mercredi 28 mai 2008

Entre l’enclume et l’écorce, il ne faut pas mettre la laine.


L’enclume représente les marxistes et l’écorce les primitivistes. Une partie du premier groupe, beaucoup mieux enracinée dans le milieu militant il me semble, est entrée dans une croisade épique contre le second groupe, formé de quelques collectifs et individus visiblement disséminés à travers le mouvement anarchiste. L’exercice des premiers : purger les seconds.

Ni Marx, ni maître

Ce devrait être la devise du mouvement anarchiste, Dieu (qui ne dit au reste pas grand-chose) étant moins polluant pour l’esprit que Marx-le-bourgeois. Mon but n’est pas ici de démolir complètement son idéologie, car je sais que des gens bien plus brillants que moi m’humilieraient facilement en reprenant mon raisonnement à l’envers, et de plus, le vieux barbu n’a pas tort sur toute la ligne. Il y a cependant un trait qui me dérange dans cette manière de voir l’évolution des sociétés : son historisme, son positivisme, son déterminisme, ou plus explicitement sa tendance à voir le progrès comme une religion. Or, le progrès n’existe pas, c’est un concept arbitraire qui sert à décrire une série d’améliorations très, très relatives. Ce qu’on gagne dans la tête, on le perd dans les bras, et l’inverse est aussi vrai[1]. Alors je déteste quand on érige le progrès en dogme, comme au XIXe siècle.

Les marxistes libertaires ont d’amusant cette appellation qu’ils et elles se donnent, tiré du nom de famille d’un homme. Ils et elles sont comme les Franciscains, les Darwiniens et les autres, qui ne jurent tous que par je-ne-sais-trop quelle loi prétendument universelle et naturelle. Qu’il est donc absurde et servile de se nommer comme un disciple de quelqu’un en particulier. Timeo hominem unius libri, comme disait Thomas d’Aquin. Pardonnez-moi en passant de citer un saint en latin, hors contexte par-dessus le marché. C’est sans doute salement bourgeois et tellement postmoderne, mais cette phrase s’applique trop à la situation que je veux décrire. Ainsi, j’ai vu trop souvent des gens se servir du Capital et à la rigueur d’un aide-mémoire de Bakounine pour écraser un adversaire qui dialoguait, aidé seulement de ses propres expériences, d’une manière certes peu intellectuelle mais si libre et si honnête ! La manière de débattre concurrente, qui vise à nous convaincre que Marx a pensé à tout, qu’il était sans failles et qu’il était un genre de Jésus II, provoque généralement chez moi un écoulement de bave, lié à une exaspération et un ennui mortels.

Des grognements

Pas besoin de plus pour s’exprimer. Comme si on avait déjà fait autrement. La loi de la jungle, que les primitivistes décrivent avec tant d’idéalisme, elle est encore là, elle fait crever les plus faibles et les fumeurs/fumeuses. Franchement, je n’ai rien de neuf à dire pour critiquer les fanatiques de Tarzan-Zerzan, du moins rien qui n’ait pas déjà été dit par les marxistes ou autres (ou par Arwen, qui parle de ces propos qui « ont de quoi faire bondir n’importe quelle personne saine d’esprit » – en ce qui me concerne, les personnes saines d’esprit me traitent invariablement de gros mongol, sans égard pour ces trisomiques dont j’admire la patience, alors qu’est-ce que j’en ai à foutre qu’ils bondissent comme des singes bien-pensants… je les emmerde!). Pour rassurer les moutons, je vous affirme cependant et sans rougir que je serais prêt à pitcher des briques à ce crétin de Zerzan… mais avec déférence ou simplement gratuitement, pour rire un peu.

