lundi 24 octobre 2011

Langues sales de Canoe - cohésion interne des "indigné-e-s"

J'aimerais bien savoir ce que les occupistes de Montréal ont à répondre à Canoe, qui note de manière assez biaisée semble-t-il, que les cas de violence se sont multipliés à l'interne dans le campement. Boisson, drogues, attouchements sexuels, agressions physiques, tout y passe. Loin d'être une société-modèle, la micro-société du campement reproduit selon Quebecor les problèmes de notre large société à petite échelle, même l'immigration d'éléments a priori indésirables: voyons voir comment les occupistes répondront à cette critique et au problème plus général de la vie en commun.

Auront-illes recours à la création d'un code de comportement plus serré? À des exclusions définitives? À la création d'un service d'ordre implacable (en bref, une police)? Ou choisiront-illes plutôt de former des comités de médiation sans intervenir de manière coercitive?

Leur tolérance face à la Milice Patriotique du Québec (ou l'Armée de Libération, whatever) me laisse aussi circonspect. Les occupistes se rendent-illes compte qu'illes laissent une tribune de grande importance à une organisation militariste par essence et passablement proche de l'extrême-droite dans sa manière de concevoir le monde?

Je ne sais pas quoi penser de tout ça - je saurai sans aucun doute soudainement quoi penser quand tout aura échoué[1] - et je dois avouer qu'entre la position nuancée de Bakouchaïev et la position plus critique de Youri, je ne sais pas où me situer. J'ai fortement envie de me sentir concerné par le campement, et je me suis surpris à être séduit par l'idée d'y piquer ma tente pour vivre ça le temps que ça vit; en même temps, je ne suis pas séduit par le discours réformiste et les mauvaises inspirations de nos camarades vivant actuellement dans leurs tentes.

Et si je ne me sens étrangement pas concerné par des mesures genre la "taxe Robin des Bois", est-ce que ça signifie que je fais davantage partie du 1% que du 99%? Il y a peut-être de la place pour moi sous une semelle de chaussure bien cirée d'un banquier. À la manière d'une gomme à mâcher persistante, je pourrais rester collé au talon et ramasser des bouttes de gravelle.

Mise à jour: il y a actuellement un débat interne sur la présence de la MPQ.

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[1] Je reconnais à l'avance mon biais. Quand tout sera terminé, je trouverai instantanément plein de nouvelles raisons qui expliqueront cet échec.

mardi 18 octobre 2011

Fanatiques machistes à Montréal.

Ce serait tellement plus facile de les empêcher de lancer leur message de haine si on avait réservé des locaux pour eux à l'UQÀM juste pour le plaisir ensuite de perturber leur hostie de conférence. Je me demande qui a bien pu leur prêter un espace où faire leur propagande irrationnelle.

Le site web de l'organisation, l'IERA, semble de plus hors service. Aura-t-on droit à une réunion quasi-privée comme lors du Congrès pro-vie de 2005, à l'écart de lieux publics plus fréquentés?

lundi 17 octobre 2011

L'histoire nationale.

Je vous recommande d'écouter cette entrevue diffusée à Radio-Canada. C'est une bonne introduction au débat sur l'enseignement de l'histoire au Québec. Rappelons que plusieurs historien-ne-s des courants d'histoire sociale et culturelle affrontent actuellement les historien-ne-s nationaux (et nationalistes!) qui tentent d'en revenir aux bonnes vieilles méthodes. Quant aux enseignant-e-s de niveau secondaire, eh bien je me demande si la majorité a les connaissances suffisantes pour seulement prendre part au débat[1].

Qu'on vienne pas prétendre que la Fondation Lionel Groulx a produit un rapport neutre à ce sujet. Le nom lui-même nous renseigne suffisamment sur l'épaisseur du biais de l'organisme. Lui faire dire qu'on n'enseigne pas assez l'histoire nationale, c'est un peu comme si dans 70 ans, l'Institut Stephen Harper recommandait la construction de nouvelles prisons. Pas crédible.

