dimanche 18 novembre 2012

Les manifs contre le mariage gay en France

Il se tient depuis hier des manifestations opposées au mariage gay et à l'adoption par des couples homosexuels, en France. Outre les brutes néonazies du GUD (ou l'Union Défense Jeunesse, un syndicat étudiant fasciste) et les intégristes de CIVITAS[1], les gens de Renouveau Français, un groupe ultranationaliste et conservateur, ont aussi affirmé leur présence. Des milliers de Français-e-s «moyen-ne-s» n'appartenant pas à ce genre de groupes se sont aussi apparemment joint-e-s à l'évènement.

Sur cette photo, on en voit des membres tenir une grande banderole sur laquelle apparaît leur symbole principal[2].

Quelques contre-manifestant-e-s, dont visiblement des activistes de FEMEN, ont défié les fachos en se promenant poitrine nue à l'angle d'une rue. Une bagarre a alors éclaté et les contre-manifestantes, de même qu'une journaliste, ont été sévèrement battues par des hommes cagoulés.

Cette série de manifestations montre bien que les luttes ne sont pas terminées en Occident. Il y a encore des milliers de personnes qui veulent s'en prendre à nos droits et pour qui l'intolérance est une sorte de mode de vie. Cela nous rappelle aussi que les ennemi-e-s des droits des homosexuel-le-s et des femmes ne sont pas les immigrant-e-s, mais les esprits conservateurs, les religions et le nationalisme.

Le monde de l'extrême-droite ne serait pas un monde qui se débarrasserait d'un Islam intolérant et prétendument colonisateur de l'Occident. Ce serait un monde qui pratiquerait l'intolérance dans la même mesure que les fanatiques islamistes, s'attardant aux mêmes détails, utilisant les mêmes stratégies, exploitant les mêmes peurs irrationnelles.

L'extrême-droite a souvent essayé de récupérer les mouvements LGBT par le passé: dans une certaine mesure, elle a même réussi[3]. Plusieurs extrémistes de droite d'aujourd'hui sont ouvertement gays. Certains sont même devenus des superstars de la défense des droits des homosexuels face à l'intolérance musulmane. C'est le cas de Geert Wilders.

Espérons que les gays et «féministes» qui ont laissé l'extrême-droite islamophobe les courtiser commencent à comprendre qu'il n'y pas pas d'alliés potentiels parmi cette vermine.

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[1] Tiré de leur site web: «L’Institut CIVITAS est un mouvement politique inspiré par le droit naturel et la doctrine sociale de l'Église et regroupant des laïcs catholiques engagés dans l’instauration de la Royauté sociale du Christ sur les nations et les peuples en général, sur la France et les Français en particulier.»
Est-ce que ça vous sonne des cloches? Les morceaux du casse-tête commencent à se recoller, non?
[2]Merci à Actualutte pour la photo.
[3]Plusieurs observateurs/trices, dont Judith Butler, ont dénoncé ce qu'on appelle parfois de l'homonationalisme. D'autres remarquent avec inquiétude un certain virage à droite.

jeudi 15 novembre 2012

Nouvelle conception, nouveau modèle.

Le design de mon blog était tellement archaïque qu'il en devenait ingérable. J'ai donc opté pour cette nouvelle présentation, la plus proche de l'original selon moi. Avertissez-moi si vous trouvez les couleurs trop agressives ou si quelque chose d'autre cloche. Et désolé si je semble copier la mise en page d'autres pages web. C'est vraiment pas volontaire.

L'image en arrière-plan est une photo d'un mur de l'UQAM, pas trop loin du café Aquin. C'est un choix temporaire.

dimanche 4 novembre 2012

Éric Bédard et l'histoire

« Les gens qui ont beaucoup vu, vécu et lu sans en tirer la moindre leçon font sans doute partie de la classe la plus désagréable d'imbéciles. »

Éric Bédard, historien de la même trempe que Marc Simard[1], lance son Histoire du Québec pour les Nuls. Je n'ai bien entendu pas l'intention de le lire pour le moment, et j'ai plutôt envie de parler de son auteur et d'un débat dans lequel je ne me positionne pas souvent: la perception de l'histoire, et son enseignement.