Ni l’un ni l’autre

Je suis incapable de bander quand j’aperçois une usine cracher des plats en plastique, ou quand je vois un barrage hydroélectrique inonder une vallée vierge. Je crois que la technologie telle qu’on la conçoit aujourd’hui n’est pas du nouveau savoir, mais seulement la complexification et la miniaturisation d’un savoir remâché et régurgité jusqu’à ce qu’il prenne la texture du vomi. Je crois que nous faisons une erreur en développant cette technologie qu’on ne serait pas en mesure de reproduire en cas de pépin, sans repasser par l’âge de pierre. Pour construire l’ordinateur dont je dispose à présent, il a en effet fallu un autre ordinateur, lui-même conçu à partir d’un autre ordinateur, lui-même conçu à partir d’outils qui ont été conçus à partir d’autres outils et ainsi de suite. Ce n’est pas impressionnant. Selon moi, plusieurs solutions se situent dans la simplicité[2], mais pas dans le rejet du problème. Quant à la civilisation, cet ignoble bouillon de marde qui nous a donné Platon et Gobineau, elle est inapprivoisable et indigeste, je l’admets ; mais promouvoir l’absence de civilisation me semble futile, étant donné que sa disparition totale (avec la raison et l’amère mémoire de l’ancien monde) ne pourrait entraîner que sa renaissance sous exactement la même forme. Et c’est sans compter que j’ai vraiment besoin, au minimum, de mes lunettes, qui sont un bien manufacturé.

Bref : faisons la promotion du savoir plutôt que de la technologie, et de l’imaginaire plutôt que de la civilisation.

En guise de conclusion, j’interdis

… aux anarcho-capitalistes d’être d’accord. Vous êtes des tas de merde et mai ne refleurira que sur vos cadavres.


[1] Par exemple, l’arrivée de l’écrit a tué la tradition orale et par le fait même, le cerveau comme contenant organique de la mémoire collective. Dès lors, plus que des choses immuables, noir sur blanc. La civilisation des droits d’auteur. Maintenant, même les jokes s’envoient par courriel et plus rien ne se raconte. Et malgré toutes ces régressions causées par notre progression, je ne serais pas prêt à abandonner l’écriture, qui me permet d’accéder à un tout nouveau stade de l’abstraction.

[2] Un exemple célèbre, dont la présente narration provient du site http://fautrigoler.free.fr/ : « Quand la NASA a envoyé les premiers astronautes dans l'espace, ils se sont vite aperçus que les stylos ne fonctionnaient pas en absence de gravité. Pour résoudre ce problème, la NASA a commissionné une étude à Andersen Consulting (aujourd'hui Accenture). Après 10 années de travail et 12 millions de dollars, les Américains tenaient dans leurs mains un stylo capable d'écrire dans n'importe quelle position, en absence de gravité et avec une température comprise entre -80 et 300 degrés... Les Russes, eux, ont utilisé des crayons à mine... »

samedi 24 mai 2008

Le rapport Bouchard Taylor.

Non, mais on s'en câlisse-tu?

***

Un cycliste brûle une voiture de police. C'est pas bon pour l'environnement.

mardi 20 mai 2008

Ton "insérer le nom du membre d'une famille"


En mars dernier, un groupe anarchiste nommé "Ton Père" a prétendu avoir été à l'origine d'un attentat à Hochelaga; la nuit précédant la publication de leur texte sur Anarkhia, il avait, dit-on, brûlé plusieurs voitures de police stationnées à l'abri près d'un poste. Le manifeste, d'une qualité littéraire par ailleurs médiocre, a été censuré par plusieurs médias, même alternatifs, et une enquête a été menée afin d'en trouver les auteurs.

Mais simultanément, d'autres actes anti-autorité ont été menés par d'autres collectifs anarchistes: "Ton Oncle" aurait ainsi saccagé des guichets automatiques de banques et "Ton Chien" aurait crevé les pneus de plusieurs voitures d'un concessionnaire Mazda. Mais au moment où l'enquête était menée à terme, aucun autre groupe ne tenta de suivre le mouvement; un seul groupe, formé de gens se décrivant comme des personnes ordinaires, tenta une action dont la visibilité et l'audace furent moindres. Le manifeste du groupe "Ton soeur" (il s'agit sans doute d'anglophones, étant donné le mauvais accord) a circulé sur quelques listes de diffusion et forums. Après avoir apparemment vandalisé et repeint des machines distributrices de Pepsi (parce que "boire Pepsi, c'est se chier dans la gueule", disent-ils), le groupe n'a cependant pas fait de nouvelle apparition et s'est volatilisé comme les autres.