Oui, il faut encourager l'enseignement de l'histoire, mais une histoire rigoureuse, pas une histoire qui exagère des antagonismes raciaux, nationaux et religieux.

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[1] Bravo cependant à ceux et celles qui aiment réellement élargir leurs horizons en lisant autre chose que des biographies de Hitler et des récits de batailles.

samedi 15 octobre 2011

Rassemblement des "indigné-e-s", Montréal

Quelques médias parlent de 500 personnes, mais je me demande si au moment où je suis parti, on a pas rejoint 800. La place Victoria était bondée.

C'était une manif festive et familiale. Cela n'a pas empêché beaucoup d'anticapitalistes de s'exprimer. J'ai particulièrement aimé le slogan "occupons tout, ne demandons rien", écrit sur une bannière. Il y avait aussi de vieux nationalistes portant le béret, quelques personnalités publiques (dont Christian Bégin et Armand Vaillancourt), et surtout du monde très ordinaire (j'ai même croisé des vieux et vieilles ami-e-s de Victo).

D'une manière générale, je crois que les discours n'appelaient pas à des changements mineurs. En raison peut-être de la forte présence du "contingent" anticolonialiste, il régnait dans la foule un climat orageux qui dépassait les faibles exigences habituelles de la gauche vaguement réformiste. Je pense donc que la sympathie que Flaherty croit avoir pour le mouvement risque de se changer en mépris très bientôt, si c'est pas déjà fait. Dommage quand même que les masses de manifestant-e-s ne décident pas de lui faire plutôt ressentir de la terreur.

La police était invisible, et le service d'ordre absent. Tant mieux. Mais je pense que ça peut changer si le mouvement décide de se structurer ou de chercher des appuis extérieurs, chez les centrales syndicales ou les grandes coalitions par exemple. L'important, au moins, c'est que nous n'avons heureusement pas eu à assister à une chasse aux sorcières au beau milieu d'une foule comprenant des dizaines d'enfants, comme en mai dernier.

vendredi 14 octobre 2011

Quinze jours pour envoyer vos textes.

Le Bloc des Auteur-e-s Anarchistes reçoit des textes de fiction libertaire jusqu'à la toute fin du mois d'octobre. Les nouvelles peuvent être envoyées en quatre langues (italien, français, anglais ou espagnol). Vous pouvez trouver plus d'informations sur le site web de l'organisation. Les meilleurs textes seront choisis dans les mois qui suivront.

jeudi 13 octobre 2011

Chroniques de la Station Berri-UQÀM (2) / mines

Ce matin, sur le plancher d'un wagon de métro sur la ligne orange, il était écrit:

« Mais où allons-nous réellement ? »

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KIN les maudits chiens!

lundi 10 octobre 2011

Encore de la violence. (diversité des tactiques IV)

Suite à la traduction de la lettre d'anarchistes adressée aux occupistes, un long commentaire a été écrit pour dénoncer la « violence » de plusieurs manifestant-e-s et par le fait même justifier l'ostracisme des individus les plus radicaux dans le mouvement des occupistes de Montréal; ce qui est d'ailleurs d'une profonde naïveté étant donné que beaucoup d'anarchistes sincères figurent parmi les initateurs/trices de l'inspiration des occupistes de Montréal. C'est d'autant moins valable qu'en plus de dénoncer la forme, on dénonce, dans ce commentaire, la cible du mouvement, c'est-à-dire le capitalisme. Ce genre de commentaire, typique de la gauche réformiste, a l'air d'une comptine apprise par coeur.

J'ai décidé encore une fois de sortir de la boîte de commentaires afin d'écrire une réponse plus complète et aussi de recentrer le débat.

