez augmenter la panique et peut-être bousculer quelqu'un.

Bref, quand vous voyez qu'un attroupement s'est formé contre une rangée de flics, je vous conseille de rester en retrait et ne pas vous joindre à la masse. Vous pouvez jouer un autre rôle. N'oubliez pas, aussi, que contrairement aux forces policières, l'avantage d'une masse manifestante est sa mobilité et sa versatilité.

3. Tous les angles sont couverts:

Ce comportement est presque systématiquement adopté lors des rassemblements. À Montebello (en 2007) par exemple, le front nord (la 323, je crois) était gardé efficacement par un regroupement de syndicalistes, de personnes plus âgées et de quelques modéré-e-s. C'est à cet endroit que les fameux agents provocateurs avaient débattu passionément avec les jeunes anars et David Coles[1]. Mais le 6 décembre, ce n'était pas le cas. En fait, aucun angle n'était couvert. Dans une situation semblable, je suggère à quiconque s'en rend compte de convaincre (en gueulant) une dizaine de personnes d'occuper le tronçon de rue vulnérable.

4. Les hauteurs sont occupées par des allié-e-s:

L'altitude comporte plusieurs avantages: meilleure visibilité, meilleure force de poussée, confort psychologique. Au printemps 2006 (il me semble), l'ASSÉ avait organisé une manifestation qui avait failli mal tourner. Les marcheurs/euses souhaitaient monter sur Sherbrooke, mais les flics considéraient que comme c'était une voie d'urgence - c'est souvent l'excuse employée - la rue ne devait pas être bloquée. Ils nous ont donc barré la route alors que nous montions sur Kimberly (ou Jeanne-Mance). Leur déploiement s'est fait dans la surprise totale, parce que nous étions à ce moment-là en bas de la pente et qu'il était impossible d'être au courant de leur présence. Quelques radicaux/ales ont alors eu la mauvaise idée de camper sur leur positions en situation foutrement défavorable, laissant par ailleurs les paniers à salade se disposer en contrebas. Plusieurs projectiles furent lancés sans succès: l'angle de lancer est abominable en bas d'une pente, la force du jet est affaiblie et il est courant qu'un-e camarade placé-e plus haut soit frappé-e par l'objet volant non-identifié. On est pas à Austerlitz non plus. Il n'y a pas de possibilité de contournement dans une rue de quinze mètres de large. Les flics eux-mêmes cherchent presque toujours à occuper les hauteurs. C'est pas pour rien.

Une position basse est intenable, et c'est dangereux d'y rester dans toute manif. En effet, il arrive assez souvent que l'Escouade charge sans provocation lors d'une manif pacifique. Et descendre une côte en courant au beau milieu d'une foule, c'est comme dangereux.

Voilà tout ce qui me passe par l'esprit ce soir. Je vous suggère de compléter ou contredire avec des commentaires pertinents qui ne proposent pas, bien entendu, de recourir à des stratégies agressives (et qui pourraient donc me mettre dans la marde en tant que blogueur).

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[1] Soit dit en passant, ce sont bel et bien les activistes anarchistes qui ont identifié et chassé les infiltrés, les enjoignant à retrouver leurs confrères. Les vieux syndicalistes, traités en héros dans les médias et présents sur la ligne ont presque tout fait foirer en tentant d'affronter les porcs, déclenchant quasiment une bagarre.

lundi 6 décembre 2010

L'étude du Conseil du Patronat - les étudiant-e-s.

Cette étude est malhonnête et démagogue. Limite diffamatoire, même, tellement elle déforme la réalité. C'est un exercice de propagande qui ne vise qu'à faire passer les idées patronales discutées en tête-à-tête avec les Libéraux, aujourd'hui à Québec.

Cette étude traite des habitudes de consommation des étudiant-e-s (dont 52% ne bénéficient pas de l'aide financière) sans mentionner, pourtant, le taux d'emploi, le nombre d'heures travaillées en moyenne, le niveau d'endettement et surtout le revenu total.