Bilan

À quel point en sommes-nous actuellement? Nous ne savons pas qui exactement est à l'origine de ces coups; peut-être sommes-nous simplement témoins d'une manoeuvre de récupération d'actes apolitiques par quelques personnes souhaitant installer un climat de contestation dans le but de promouvoir l'action directe. Le Mouton Marron a une opinion claire là-dessus: il approuve l'action directe, mais pas le mensonge direct.

Pendant que le Canadien de Montréal remportait sa série contre les Bruins, les activistes politiques, même les plus audacieux, ont fini par perdre leur propre série 16 à 6 (autopatrouilles brûlées) face à de jeunes partisans surexcités et violents. Mention d'honneur à ces derniers qui ont courageusement et stupidement commis leurs actes sans cagoule ou masque.

jeudi 15 mai 2008

Anarchiste ou communiste? Peu importe, je suis une sale vermine!


Les deux mots font peur. Ce n’est pas la même peur que celle du néologisme « islamofascisme » qu’a inventé (probablement en comité) le Président des USA. Alors que la crainte surnaturelle du musulman enragé provoque un repli sur soi-même et des précautions exagérées, la peur du Rouge ou du Noir est mêlée à un intense mépris. C’est la peur de la contamination. On a peur des pouilleux barbus comme on a peur des blattes, des araignées. En les voyant, on est un peu dégoûté, on ne veut pas les voir monter sur les meubles, et puis on les écrase sauvagement, parce qu’on sait que peu importe sa laideur, l’insecte est le moins fort.

Je me sens ainsi, du moins, depuis que je suis sorti du placard. Oui, je suis quelque chose comme un extrême-gauchiste. Je ne sais pas trop exactement à quel groupe je devrais m’identifier (post-gauchiste ? marxiste-léniniste ? maoïste ? trotskiste ? anarchiste ? anarcho-communiste ? Anarcho-écolo ? Primitiviste ? castriste ? Freitagien? Chomskiste ? Simplement nostalgique ?) mais à vrai dire, la catégorisation, je laisse ça aux autres.

Il n’y en a pas un sur cent, mais pourtant, ils existent ! (Léo Ferré)

Je ne suis pourtant pas seul. Mis à part la pléthore de philosophes dont je n’ai rien lu – même pas Marx – des dizaines de chanteurs, de poètes, de provocateurs et de peintres ont été des extrémistes de gauche. Et je me compte chanceux car l’histoire leur a fait plus de place que les ignobles chanteurs et écrivains d’extrême-droite nazie (parce qu’il y a aussi l’extrême-droite libertarienne, à qui on donne la parole partout dans les mass médias québécois ainsi que dans les radios-poubelles). Ainsi, Léo Ferré, Renaud Sechan et Georges Brassens, qui ont incontestablement marqué l’histoire de la chanson française, étaient anarchistes. On a aussi accusé Jacques Brel d’être anarchiste – il s’est défendu de l’être, mais a accepté d’en discuter avec Brassens et Ferré lors d’une entrevue mémorable à la radio. De manière plus vague, Georges Moustaki a été un sale révolutionnaire gauchiste (écouter « Sans la nommer »), et Michel Fugain pas mieux (« Le chiffon rouge »). Ça vous en bouche un coin, non ? On est loin de l’image du barbu dangereux brandissant une torche ou un bâton de dynamite, ou du marginal au crâne à demi rasé qui habite dans la rue (sans offense pour mes camarades sans abri).