Tout d'abord, l'intervenant nous dit ceci:

« La très grande majorité des gens sont contre la violence. Prétendre que "ma violence à moi est justifiée - sacage durant les manifs, roches lancées, etc. - parce que les policiers sont violents", ne tient pas la route. Est-ce que les policiers sont violents? C'est une autre question... mais supposons que oui. Se donner le droit d'être violent, c'est comme dire que durant la Deuxième Guerre Mondiale, on aurait eu le droit de gazer les Japonais vivant en Amérique du Nord parce que les Nazies gazaient les juifs. Et une fois qu'on a gagné contre les Allemands, est-ce qu'on aurait eu le droit de fusiller la population au complet? »

Ce qui me dérange tout d'abord dans ce paragraphe, c'est le "on". De quelle victoire parle-t-on suite à la Deuxième guerre mondiale? Immédiatement après la fin et après environ 50 millions de morts, un nouveau conflit, la guerre froide, ne faisait que commencer. Le nazisme a effectivement été défait après 45, mais par qui? Par d'autres régimes autoritaires qui devaient dans les décennies suivantes ostraciser, emprisonner, affamer, assassiner, détruire. Qui est donc ce "on"? Les "démocraties" capitalistes? L'Union Soviétique? Qui est ce "on" qui a en effet violé les femmes berlinoises, et laissé les prisonniers de guerre allemands crever par milliers dans des camps? Qui a spolié les Japonais-e-s de leurs droits en Colombie-Britannique pendant la guerre et par ailleurs refusé l'entrée aux Juifs/ives en exil? Ce même "on".

Je peux paraître m'écarter du sujet en insistant sur un détail sans importance du discours, et pourtant c'est une composante importante du paradigme présent ici. L'auteur du commentaire considère qu'il fait partie d'un tout moralement supérieur qui aurait triomphé par le passé d'une bête immonde et étrangère. Le "on", qui est une entité politique, une autorité, aurait triomphé du nazisme; est-ce ce même "on" qui condamne la violence des manifestant-e-s? En employant un "on" (qui veut dire "nous"), on se positionne vis-à-vis l'autre. Or, la plupart des gens visés par le sermon de notre camarade ici présent considèrent, sans doute à juste titre, que ce "on" de la conscription, de la loi du cadenas, de la censure, du mensonge et de la corruption est aliéné.

Navré maintenant d'avoir fourni une démonstration aussi longue.

Mais ce n'est pas tout. Sur le plan simplement argumentaire, il y a une grosse faille dans le raisonnement. L'auteur du commentaire parle de guerre et de répression, soit de gazer les Japonais par fureur vengeresse, et y associe mutatis mutandis[1] le fait de crisser des roches dans des vitrines. Plus tard, il y associe d'autres exemples de violence extrême, soit le meurtre de médecins pratiquant l'avortement!

« Ce genre de raisonnement me fait vomir... » dit-il en comparant finalement les contestataires d'aujourd'hui à des génocidaires.

Non seulement ces analogies sont inacceptables et puériles, mais en plus, elles sont à double tranchant. La dérive sécuritaire qui a privé les Japano-Canadien-ne-s et Germano-Canadien-ne-s de leurs droits pendant la Deuxième guerre mondiale, le bombardement de Tokyo, les deux bombes nucléaires, le massacre des Berlinois-es, etc. n'étaient pas acceptables, c'est évident. Cependant, que pense l'auteur des violences quotidiennes des armées alliées contre les soldats allemands? Les gouvernements de l'époque auraient-ils dû essayer de contrer la furie nazie en occupant pacifiquement un coin de rue? Je suis pas mal certain de la réponse de Monsieur Étienne. À ce titre, sans doute que ma réponse à moi serait plus étonnante en proposant des solutions moins brutales que la majorité des sociaux-démocrates de ce pays.

De plus, il n'est pas question ici d'attaquer des médecins qui ont des pratiques prétendument illicites ou de punir une population après avoir gagné une guerre. Il s'agit, dans la plupart des cas, de simple autodéfense, alors que les exceptions (les quelques vitrines cassées qui sont loin d'être une foule) sont généralement des attaques en réponse à des atrocités sans nom - Coca-Cola est tout simplement une pépinière à meurtriers - et le vandalisme de quelques machines distributrices ou commerces affiliés (rappelé par l'action du collectif Ton Soeur contre un autre membre de l'empire du sucre: "boire Pepsi, c'est se chier dans la gueule") ne me semble pas disproportionné en regard des assassinats, mais cruellement nécessaire. Idem pour les actions visant les entreprises qui, par leurs politiques, participent à pourrir la vie des gens à travers le monde.

