mardi 31 janvier 2012

"Don't fuck with notre éducation"

Je relaie le message.
"
(MANIF ÉTUDIANTE : Préparez vos pancartes et amenez votre bonne humeur, votre solidarité et votre créativité! - STUDENT DEMONSTRATION: Get your posters ready, bring your solidarity and your creativity!)

La langue, les classes sociales, les origines, le campus, le quartier... Autant de barrières qui ont toujours divisé les étudiant-es dans leurs combats et continuent d'affaiblir le mouvement.

Language, class, race, origin, campus, neighbourhood... These barriers have divided students in their struggle and continue to weaken the movement.

Pourtant, n'oublions pas ce qui nous rassemble: un ennemi commun, un gouvernement néolibéral qui fait la sourde oreille aux revendications de la population, des menaces concrètes a l'accessibilité de l'éducation, une emprise grandissante du secteur privé sur les services publics, un système qui nous plonge dans l'endettement.

Yet, we do not forget what brings us together: a common enemy, a neoliberal government deaf to the demands of the population, a concrete threat to the accessibility of education, a private sector intent on seizing public services, a system which forces us into debt.

Les événements du 10 novembre dernier nous convainquent que tous les étudiant-es doivent dépasser les frontières traditionnelles qui les divisent pour combattre toute hausse des frais de scolarité et la marchandisation de l'éducation.

The events of 10 November confirm our conviction that students must transcend the traditional boundaries which divide us in the fight against tuition hikes and the commodification of our education.

Pour la gratuité scolaire, soyons solidaires, coordonnons nos actions, unissons nos voix pour combattre ensemble le gouvernement!!!

For a free education we stand in solidarity, we coordinate our actions, we unite our voices to fight together against the government!!!

The solitudes in solidarity. Les solitudes solidaires."

Il y aura aussi un bloc anticapitaliste.

lundi 30 janvier 2012

La pr0nographie d'Anne Archet.

L'écrivaine anarchiste Anne Archet (qui tient aussi deux blogues[1]) m'a gentiment remis une copie numérique de son livre, Pr0nographe, fragments érotiques, afin que je puisse en faire la critique sur mon blogue. J'ai tout d'abord pensé publier celle-ci en exclusivité sur mon blogue littéraire[2], prévu à cet effet, mais ça n'aurait pas du tout rendu justice à l'auteure.

J'avais déjà lu son recueil de sirventès, constitué de petits poèmes satiriques et disponible gratuitement sur Internet. Ce recueil, rempli d'audace, est modifié régulièrement par Anne Archet, qui en est maintenant à sa version 2.2. Il est par ailleurs possible de lire les textes directement sur son blog flegmatique.

Je considère important de consacrer une longue introduction à l'auteure avant de me lancer dans la critique de pr0nographe.

L'auteure, sa démarche, son anarchisme

Anne Archet est une des plus anciennes blogueuses encore actives que je connaisse. Une entrevue datant de 2004 est d'ailleurs toujours disponible ici. Quand elle a commencé, c'est à peine si je connaissais ma propre adresse courriel par coeur: c'est pas peu dire. Ça n'en dit cependant pas long sur son contenu, qui est selon moi resté frais et original pendant toute cette période. Elle a su se renouveler.

J'ai déjà cherché à régler des comptes avec Anne au cours de mes tribulations. Après qu'elle eût parlé des Dogons, un peuple qui m'énerve profondément, j'avais dit : « Être un-e universitaire pédant-e n'est pas une condition essentielle à la liberté. » Bien entendu, je pense aujourd'hui le contraire de ce que je pensais d'Anne Archet alors[3]. Je considère que la pédanterie d'Anne Archet, dans ce qu'elle a de volontairement caricatural et provocateur, sert essentiellement à combattre la sincère pédanterie d'aristos trop raffiné-e-s pour parler de sexe.