Être contre le pouvoir est une tare

C’est devenu un lieu commun. Un prof d’université (nous tairons son nom, disons seulement qu’il enseigne au département d’histoire de l’Université de Montréal) disait : « Le meilleur régime politique est la dictature éclairée. » Comme quoi il faut s’en remettre au plus intelligent, au plus sage. Ce dernier est le plus à même de déterminer qui a tort et qui a raison, et davantage même que les principaux sujets de l’action. Ainsi, unanimement, nous laissons les tribunaux juger des insanités, et nous écoutons patiemment les députés et les vieux parler comme s’ils détenaient une vérité qui nous échappe. Pourtant, la connerie n’a pas d’âge, ni de classe sociale. Ça, c’est aussi un lieu commun. Pourquoi donc sommes-nous mis de côté quand nous remettons en question de manière systématique l’ordre public, et la structure qui soutient ce trou sidéral qu’est notre société ? Pourquoi obéissons-nous servilement à la flicaille dès qu’elle se prend pour Cicéron ? C’est peut-être la confusion amenée par l’argument du bâton ; l’humain exploité est un cocu, battu, content, et il confond la raison avec les moyens déployés pour imposer la vérité.

Je conclus rapidement.

Eh quoi ? « Les extrêmes se rejoignent, comme janvier touche à décembre. » Les humains d’aujourd’hui sont des gens d’équilibre. Il faut que je l’accepte et parvienne à désirer, comme d’autres, qu’aucun glissement ne se produise, ni à gauche ni à droite, car c’est sur la montagne entre le deux vallées qu’on voit le mieux. Moi je te dis : descends sur le versant gauche, tu me diras si de loin ton vallon est encore aussi joli ou s’il est perdu dans les brumes.

(Aparté aux grévistes étudiants : Durant la grève, après que nous ayons vu certains maîtres agir comme des crétins profonds, comment pouvons-nous faire confiance à la masse des diplômés, des pédagogues ? Quel respect leur devons-nous ? L’expérience, celle qui corrompt l’esprit de faux postulats ? Non. À ce sujet, je préfère l’objectivité naïve des bambins, inconscients de leurs intérêts. Nous devons, aux profs, uniquement le respect qui sous-tend notre collaboration mutuelle dans la découverte, ainsi que celui d’êtres humains qui se connaissent individuellement. Bref, rien qui ne puisse nous assujettir servilement à leur jugement.)

De la même manière, nulle flicaille, nul juge, nul-le politicien-ne ne mérite un respect qui soit surhumain.

dimanche 11 mai 2008

Les groupes communautaires : sous-traitance et exploitation secrète.

Les groupes communautaires rendent plusieurs services devenus essentiels à un large pan de la population. Les préjugés persistent pourtant : selon Alain Dubuc, Guy Laliberté et Réjean Breton, les groupes communautaires sont des immobilistes (un néologisme signé Power Corp.). Autrement dit, ces organismes payés par les taxes, en tant que forces de l’inertie, ne savent que contester le succès et empêchent le Québec de progresser.

Cette critique qu’on entend de plus en plus souvent est absurde. On accuse les dissident-e-s à leurs projets d’être déconnectés de la réalité. Mais on veut construire un casino géant sur une île artificielle, à côté d’un quartier pauvre. On aimerait bien savoir à quelle réalité les "créateurs de richesse" sont connectés.

Les groupes « parias » communautaires sont connectés à une réalité de plus en plus claire : on les traite comme des esclaves. À Montréal par exemple, alors que le financement n’est pas augmenté dans plusieurs secteurs de la vie communautaire, la ville, grande promotrice des forces du mouvement, demande aux organismes sans but lucratif de décharger la mairie de ses services : c’est alors un nouveau type de PPP qui s’organise, dans le cadre duquel des employé-e-s sous-payés remplacent les fonctionnaires et les élus.