Rappelons aussi que le Printemps arabe, duquel plusieurs occupistes inspirent leur mouvement, a été salement violent, avec des pierres, des bâtons, des cocktails Molotov. Normal, dirons-nous. Les sbires du régime tiraient sur la foule. Mais à quoi au juste faut-il s'attendre? Que les forces de l'ordre laissent les choses se transformer pacifiquement? Ça ne se passe JAMAIS comme ça. Si vous devenez une force de changement, il y aura nécessairement des agressions auxquelles vous devrez faire face. S'il n'y a pas d'abus de la part des puissant-e-s, eh bien soyez-en certain-e-s, ça veut dire que vous êtes pas considéré-e-s comme dangereux/euses.

Comment faire face aux abus? Nous connaissons des dizaines d'approches. La résistance active, passive, le repli stratégique, la fuite désordonnée, la délation de camarades, l'inaction, etc. Ce que, dans mon expérience et mes discussions avec d'autres, j'ai pu conclure de ces approches, c'est que la plupart sont vouées à l'échec. En ce qui me concerne, je pratique habituellement la résistance passive et, dans d'autres situations... eh bien c'est plus la fuite désordonnée. Cela ne m'empêche pas de reconnaître que la résistance active est souvent efficace. Les abus les plus massifs dont j'ai été témoin dans ma vie ont été commis sur des pacifistes qui avaient laissé les flics les arrêter[2]. Bref, vaut toujours mieux se défendre... que de pas se défendre[3].

Pis si vous voulez renoncer à ce que vous appelez de la "violence"[4], ben câlisse, renoncez au changement.

J'en parlais dans un billet intitulé "Pourquoi dénoncer la violence insurrectionnelle?". Dénoncer la violence insurrectionnelle revient à dénoncer les piqûres d'abeilles. Les piqûres ne sont pas toujours méritées et bien ciblées, mais elles sont rarement gratuites. Voilà une autre analogie qui a deux tranchants. Quel rôle jouent les radicaux dans cette représentation? Celui du gamin qui donne un coup de bâton dans la ruche ou celui de la ruche? Un peu des deux.

Mais c'est pas ça qui importe. Ce qui importe, c'est le bâton. Le bâton qui secoue la ruche des radicaux, jeunes de la rue, membres du BB, etc. est matériel: c'est la misère quotidienne et le manque de liberté. Alors que le déclencheur de la répression, c'est un problème imaginaire: un rideau d'illusions, de préjugés, tissé sur une haine colportée par les médias, les officiers, l'école de police. En quelque sorte, ce sont les flics eux-mêmes qui se câlissent un coup de bâton. Comme nous l'avons vu un million de fois, provoquer les flics par des actes de désobéissance civile ou autre action ne change pas grand-chose. Aussitôt que l'ennemi est identifié, les aiguillons sont sortis, l'essaim est groupé: il va frapper.

Mais bon, on s'écarte.

«il en suffit de 10 qui font de la casse pour que le message des 990 autres passent sous silence»


C'est loin d'être certain. De un, si un-e leader prend la parole pour les autres, le message d'une seule personne sur mille sera entendu de toute façon. De deux, plein de journalistes font quand même l'effort pour poser des questions aux manifestant-e-s pacifiques, qu'il y ait débordement ou pas. Vous sous-entendez qu'une manifestation calme a plus de chances de faire passer un message? Je pense que c'est de la bullshit. Je pense que ça dépend plus de la mise en scène que de la radicalité de la manifestation. Si le message est bien passé, qu'il soit accompagné d'une action de perturbation[5] ou non, il passe bien. Quand il est mal passé, il passe mal.

Et quand la population décide de ne pas écouter le message, on peut toujours mettre la faute sur la casse ou les graffitis. S'il y en a pas, on fait porter le blâme à l'indifférence et au cynisme[6]. C'est pas tant une question de méthode que d'habileté dans la communication.