Le premier contact avec les textes d'Anne Archet peut être difficile. Elle apparaît au premier regard franchement trop tournée vers elle-même. Mais si vous avez lu suffisamment d'autofiction - et pas juste Nelly Arcan - vous ne serez pas choqué-e-s par des histoires qui, de manière dominante, la mettent en scène. C'est le cas dans ses Cahiers, et c'est aussi le cas dans son livre (qui reprend beaucoup des mêmes textes) : elle se transforme, par ses récits érotiques ou introspectifs, en objet de désir. Ça a pour plusieurs quelque chose de choquant. Mais une fois que cet inconfort est dépassé, et qu'une partie des inhibitions morales sont tombées, on apprécie mieux la qualité strictement littéraire des textes et la valeur, que je qualifierais de sans doute libératrice, du contenu. Anne Archet réécrit pratiquement la définition du politiquement correct et de l'indécence. Les références parfois érudites décourageront aussi les gens trop prudes de la considérer comme la quintessence de la vulgarité. Que l'auteur-e le prétende ou non, il n'y a pas QUE de la baise dans sa littérature.

Anne Archet est anarchiste. J'ai récemment parlé d'Anne Archet à quelques ami-e-s actifs/ives dans le milieu libertaire à Montréal. Plusieurs ne la connaissent pas, d'autres ne savent pas quoi penser d'elle. Elle-même suggérait dans l'entrevue citée plus haut que les anars étaient trop « pudibonds ». On pourrait en dire vraiment beaucoup sur le sujet.

Ce que j'ai entendu sur elle, venant de lecteurs/trices anars plus ou moins assidu-e-s, relève sinon généralement de l'ignorance ou d'un vague rejet : on a même évoqué des rumeurs selon lesquelles elle serait folle et/ou mythomane. Le fait est que peu de gens semblent la connaître personnellement (du moins à Montréal), et que de toute façon, les anars un peu individualistes[4] sont plus ou moins bien vu-e-s par un milieu fortement influencé par des communistes (libertaires). Et le fait est que la fiction elle-même, comme la poésie et l'art, ne sont pas encore très à la mode dans l'orbite anarchiste québécois, assez drabe merci. On le voit lors de chaque Cabaret Anarchiste : parmi les rares gens qui se présentent au DIRA à cette occasion, j'en reconnais peu qui se présentent autrement à des manifs ou à des assemblées. Cette tendance peut sans doute expliquer mieux que la pudibonderie l'absence de reconnaissance de la part de beaucoup de lecteurs/trices anarchistes, et c'est triste, surtout considérant l'effervescence entourant toujours le Salon du livre et le Festival de Théâtre, qui ont lieu en mai. Mais c'est un autre débat.

L'éloge du sexe sous toutes ses formes

Pr0nographe est une sélection des meilleurs textes d'Anne Archet, auxquels il faut ajouter de l'inédit, notamment une mise en contexte amusante dans laquelle son amante tombe par accident sur ses Cahiers. C'est sans doute dans ces paragraphes dédiés aux explications hésitantes d'Anne qu'on retrouve le plus de sincérité : il y a là-dedans une sorte d'introspection sur son approche et des accusations, on le sent, que l'auteure se lance à elle-même afin de se mettre à l'épreuve. Le reste du livre est une suite parfois discordante de textes relativement courts (une page en moyenne) et hilarants. Anne Archet disserte sur tout et joue tous les rôles : dominée, dominatrice, observatrice, cocufiée, cocufiante, baisée par un chien, etc. Elle a en outre une innombrable quantité d'orgasmes. Elle n'oublie presque rien ni personne, même si les hommes homosexuels et les transgenres ne sont définitivement pas son sujet de prédilection.

Elle traite de sexualité avec une aisance qui désarçonne. Les écrivain-e-s avorté-e-s comme moi savent très bien à quel point il peut être difficile d'écrire une bonne scène de baise sans la surcharger ou au contraire sans paraître trop mécanique. Anne connaît le dosage parfait.