L’exemple des Éco-Quartiers est un des plus frappant. En quelques décennies, il en a poussé plusieurs dans la région métropolitaine. Sur place, on sous-paie des travailleurs/euses afin de s'occuper de la gestion des bacs de récupération, de l’information générale sur les règlements municipaux, de la visite annuelle des commerces, et depuis peu, de la vérification des mesures de sécurité contre les incendies. Le salaire moyen d’un-e employé-e d’Éco-Quartier : autour de 12$ l’heure. Au bout de 50 semaines de travail, son revenu est à peine au-dessus du seuil de pauvreté. Pourtant, plusieurs des travailleurs et travailleuses des Éco-Quartiers ont un baccalauréat en environnement, en biologie, ou un diplôme d’études supérieures dans les sciences sociales, et assurent des services que les institutions régulières et reconnues ne sont plus en mesure d’assurer en raison de la bureaucratie écrasante et de l’absence de volonté des administrations municipales.

Le but de la Ville de Montréal, en ayant de plus en plus recours aux groupes communautaires pour faire les jobs sales, est de réduire les coûts du système, quitte à jeter dans la pauvreté des employé-e-s qui, débordé-e-s et méprisé-e-s par des médias mesquins, continuent souvent de faire leur travail par simple sens du devoir.

Les entreprises privées arrivent parfois tout de même à soumettre des sommes plus basses afin de prétendre offrir les mêmes services que les groupes communautaires, entre autres dans la gestion des Éco-Centres, qui s’occupent, par exemple, de la récupération des peintures et huiles usées. Les témoignages sont nombreux à expliquer les raisons de cette gestion « supérieure » : vol de matériel appartenant à la ville, non-respect des termes du contrat, absence d’un service constant et de qualité, etc.

La réalité dont nous sommes « déconnecté-e-s », elle est là, elle est claire : le gouvernement se sert des groupes communautaires aujourd’hui comme il se servait du clergé autrefois, c’est-à-dire comme pépinière à services de qualité moyenne à faible coût – on se souvient comment l’Église assurait, autrefois, le maintien du système de santé – et les journalistes et hommes d’affaires s’en servent comme exutoires devant la médiocrité de notre société dont ils sont beaucoup plus responsables que les quasi-bénévoles qui organisent, depuis longtemps dans l’ombre, la vie commune dans les HLM, le recyclage et le compostage à l’échelle municipale, tout en assurant le rôle d’intermédiaires partout où la ville, par dédain, ne veut plus mettre les pieds.

mercredi 7 mai 2008

L'illusoire responsabilité comme concept imposé par l'élite

La responsabilité! Cette responsabilité est une responsabilité d'esclave: elle ne concerne que les individus, pas les collectivités. Ainsi, les mal-aimés de la société, les assistés sociaux et les personnes défavorisées en général sont entièrement responsables de leur condition, alors que les collectivités, comme les États ou les entreprises privées, n'ont presque de comptes à rendre à personne. Or, les entreprises privées dégradent l'environnement, violent les lois, ont recours à la fraude, à l'exploitation massive de travailleurs et travailleuses... et assassinent même des gens. Quand un individu commet ce genre de crime, il est mis en prison et, malheureusement trop souvent, envoyé dans les couloirs de la mort. Pourquoi la même règle ne s'applique-t-elle pas aux corporations? Pourquoi les entreprises qui commandent la mise à mort de chefs syndicaux ne sont pas elles-mêmes démantelées, ou emprisonnées à vie? Après tout ce sont des personnes morales, qui ont le droit, comme un être humain, d'acheter et de vendre (n'est-ce pas ce qui distingue l'humain de l'animal, d'ailleurs...)! Par ailleurs, elles ne sont finalement qu'un tas de papier, foutre le feu dans des documents ne fait de mal à personne. Ou pourquoi pas, que l'usine reste mais que l'entreprise disparaisse.

Quand on ne peut découvrir le "responsable" d'un désastre provoqué par un État ou par une corporation, on impose une sanction financière. Voilà la plus sombre des inégalités: les plus puissants, encore, peuvent trouver plus rentable de payer leurs amendes et de continuer à violer nos droits que de les respecter.