Et en passant, les grands médias ne sont pas nécessairement les meilleurs outils de communication. Avec Internet et/ou une photocopieuse, ils sont contournables. Et si un mouvement part, croyez-moi, les médias vont suivre... leurs intérêts. Pas besoin de faire des courbettes aux faiseurs d'opinions.

Ce qui me choque le plus, finalement, avec le commentaire de l'autre blogueur, ce sont les accusations irréfléchies et ignorantes. La diversité des tactiques ne signifie pas nécessairement lancer des roches et donner des coups de bâton. Ce que la police appelle généralement de la violence, c'est souvent finalement pas grand-chose. Des "cocktails Molotov" qui sont en fait des bouteilles d'eau vides, des "déguisements" qui sont en fait des pansements triangulaires et toute une panoplie de fausses armes, on en voit régulièrement. On essaie de rendre les activistes radicaux épeurants avec de fausses accusations, et stupidement, des gens y croient. Alors que pourtant, dans la plupart des cas, la "diversité des tactiques", ça veut simplement dire bloquer un coin de rue de plus, faire une occupation, écrire des gros mots sur un mur, etc. C'est rarement aller gratuitement défoncer des vitrines et des flics. Dans mon expérience, ce genre d'affrontements plus directs ne surviennent que lorsque les autorités ont déjà commis, souvent sans provocation, des actes très, très répréhensibles. Maintenant, est-ce que je suis en faveur de cette violence bien réelle (quoique défensive)? Euh... Je dirais pas que j'y suis violemment opposé, mais je pense pas vraiment que je vais y participer.

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[1] Hum... Je suis pas certain d'avoir bien utilisé cette expression latine.
[2] C'est le cas des abus massifs, mais peut-être pas individuels. J'ai de sérieuses raisons de croire que la police a l'habitude de battre plus sérieusement une personne active, que ce soit par vengeance ou par pur mépris.

[3] Duh!
[4] Et moi, jamais j'appellerais à l'agression sur des individus, ce qui indubitablement cette fois, serait de la violence.
[5] La perturbation est très précieuse pour acquérir de la visibilité!
[6]«Je suis déçue, a confié Pauline Éthier, une manifestante. J'aurais pensé qu'il y aurait beaucoup plus de monde aujourd'hui. Il y a beaucoup de cynisme dans la population. C'est peut-être la raison pour laquelle les gens ont l'impression que même s'ils font des choses, il n'y a rien qui se passe.»

samedi 8 octobre 2011

Chers occupistes (diversité des tactiques III)

Ceci est une traduction libre d'une lettre envoyée par des anarchistes au mouvement « occupiste »[1] de Wall Street.

Je pense que ça peut s'appliquer aussi au mouvement occupiste de Montréal, mais aussi aux autres mouvements qui sont actuellement en branle au Québec.

Une lettre de la part d'anarchistes.

Appui et solidarité! Nous sommes inspiré-e-s par les occupations sur Wall Street et ailleurs au pays. Enfin, le peuple prend à nouveau la rue! Le momentum autour de ces actions peut potentiellement redonner de l'énergie à la protestation et à la résistance dans ce pays. Nous espérons que ces occupations vont augmenter en nombre et en substance, et nous ferons notre possible pour contribuer à ces objectifs.

Pourquoi devriez-vous nous écouter? Brièvement, parce que nous en sommes rendu-e-s au même point depuis longtemps déjà. Nous avons passé plusieurs décennies à lutter contre le capitalisme, à organiser des occupations, et à prendre des décisions par consensus. Si ce nouveau mouvement n'apprend pas des erreurs passées, nous risquons de répéter ces mêmes erreurs. Nous résumerons ici nos leçons apprises à la dure.