La dernière omission elle-même constitue une bavure intellectuelle d'envergure.

Les étudiants et étudiantes ne SONT PAS FINANCIÈREMENT CONFORTABLES.

"Pour 25 % des étudiants, le niveau de revenu est de moins de 12 000 $."

dimanche 5 décembre 2010

Demain ça va brasser.

Du moins, j'espère. Ça fait plusieurs années que nous sommes dociles et il faut que ça cesse. L'autobus part à 9h00 au Carré Berri et la manif, à Québec, commence à 13h00.

Nous manifestons contre le gouvernement parce qu'il nous menace:
- de doubler (ou plus) les frais de scolarité;
- d'imposer une hausse différée par programme;
- d'augmenter la part des entreprises privées dans le financement des universités;
- etc.

Comme la décision n'est pas prise et que nous ne savons pas vraiment ce qui nous pend au nez, ce ne sera pas le rassemblement le plus important de la décennie. Mais c'est important quand même.

Le gouvernement n'a rien à foutre des grèves étudiantes. Il l'a prouvé à plusieurs reprises. Ce qu'il faut, c'est perturber les activités du pouvoir sur une base quotidienne (ce qui est facile à faire pendant une grève).

samedi 4 décembre 2010

Mon conte de Noël - Saint Frère André

Cette histoire de famille n'a à ma connaissance jamais été racontée en public. Je la tiens de ma mère qui la tient de sa mère.

***

Un cabinet de docteur, un jour à la fin des années vingt ou au début des années trente. Mon arrière-grand-mère se fait examiner. Le médecin, solennel, lui annonce qu'elle ne devrait plus avoir d'enfants. Le danger pour sa santé est beaucoup trop grand.

Mais mon arrière-grand-mère est une femme très pieuse. Elle a entendu de nombreuses fois le curé appeler au respect du devoir conjugal. Elle cherche donc un deuxième avis, car elle n'est pas confortable avec le fait de n'avoir donné deux enfants. Soit à cause de la pression sociale, soit à cause de son mari, soit parce qu'elle aime les enfants. Soit parce que la contraception, c'est péché.

Elle parvient à obtenir un entretien avec le Frère André, qui à l'époque est respecté de tous et de toutes. Il est d'un âge noble. On entend parler de dizaines de miracles. Le miracle lui-même semble graviter autour de sa personne, la sagesse émaner de sa bouche. Il connaît des milliers de gens; il en a conseillé cent mille. Il a une longue expérience de la vie.

Mon arrière-grand-mère le rencontre. Elle lui demande ce qu'elle devrait faire. La réponse exacte du Saint, je ne la connais pas. Tous les témoins directs sont morts depuis longtemps, sauf peut-être une vieille tante qui était alors toute jeune. Mais voilà la phrase rapportée qui s'est transmise de bouche à oreille sur trois générations: "Ce serait dommage qu'une femme aussi jeune s'arrête aussi vite."

Quelques mois plus tard, mon arrière-grand-mère est morte en donnant naissance à ma grand-mère. Aux funérailles, il y a quelques dizaines de personnes, et parmi elles deux enfants tristes et un bébé qui ne connaîtra jamais l'amour maternel.

Moins de dix ans plus tard, le Frère André meurt à son tour. Devant sa dépouille paradent presque un million de personnes.

En quelque sorte, ma grand-mère fut comme beaucoup d'autres un enfant de Saint André Bessette. Quasi-orpheline, elle a été élevée par les bonnes soeurs après que sa mère ait suivi le conseil foireux du vieux religieux. Sans lui, elle ne serait pas née, et moi non plus. Ne suis-je donc pas moi-même un véritable miracle?

Mais comme ma grand-mère, je n'ai aucune reconnaissance pour ce vieil escroc. Même que je lui chie dans la gueule, à ce saint de comédie plate du TNM. Je souille sa crisse de soutane à la mémoire des femmes qui sont mortes à cause de lui. Voilà quelque chose que ma grand-mère, trop bien élevée, n'aurait jamais osé vouloir faire. Quoique.