À cette non-responsabilité, on oppose la responsabilité individuelle des gens ordinaires; celle de ne pas vivre aux crochets de l'État (quel spéculateur ne le fait pas: les subventions garantissent la stabilité des marchés), celle de crever si on devient inutile à la croissance économique, etc.

Eh bien moi, je propose une nouvelle responsabilité, celle de l'incendie et de la dynamite. Le mouton qui comme moi n'est pas tout à fait blanc comprendra.

dimanche 4 mai 2008

Marron comme.

Bêêêêêêê, camarades.

Je suis marron comme l’argile, marron comme la terre et la boue. Entre le noir et l’écarlate. Je suis un mammifère dont la toison est remplie de ce mélange humide et sale qu’est l’humus du parterre.

Marron comme…

Et la merde dans tout ça ? J’en doute. C’est dans la merde que poussent les légumes gorgés d’eau, et les fleurs les plus belles. La merde donne la vie : elle est trop riche pour moi. Me comparer à elle relèverait du délire.

Par ailleurs, je ne suis pas né différent des autres ; je ne suis pas le mouton noir qui subit l’exclusion de la peau, ou le mouton à trois pattes qui perd de vue ses compères. Je suis celui qui reste à l’écart du troupeau parce qu’il ne s’est pas lavé. Ou plutôt celui qui ne s’est pas pollué de blanc – puisque barbouillé je suis sans doute plus proche du naturel. Errant plus loin sur les prés, je justifie bien insolemment ma marginalité dans la plus totale solitude, même si je ne manque pas d’observer ce qui se passe.

La vérité ? Présentez-la-moi que je l’encule. Je me donne le droit d’être vulgaire avec elle sans la blesser parce qu’elle n’existe pas. Mais continuez de la chercher, bande de caves. Si vous avez quelque chose à perdre dans cette quête, mettez-la en jeu, ça me fera marrer.

Crier « Dieu est mort » dans une église

Le gros bon sens est maintenant un thème publicitaire ; on l’érige en religion et tout mouton n’étant pas en mesure de parvenir aux mêmes conclusions que les papes de cette manière de conceptualiser le monde doit être considéré comme un parasite de l’opinion.

Le gros bon sens présente le monde de manière pleine, en effet, de simplicité : d’un côté, une masse stupide qui n’a qu’une idée en tête : bâtir une société dans laquelle n’existe aucune responsabilité, et où tout problème trouve une solution dans l’État. Cette masse, affectée par la pensée unique des syndicaleux, a l’esprit encrassé par de méchants marxistes-léninistes souhaitant installer un régime crypto-socialiste, selon l’expression exacte d’un homme plein de gros bon sens. De l’autre côté, une minorité de créateurs de richesse, de gens dynamiques et sages essaie de faire entendre la vérité (que j’encule) au peuple. Ces gens SONT les véritables dissidents, les avant-gardistes, les progressistes.

Protons, neutrons, étrons

Face à ces intellectuels manichéens, à ces « électrons libres » comme ils osent se nommer eux-mêmes, je suis ce que je suis : un être puant, un étron libre. C’est que je leur dis, avec bien de l’insolence dans ma voix désagréable (bêêê), que s’ils ne voient personne à côté d’eux et devant eux, s’ils se croient seuls, c’est que ce sont eux qui sont devant, qui dirigent les troupeaux. Et les troupeaux les suivent. Comme ils disent eux-mêmes : « En haut de l’échelle, c’est la solitude. Mais c’est réconfortant de regarder en bas et voir les gens s’escrimer à vouloir monter. » Et si on s’escrimait à câlisser l’échelle par terre au lieu d’essayer d’imiter ceux qui l’ont gravie ? La solitude des électrons libres aurait une autre saveur, celle de la cendre dans laquelle ils forcent leurs semblables à vivre.