Occuper, c'est pas neuf. La terre sur laquelle nous vivons est déjà un territoire occupé. Les États-Unis tirent leurs fondation de l'extermination des peuples autochtones et de la colonisation de leurs terres ancestrales, sans oublier des siècles d'exploitation et d'esclavage. Pour qu'une contre-occupation (car c'est certainement cela dont il s'agit ici) soit autrement qu'insignifiante, elle doit se souvenir de cette histoire. Mieux encore, elle devrait embrasser des deux bras l'histoire de la résistance, à partir de l'autodéfense autochtone et des révoltes d'esclaves jusqu'aux mouvements pacifistes et altermondialistes.

Les 99%, c'est pas un corps social homogène: c'est beaucoup de monde. Quelques occupistes ont présenté un discours dans lequel le fameux "99%" représente une masse plus ou moins homogène. Le visage des "gens ordinaires", qu'on nous présente souvent, est éminemment suspect: il appartient de manière prédominante à la race blanche et à la classe moyenne et de préférence solvable. C'est ce visage qui apparaît devant les caméras de télévision, même si malgré tout, cette frange de la population ne représente qu'une minorité.

C'est une erreur de passer outre notre diversité. Tout le monde ne s'éveille pas aux injustices du capitalisme pour la première fois: plusieurs populations sont ciblées par le pouvoir depuis longtemps. Les travailleurs et travailleuses de la classe moyenne qui sont en train de perdre leur confort social peuvent apprendre beaucoup de ceux qui ont été du mauvais côté de la balance de l'injustice depuis beaucoup plus longtemps.

Le problème ne réside pas que dans quelques pommes pourries. Cette crise n'est pas le résultat de la cupidité d'une minorité de banquiers; elle est l'inévitable conséquence d'un système économique qui récompense une compétition de requins dans toutes les composantes de notre société. Le capitalisme n'est pas un mode de vie statique mais un processus qui consume tout, transformant le monde entier en profit et, par la bande, en désastre. Et maintenant que tout s'en est allé nourrir l'incendie, le système s'effondre, laissant même ses bénéficiaires précédents sur le pavé. La solution n'est pas d'en revenir à des traditions capitalistes plus anciennes - revenir à l'étalon-or, par exemple - car non seulement c'est impossible, mais en plus, ce stade moins avancé du capitalisme n'a jamais davantage servi les intérêts du fameux 99%. Pour sortir de cet hostie de bordel[2], nous aurons à redécouvrir d'autres manières d'interagir.

La police n'est pas notre alliée. Illes sont peut-être des "travailleurs et travailleuses ordinaires", mais leur emploi consiste à protéger les intérêts de la classe dirigeante. Tant qu'illes resteront policiers/ères, il est impossible de compter sur eux, peu importe avec quelle cordialité illes pourront agir. Les occupistes qui ne le savent pas déjà vont l'apprendre aussitôt qu'illes vont menacer l'ordre établi. Les gens qui insistent sur le fait que la police existe pour nous protéger et nous servir vivent probablement d'une vie confortable chez les privilégié-e-s, mais vivent surtout, sans aucun doute, d'une vie obéissante.

N’idolâtrez pas l'obéissance à la loi. Les lois servent à protéger les privilèges des riches et des puissant-e-s; leur obéir n'est pas nécessairement éthiquement correct; c'est parfois même immoral. L'esclavage a déjà été permis par les lois. Les Nazis avaient des lois aussi. Nous devons, en regard de tout ça, développer notre propre esprit critique, au-delà de ce que les lois peuvent recommander.

La diversité chez les participant-e-s ne se fait pas sans diversité des moyens d'action. C'est de la tyrannie intellectuelle que de prétendre savoir par quel moyen tout le monde devrait agir afin de construire un monde meilleur. Dénoncer autrui permet aux autorités de délégitimiser, diviser et détruire le mouvement en tant qu'entité. La critique et le débat propulsent un mouvement vers l'avant, mais la poigne du pouvoir le paralyse. Le but n'est pas de forcer tout le monde à adopter la même stratégie, mais bien de découvrir comment toutes les différentes approches peuvent devenir mutuellement bénéfiques.