Mais tout d'abord, j'aimerais déboulonner un important mythe sur les historien-ne-s du Québec.

NON, les historien-ne-s ne sont pas particulièrement nationalistes. Tout d'abord, parce que les historien-ne-s ne sont pas tous et toutes spécialisé-e-s en histoire du Québec. Ensuite parce que l'étude aiguë d'une société permet normalement aux individus d'acquérir une certaine distance face à l'objet, et non un amour aveugle et irrationnel. Le savoir, d'une manière générale, n'encourage pas les croyances religieuses[2]. Sauf s'il est particulièrement sélectif, ce que l'histoire, enseignée à l'école ou dans les émissions de radio infâmes qu'on nous sert à Radio-Canada (avec quelques exceptions), ne se lasse pas d'être. Les historien-ne-s professionnel-le-s n'ont pas le choix de se mettre en contact avec toutes les nuances qu'on ne présente pas dans la sphère publique au drapeau laqué et exempt de toute tache de sang. En ce qui me concerne, mon nationalisme (pourtant fervent) est tombé après seulement une session universitaire. Une des plus grandes historiennes de la Nouvelle-France, Louise Dechêne, a planté à titre posthume le dernier clou dans le cercueil des mythes que j'avais entretenus sur l'histoire de notre nation. Mais ce n'est jamais d'elle dont on parle dans les médias; ce sont toujours de vieux crétins conservateurs qui prennent la parole au nom des historien-ne-s (et aussi des anthropologues). Nous ne nommerons que quelques-uns de ces illustres hurluberlus. Par exemple Serge Bouchard, qui dans Les remarquables oubliés, prétendait faire l'histoire de ce qui a été mis de côté. En fait, il n'a qu'encouragé cette tendance ridicule à héroïciser des personnages, obscurs ou pas. Étonnant pour un anthropologue, non? Il y a aussi ce docteur Mailloux de l'histoire qu'est Jacques Lacoursière, qu'on décrit souvent comme le plus grand historien du Québec, en compétition avec Denis Vaugeois et pourquoi pas, Monsieur Craquepoutte. Dans la courte entrevue diffusée hier à Radio-Canada, l'animateur a même qualifié Lacoursière de « Pape », ce qui montre bien à quel point l'ignorance est profonde.

Il faut aussi comprendre que l'histoire, en tant que discipline, n'est pas une somme de connaissances en lien avec le passé. C'est une méthode de recherche. Aussi, on peut bien connaître des centaines de faits précis, personnages et dates sans être davantage qu'une machine à cracher de l'information. Comme on peut connaître le tableau périodique par coeur sans être chimiste. Et être historien-ne n'a surtout pas de lien avec le fait d'avoir lu l'hostie de biographie d'Hitler par Ian Kershaw.

Parfois, j'ai l'impression pourtant que c'est là la vision de l'histoire encouragée par la société, avec comme chefs de file les fanatiques de la Fondation Lionel-Groulx. Une histoire par ailleurs entièrement politique, qui met en relief seulement le rôle des grands personnages. Dans la courte entrevue citée plus tôt, on en voit d'ailleurs un symptôme chez Éric Bédard: quand il parle de la Révolution Tranquille, il pointe intuitivement du doigt le rôle joué par des politiciens et leurs lois, alors que ce mouvement s'étend dans toute la société : arts et culture, économie, religion, travail, éducation, etc. Or, Adélard Godbout n'a pas écrit Le Refus Global, ni déclenché la grève d'Asbestos, ni plus tard décidé de porter la minijupe et de prendre la pilule.