Trop mais.

La faiblesse la plus importante du recueil est sans aucun doute son ambition. Pr0nographe, c'est 160 pages de récits de baises successifs. Je n'y vois pas vraiment de répétition, ce qui est en quelque sorte un exploit. Mais cependant, je vous suggère d'essayer de le lire en petites doses quotidiennes[5]. Pr0nographe n'est pas une oeuvre qu'on peut lire le soir et dont l'intrigue nous transporte, et qui nous empêche de dormir. C'est un livre qu'on peut lire entre ami-e-s, tout haut, ou en toute intimité; quelques pages par jour.

C'est aussi un livre qu'on pourra relire.

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Il est possible de se procurer le Ebook d'Anne Archet pour 5$ en contactant directement l'auteure ou en l'achetant sur
Amazon ou Smashbooks. Visitez son site web pour connaître plus de détails, je vous envoie pas de liens directs.

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[1] Soit Lubricités: Les cahiers d'Anne Archet et Le blog flegmatique d'Anne Archet.
[2] Je me promets de régler la question de mon blogue littéraire prochainement.

[3] Après mon insulte grave à son égard, je me suis excusé, étant moi-même une sorte d'universitaire pédant. Mais cette critique ne porte pas sur ma relation avec l'auteure, alors allez lire vous-mêmes.
[4] individualistes dans le sens de Stirner.

dimanche 29 janvier 2012

Référence à l'étude du CPQ à Radio X.

Dominic Maurais, animateur à Choi Radio X, a commenté le sondage du CPQ intitulé "Étude sur les dépenses des étudiants universitaires", ironiquement le même jour que la publication de ma critique du même document. L'émission est disponible en rediffusion ici et fait partie du top 15 de la semaine.

On aura beau réfuter cent fois un mensonge, il continuera d'être répété incessamment par des joyeux imbéciles. Je concède donc la victoire cette fois-ci. Non pas parce que j'ai tort, mais parce que mon blogue est moins diffusé que Maurais Live. Je promets d'ajouter plus de rots, de pets et de femmes en petite tenue pour attirer plus de monde.

vendredi 27 janvier 2012

Blocage des bureaux du ministère par des étudiant-e-s.

Ce matin, un groupe de plus de cent étudiant-e-s s'est formé devant le 600, rue Fullum, un édifice gouvernemental abritant entre autres des bureaux du Ministère de l'Éducation à Montréal, en vue de bloquer complètement l'accès à l'édifice. L'action a été organisée par les activistes de l'ASSÉ et de la CLASSE. La CLASSE gravite autour de l'ASSÉ et a été récemment formée spécifiquement pour répondre aux coupures antisociales du gouvernement libéral, et principalement la hausse des frais de scolarité.

Au moment même où le blocage se constituait, la police se préparait à répliquer. Le groupe d'étudiant-e-s a été suivi par une autopatrouille peu après sa sortie au métro Papineau. C'est finalement une force d'intervention réduite qui s'est placée devant la petite foule réunie dans le stationnement et dans l'entrée de l'édifice: pas plus d'une vingtaine de policiers en tout. Une quinzaine ont surgi d'un minibus pour former un front devant un accès alors assez mal défendu par les étudiant-e-s, permettant à plusieurs employé-e-s de se faufiler à l'intérieur de l'édifice gouvernemental.

En ma présence, les étudiant-e-s n'ont fait preuve d'absolument aucune agressivité physique. Mais bon, je suis parti dès 10h10. Je ne sais pas ce qui se passe là-bas actuellement.