N'allez pas prétendre que ceux et celles qui défient la police et les lois sont nécessairement des agents provocateurs. Beaucoup de gens ont de bonnes raisons d'être en colère. Ce n'est pas tout le monde qui veut se limiter au pacifisme légal; des gens se souviennent encore comment se défendre. La violence policière ne sert pas qu'à nous provoquer: elle sert aussi à nous terroriser et à nous blesser, jusqu'à ce que la peur nous condamne à l'inaction. Dans ce contexte, l'autodéfense est essentielle.

Croire que ceux et celles qui affrontent physiquement les autorités sont en quelque sorte des allié-e-s de ces mêmes autorités, c'est non seulement illogique, mais ça s'attaque également en substance à la contestation, tout en rejetant le courage de ceux et celles qui se préparent à participer à ce type d'action. Cette allégation est par ailleurs typique des privilégié-e-s à qui on a inculqué la foi dans l'autorité et le mépris de la désobéissance.

Aucun gouvernement ni institution de pouvoir centralisé ne mettra jamais les intérêts de la population devant ceux des puissant-e-s. Ce serait naïf de le croire. Le centre de gravité de ce mouvement devrait être notre liberté et notre autonomie, et l'aide mutuelle qui peut soutenir celles-ci. Certainement pas l'attente vaine de l'arrivée d'un pouvoir "imputable". Un pouvoir "imputable", ça n'a jamais existé.

Nous ne devrions pas, en conséquence, nous contenter de faire des demandes à nos gouvernant-e-s. Nous devrions créer les occasions de réaliser les demandes par nous-mêmes. Si nous le faisons, les puissant-e-s de ce monde devront prendre nos demandes au sérieux, au minimum afin de conserver notre allégeance et notre attention sur eux. Pour établir un meilleur équilibre, il faut développer notre propre force.

D'innombrables mouvements ont appris à la dure que le fait d'établir leur propre bureaucratie, qu'elle soit "démocratique" ou pas, a finalement saboté les objectifs originels de leur lutte. Nous ne devons pas confier l'autorité à de nouveaux chefs, ni même créer de nouvelles structures décisionnelles; nous devons trouver des moyens de défendre et d'augmenter notre liberté, tout en abolissant les inégalités dans lesquelles nous avons été plongé-e-s de force.

Les occupations vont bénéficier de nos actions. Nous se sommes pas ici seulement pour "chuchoter dans l'oreille du géant". On aura beau parler, ça n'empêchera pas le pouvoir de rester sourd comme un pot. Il nous faut créer un espace pour les initiatives autonomes et pour organiser des actions directes qui affrontent la source de toutes les inégalités sociales et injustices.

Merci d'avoir lu ce message. Merci d'agir. Que vos rêves deviennent réalité.

http://www.crimethinc.com/


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[1] Je viens de trouver ce nom-là. Ça existait déjà?
[2] Le terme employé en anglais est "mess", et non "fuckin' mess". Vous savez maintenant ce que j'entendais par "traduction libre". Pour le reste, j'ai tenté au maximum de rester dans l'esprit du texte original.

jeudi 6 octobre 2011

virilité et homosexualité

Voici une courte entrevue diffusée sur le sujet à Radio-Canada.

mercredi 5 octobre 2011

Diversité des tactiques (2)

J'y ai pensé un bon moment avant de poursuivre ma réflexion sur les moyens d'actions (bien franchement, je m'attendais à trouver des pistes dans les discussions des derniers jours) et pour tout dire je n'ai à peu près rien trouvé. Cependant j'aimerais faire part de quelques-unes de mes observations faites aujourd'hui.

L'Agitateur a fait part de son doute dans un court billet qui traite du faible rapport de force du mouvement étudiant face au gouvernement Charest.

En effet. Le rapport de force est pas immense. Et comme plusieurs autres, j'aurais tendance à évaluer nos chances à peu près à zéro. Idem pour le combat contre la corruption, mais ça c'était écrit dans le ciel. Enfin.