Éric Bédard s'est donc distingué, au cours des dernières années, par son mépris vis-à-vis de l'histoire sociale et culturelle. En bon conservateur, il veut s'en tenir à la politique, aux guerres et surtout, à l'élite. Récemment il me semble - et je n'arrive malheureusement plus à retrouver la source - il s'attaquait de front à l'histoire sociale telle qu'écrite au Québec, arguant qu'on lui faisait trop de place, et qu'il est impossible de trouver du financement pour une histoire politique prétendument en déliquescence. Il prenait en exemple des travaux faits au sujet de l'histoire des égouts à Montréal. Mais comme c'est insignifiant de choisir de tels sujets d'étude, n'est-ce pas?

Et c'est là que l'ignominie se déploie dans toute son envergure. Toute personne qui connaît un peu l'histoire de Montréal admettra que la salubrité était un enjeu incontournable au début du XXe siècle, la ville comptant parmi les plus invivables du monde occidental en raison de son bilan sanitaire[3]. Pourquoi Bédard s'est-il donc scandalisé de l'existence de ce sujet de recherche, si ce n'est que parce qu'il savait que son argument fallacieux ferait sensation auprès d'ignorant-e-s gesticulant pour entendre plus parler de Papineau[4]? Heureusement, des historien-ne-s lui ont répondu. Hélas, avec un ton trop poli.

Ce ne fut pas là sa seule tentative de tordre la vérité. Tout a en fait commencé quand l'an dernier, la Coalition pour l'Histoire a publié un rapport, signé bien sûr Éric Bédard. Il prétendait sans surprises que l'histoire sociale prenait trop de place dans les universités, comparativement à l'histoire politique nationale. Cela dit, il refuse de catégoriser le travail de Serge Bouchard et de ses Remarquables oubliés comme de l'histoire nationale! Un historien de l'UQAM, Martin Petitclerc, a répondu à ses mensonges. Vous pouvez lire son article ici. Il nous donne un aperçu du caractère manipulateur de l'argumentation du Prof Bédard.

On pourrait en dire long sur le débat entre historien-ne-s du national et leurs adversaires, dont je fais partie. C'est d'autant plus important que Marie Malavoy, ministre de l'éducation au PQ, a décidé de réformer l'histoire afin de la rendre à nouveau plus nationaliste. On en reviendrait, pourrait-on dire, à un rôle plus traditionnel de l'enseignement de l'histoire: exciter la haine, assurer la fidélité. Bien que l'histoire telle qu'enseignée au secondaire actuellement reste tout de même teintée de propagande. Enfin. Nous y reviendrons.

Comme la plupart des gens, je ne remets pas en question la pertinence de l'histoire politique. Elle a son importance, quoique bien en-deçà des prétentions de Bédard. Mais la clique de ce dernier, dans sa critique de l'histoire, a presque un siècle de retard. Pas étonnant qu'elle tourne autour de la Fondation Lionel-Groulx. Son nom est celui d'un nationaliste-conservateur zélé et xénophobe!

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[1] « Historien » de Québec, qui je le rappelle, avait dit: "Le système [des enclosures] a été la cause de la mort de plusieurs personnes, de l'expropriation et de l'urbanisation forcée de la population. [...] Il faut accepter le changement, malgré ces sacrifices. [...] Il y a eu des morts, mais c'était pour des changements."
http://moutonmarron.blogspot.ca/2008/07/entendu-linstitut-fraser-2.html
[2] Une étude sans doute valable seulement aux États-Unis affirme que les athées et agnostiques connaissent mieux la religion que les gens religieux eux-mêmes. Je peux concevoir que l'étude de l'histoire puisse avoir des effets divers chez beaucoup. Mais j'en connais assez peu chez qui la connaissance de l'histoire québécoise a renforcé un sentiment d'appartenance envers la nation québécoise.
[3] « Au début du 20e siècle, le taux de mortalité infantile à Montréal est supérieur à celui de toutes les grandes villes occidentales. » 
[4] Accessoirement un esclavagiste misogyne que son père lui-même devait trouver attardé.