En revanche, l'action de perturbation a fait rager notre État policier embryonnaire. Dès le départ, les policiers, en sous-nombre (pour une fois), ont tenté d'intimider les étudiant-e-s. Alors qu'on descendait pour bloquer une rampe d'accès destiné à la livraison par camion et utilisée par les employé-e-s pour déjouer le blocage, plusieurs étudiant-e-s ont été bousculé-e-s sauvagement par des flics. L'un d'eux, sans aucune provocation, a menacé d'utiliser une canette de poivre de cayenne, même s'il n'était pas du tout menacé ni intimidé d'aucune manière. Ce fut le premier abus de pouvoir direct dont nous fûmes témoins. Par la suite, les mêmes policiers, qui ont par ailleurs (et sans surprise) refusé de divulguer leur numéro de matricule, nous ont bousculé-e-s et poussé-e-s avec leurs matraques.

Au cours de la matinée, la première menace a finalement été mise à exécution: alors que les policiers voulaient disperser une ligne de piquetage qui bloquait l'entrée du stationnement, les bousculades se sont multipliées et sans raison, un policier nous a aspergé-e-s d'un grand nuage de poivre de cayenne[1]. Une jeune femme a en outre été jetée sur le sol.

Et pourtant, quelques secondes plus tard, la ligne de manifestant-e-s se reformait sur la même portion de stationnement sans que les policiers n'apparaissent plus affectés par notre présence. Ceux-ci étaient déjà remontés dans leur fourgon pour se réchauffer. Bravo, la bande de débiles.
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[1] Concernant cet incident, je tiens à remercier l'étudiante en charge des premiers soins.

mardi 24 janvier 2012

Pourquoi l'étude du CPQ est biaisée.

Dans un court billet écrit il y a plus d'un an maintenant, j'avais énoncé que l'étude commandée par le Conseil du Patronat du Québec nommée "Étude sur les dépenses des étudiants universitaires" était biaisée. Je n'avais pas expliqué pourquoi, tout simplement parce que c'était évident. Mais avec le combat qui s'en vient contre la hausse des frais de scolarité et quelques articles publiés il y a pas longtemps et qui annoncent clairement la reprise des arguments chancelants des patron-ne-s et gouvernant-e-s[1], j'ai décidé de jeter à nouveau un coup d'oeil au document.

La forme

Signalons que l'étude ne prend pas la forme et le ton d'une étude scientifique habituelle. On a plutôt affaire à un condensé assez flou de données sans grande analyse. Un peu comme le résumé du programme d'un parti politique qu'on reçoit dans notre boîte aux lettres lors d'élections. Quelques points saillants, quelques chiffres en gras, et ça s'arrête là.

Pourtant, le document porte le titre bien clair de "Rapport final", et non de "résumé", "esquisse", "document de presse", "tas de marde pour les éditorialistes épais", etc.

La section sur la méthodologie est risible : à peine une phrase, dans laquelle il n'est fait mention d'aucune marge d'erreur, sur un échantillon de 500 étudiant-e-s! Il me semble qu'avec un si petit nombre, on aurait pu s'attendre à quelques nuances! En comparaison, l'étude de la FEUQ (2010) sur les revenus des étudiant-e-s, à laquelle nous reviendrons souvent, a utilisé un échantillon de 12 600 individus et consacre une dizaine de pages à la métho, tout en accompagnant de données sur la marge d'erreur chacun de ses tableaux et graphiques !

Il y a un problème scientifique majeur dans le fait de caractériser le sondage du CPQ (parce que ce n'est rien de plus que ça, un SONDAGE, et d'ailleurs le nom du fichier pdf porte le titre évocateur de "sondage1210") d'étude.

Les données

Le problème avec les données du CPQ, c'est qu'elles sont incomplètes et nous permettent pas d'avoir un portrait global de la situation décrite. De plus, les données sont présentées de manière biaisée.

La formule choisie par Léger Marketing, à la demande du CPQ j'imagine, a été d'écarter systématiquement les résultats nuls de leurs équations. On peut donc se retrouver avec une série de chiffres difficilement compilables. Par exemple "70 % des étudiants dépensent 36 $ par mois en moyenne pour un service d'accès Internet". Il faut en comprendre, dans les tableaux qui suivent cette donnée (et même si ce n'est pas spécifié dans les faits saillants), que les 3 étudiant-e-s sur 10 qui ne dépensent pas en moyenne 36$ par mois en service d'accès Internet dépensent en fait 0$ par mois pour la même chose! Ce qui ramène la moyenne globale à 25$.