L'Agitateur écrit ceci et il ne se rend sans doute pas compte qu'il touche à un point vital de la lutte:
« Les caméras, les négociations institutionnalisées et les communications informationnelles (Facebook, Twitter, Youtube) n’ont rien de concret, hormis peut-être sur votre imaginaire. »

Notre société n'est pas bâtie sur du concret. Les rapports de classe et les rapports capitalistes sont basés sur des valeurs inventées de toutes pièces. Le système bancaire, les cycles de croissance et de décroissance, tout ça est basé sur des créations de notre imaginaire. Le capital lui-même est imaginaire. Les gestionnaires emploient plutôt le mot « virtuel », mais dans un certain sens, ça revient pas mal au même. Comme je l'ai expliqué dans le texte précédent, cette escroquerie quotidienne du pouvoir carbure à la légitimité, elle-même absolument immatérielle. Je pourrais disserter comme ça pendant des heures, notant le caractère également imaginaire de la Nation et des religions, mais on raterait le point principal qui est celui-ci: toute guerre contre une autorité qui possède quelque ascendant sur le peuple ne peut être en premier lieu que psychologique.

L'Agitateur a sans doute raison en disant que plusieurs des moyens de pression effectués - et ça vaut pour toutes les luttes - ne font pas un pli aux dirigeant-e-s, même si ça nous conforte nous. Je pense cependant que les plus grandes victoires ne seront pas matérielles, auxquelles l'amélioration de notre qualité de vie ne seront que d'agréables conséquences. Si jamais nous avons l'occasion de mettre les élites K.O., ce sera suite à un combat faisant partie du règne de l'imaginaire.

De manière plus terre-à-terre, cette guerre psychologique que nous nous livrons d'abord et avant tout à nous-mêmes passe certainement par des manifestations, entre autres. Pourquoi les militant-e-s parlent toujours "d'augmentation des moyens de pression"? Par un exercice conscient ou non (parce que c'est parfois, d'après moi, la marque d'une idéologie de lutte plus qu'une pratique pragmatique), illes mettent en pratique les principes d'une mise en scène de guerre psychologique, d'un build-up constitué de menaces vagues et terribles, comme quoi l'évènement qui suit sera plus difficile à gérer que le précédent. Les résultats varient selon le talent et la mobilisation de la communauté touchée.

lundi 3 octobre 2011

Quand le voisinage brûle.

Un incendie vient de se déclarer dans ce qui semble être le toit d'un immeuble abandonné sur le coin Cartier et Villeray, à Montréal. Possédant un mur mitoyen avec un édifice à trois étages et lui-même occupé par des habitants répartis dans quatre logements, son état était menaçant non pas seulement pour lui-même, mais aussi pour le voisinage. La densité de population du quartier Saint-Michel est par ailleurs très élevée.

Heureusement, la situation semble maintenant sous contrôle.

Mais qui sont les responsables de cet incendie qui aurait pu affecter toute une rue pendant des semaines, en plus de faire chier de manière irréversible les habitants de l'immeuble voisin? Les propriétaires, qui ont laissé leur édifice tomber en ruines sans s'inquiéter de la sécurité des voisin-e-s? La ville, qui ne fait pas assez pour s'assurer que nos immeubles restent aux normes? D'éventuel-le-s squatteurs/euses? Il serait un peu naïf de croire qu'un incendie déclaré dans un édifice abandonné est le fruit d'une malchance. Cet incident aurait certainement pu être évité.

Au-delà du match de ping-pong dans lequel pourraient s'affronter les personnes responsables, c'est aussi la question de l'accès au logement qui refait surface. Un immeuble à logements qui brûle, même vide, c'est un lieu d'habitation qui se perd.

Combien de temps, alors que nous sommes au milieu d'une crise du logement qui semble destinée à durer pour l'éternité, devrons-nous endurer l'insulte de cet édifice restant cruellement vide, avant que de dynamiques créateurs de richesse ou la ville le mettent finalement à terre? Combien de temps devrons-nous endurer l'insalubrité et la rareté de logements à peine abordables et la mesquinerie d'une élite qui n'a rien à foutre de nos milieux de vie?