Un des problèmes de ce choix méthodologique est de donner une impression fausse sur les étudiant-e-s en général. Par exemple, il n'est pas certain que les 70% d'étudiant-e-s qui payent leur Internet soient exactement les mêmes que ceux (79%) qui dépensent pour un téléphone cellulaire. Plusieurs dépenses se chevauchent, mais d'autres pas. Mais ça, ce n'est pas spécifié non plus. On reste donc avec l'impression que c'est une large majorité d'étudiant-e-s qui payent ET un cellulaire, ET un accès à Internet vitesse extrême, ET 39$ de restaurant par semaine, ET cætera.

La formulation des phrases vise donc directement à gonfler les chiffres et à donner l'impression que les étudiant-e-s gaspillent leur argent de manière immonde. Mais ce n'est pas tout. Les expressions galvaudées permettent de dissimuler des faits habilement dans le discours. Par exemple: "Finalement, on remarque que la quasi-totalité des étudiants fréquentent les restaurants sur une base hebdomadaire (pour un total de 39 $ en moyenne par semaine) et qu’ils dépensent en moyenne 94 $ par mois pour leurs loisirs."

La "quasi-totalité", c'est en fait respectivement 95% et 96%. Pourquoi donc avoir donné ces chiffres moyens, si c'est pour exclure toujours au minimum 4-5% de l'échantillon? L'expression volontairement vague de "quasi-totalité", ici, est clairement utilisée à dessein pour gonfler les chiffres. Pour arriver à une moyenne réelle, il faut inclure les résultats nuls: ce qui donne 37,05$
pour les dépenses de "restaurant", et 90,24$ pour les loisirs. C'est pas beaucoup moins, mais il faut tout de même en conclure que les chiffres sont exploités de manière tout à fait inexacte.

Les termes eux-mêmes sont trompeurs. Comme nous l'avons vu, dans la section "faits saillants", le CPQ affirme que les étudiant-e-s dépensent en moyenne 39 $ par semaine dans les restos. Or, dans le tableau explicatif, il est plutôt question de: "Les repas (ou parties des repas) pris au restaurant (incluant les cafés, collations, repas pour apporter et commandés) PAR SEMAINE".

La question est confuse en partant, mais suggère sans doute que votre café pris à la brûlerie Saint-Denis, votre lunch pris à la cafétéria ou votre muffin acheté au Café Aquin rentre dans cette catégorie. En admettant que vous dîniez 5 fois par jour à la cafétéria et dépensiez 6$ à chaque fois pour un repas complet et équilibré, vous dépensez déjà 30$ par semaine. Ajoutez un café à 1,50$ 5 jours sur 7 et vous arrivez à la moyenne. C'est une dépense qui peut être coupée mais ce n'est pas irraisonnable du tout; il ne faut pas croire, en observant les chiffres donnés, que les étudiant-e-s se font exploser la panse au Toqué à chaque semaine pendant que la pauuuuvre classe moyenne crève de faim.

Comment expliquer certains résultats étranges?

Toujours dans l'alimentaire, le sondage révèle - toujours avec sa formule farfelue - que 91% des étudiant-e-s dépensent en moyenne 86$ en frais d'épicerie (98$ dans la région de Montréal). Ça me semble à moi, en partant, une dépense aussi immense et absurde que les dépenses attribuées aux loisirs et au restaurant, qui me feraient, à moi, faire faillite en deux mois. Mais dans les détails complémentaires, on nous assure aussi que parmi ceux qui reçoivent de l'argent d'un "tiers" pour payer l'épicerie, et qui par ailleurs habitent chez leurs parents, cette dépense passe à 120$! Comment est-ce donc possible d'habiter chez ses parents et de dépenser personnellement, tout de même, 120$ par semaine en frais d'épicerie?

En 2005, le MAPAQ nous apprenait qu'en 2001, une famille québécoise dépensait en moyenne 118$ par semaine en épicerie, et environ 50$ par personne en moyenne. Les chiffres ont progressé depuis[2], mais il est évident que quelque chose cloche, et cela est certainement en lien avec la formulation des questions ou une mauvaise collecte de données. En l'absence de détails donnés sur la méthodologie, je me permets donc de conclure que les questions ont été mal posées à un échantillon mal choisi.

Qui peut en effet répondre spontanément et avec certitude, dans le cadre d'une enquête téléphonique, à une question sur les dépenses par mois et par semaine dans plus de dix catégories différentes, dont certaines semblent plus ou moins se chevaucher (loisirs/restaurant/alcool/épicerie)? Même moi, qui suis une sorte d'obsessif compulsif, je n'y arriverais pas sans faire de nombreuses vérifications, parce que j'habite avec ma blonde et que nos factures d'épicerie sont partagées de manière nébuleuse. De la même manière, il est fort probable que les étudiant-e-s ayant inscrit le résultat "120$" en moyenne sur leur fiche ou ayant mentionné ce montant au téléphone, alors qu'ils habitaient chez leurs parents, ont généralement, tout simplement, donné le montant que leurs parents dépensaient à peu près à l'épicerie à chaque semaine.

Il est aussi fort probable que les étudiant-e-s visés aient dans plusieurs cas proposé des estimations trop généreuses de leurs dépenses. Par ailleurs, après calculs (vous me reprendrez si j'ai fait une erreur), la compilation des résultats du sondage - incluant cette fois-ci les résultats nuls - permet de conclure que les étudiant-e-s dépenseraient selon le CPQ 21 600$ par an en moyenne! Et encore, ce sont des estimations conservatrices, puisque si l'on se fie uniquement aux apparences et non à une vérification des résultats (la plupart des détails ne figurent pas sur le communiqué qui avait été envoyé aux médias), les étudiant-e-s vivent réellement comme des pachas.

Or, l'étude de la FEUQ mentionnée plus tôt fixe le revenu total moyen d'un-e étudiant-e à temps plein (et de premier cycle) à 13 300, alors que la médiane est plutôt à 12 220$ (p. 49)! En ce qui concerne les étudiant-e-s qui n'habitent pas chez leurs parents, et qui doivent donc sans doute faire face à plus de dépenses, la moyenne du revenu est encore bien plus basse que l'estimation du CPQ: elle est de 14 200$. Mais où sont donc passés les 7 000-9 000$ manquants? Sont-ce les doctorant-e-s comme moi qui font monter la moyenne de 25-40%[3]? Les étudiant-e-s à temps partiel?

La vérité, c'est que dans les médias, comme au CPQ et chez la droite en général, l'étudiant-e moyen-ne décrit-e ne renvoie à aucune réalité. Le sondage ne reflète rien de vrai et ne devrait pas, après cet examen, servir à nouveau d'argument chez les chroniqueurs/euses pro-hausse.

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[1] Merci à Saint-Henri Chronicles pour le tuyau.
[2] Pour des raisons obscures, mon proxy de l'UQÀM ne me permet pas actuellement d'avoir accès aux données plus récentes de Stat Can: il faudrait que je paye 134$ pour commander un rapport, c'est quoi cette connerie? Bon. L'Institut de la Statistique du Québec parle de 140$ par semaine par ménage en 2008.
[3] Notez que mes revenus ne sont pas vraiment au-dessus de la moyenne des étudiant-e-s du premier cycle.

samedi 21 janvier 2012

Une société de contrôle.

Les récents évènements, comme la tentative de faire passer une loi coercitive sur les droits d'auteurs et la fermeture de Megaupload, sont un avant-goût de ce à quoi ressemblera la future société de droit corporatif. Plusieurs autoritaires de droite (c'est de plus en plus un pléonasme) nous assurent toujours travailler pour la liberté. Mais une liberté qui passe bien sûr par un propriétarisme irrationnel et absolu.

Les exemples fourmillent et malgré les nombreux échecs des corporations, cette forme de «libéralisme» totalitaire de la propriété progresse. Vous vous souvenez de Monsanto et du génome du porc? L'idée c'est, au nom de la propriété - intellectuelle ou pas - de s'emparer, paradoxalement, de votre propriété par des voies tout à fait légales, ou d'exiger de vous une aberrante taxe à l'utilisation de leur idée, produit culturel, couleur, gène... Le but ultime est de nous faire payer pour quelque chose qui leur appartiendra toujours et qu'on utilise de manière tout à fait naturelle. En quelque sorte, un impôt pour quelque chose qui ne coûte absolument rien à produire, une fois que l'investissement initial, minimal, est absorbé.

Beaucoup de personnes demandent (et je l'ai même entendu à l'Institut Fraser) comment diable peut-il y avoir une croissance infinie dans un monde fini. C'est une énigme qui doit en principe piéger les économistes un peu trop enthousiastes. La réponse est pourtant simple: on peut créer de la croissance à perpétuité en se faisant des escrocs de l'imaginaire.

Aussi, il est fort probable que la réaction autoritaire à la démocratisation de l'information vécue à l'ère d'Internet ne soit pas particulièrement liée à une position idéologique du gouvernement et à des individus au caractère profondément buté et étroit; selon moi, il faut bel et bien associer la tyrannie intellectuelle émergente au phénomène de croissance économique[1], qui tend à cloisonner les activités et les choses les plus libres dans des secteurs d'industrie.

Anonymous représente un groupe contestataire de plus en plus important[2] qui répond aux attaques à la liberté de diffusion. Leurs attentats commis contre l'État et les industries ont l'avantage de viser les bons ennemis. De plus, quand des entreprises qui se servent de leurs sites web pour augmenter leur marge de profit sont frappées, le coup porte. Cependant, je me demande à quel point un gouvernement peut souffrir de voir certaines de ses pages surchargées et inaccessibles pendant quelques heures.

L'utilisation libre d'Internet est définitivement ce qui ébranle actuellement le plus le pouvoir, et c'est pourquoi les gouvernements et entreprises tentent de plus en plus de faire de la toile un lieu à atmosphère contrôlé. Ça inclue Facebook. C'est parce que la pratique de la liberté menace le pouvoir, bien plus qu'une attaque directe, qu'elle vienne d'Anonymous ou pas.

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[1] Il faut comprendre ici l'expression « économie » dans un sens essentiellement financier. Il est évident pour moi que l'augmentation d'échanges de tout type, incluant l'échange gratuit d'informations sur le web, constitue une forme de croissance économique. Seulement, elle n'est ni nécessairement capitaliste, ni même toujours financiarisée.

[2] Je ne voudrais pas faire partie de la branche antiscientologie - et légaliste - du mouvement actuellement, qui doit être complètement dépassée par les actions radicales de certain-e-s camarades. Je suis cependant certain que la peur des scilons reste de toute façon plus prégnante dans leur esprit que la peur des flics, ce qui me semble d'ailleurs le comble de l'absurde.

mercredi 11 janvier 2012

À ne pas manquer.

Un atelier sur l'autopublication donné par les bédéistes Iris et Zviane. Pratique pour les activistes qui veulent apprendre à faire des brochures ou des zines! En fait, c'est pas très compliqué, mais au pire, l'atelier est gratuit.

Il y a aussi le prochain Cabaret anarchiste, au profit du Bloc des Auteur-e-s Anarchistes, le 3 février prochain, sous le thème de l'Amour... Comme d'habitude, ce sera au DIRA, à 20h00. Ce sera gratuit, convivial et micro ouvert!