samedi 28 juin 2008

Suicidez-vous ailleurs!

La STM reste silencieuse quant au phénomène du suicide dans les rampes de métro à Montréal, afin d'éviter de faire de la publicité. Deux tentatives ont lieu par mois en moyenne, environ; 129 ont été couronnées de succès entre 1986 et 1996.

Ces suicides sont de véritables nuisances pour l'humanité. Si la STM n'est pas en mesure de les empêcher physiquement, et que les psychologues en sont incapables thérapeutiquement, qu'on enlève donc les clôtures à suicide sur le pont Jacques-Cartier et qu'on y installe un tremplin.

La société doit cesser d'être hypocrite. C'est elle qui cause ces suicides à répétition qui font chier tout le monde pendant des heures. Le suicide, conséquence ultime d'une maladie mentale souvent causée par une culture consumériste pourrie et des pressions sociales impossibles à assumer, est aussi une manière pour la société de se débarrasser de ses parasites.

Que les autorités cessent donc de promouvoir leur simulâcre de vertu, et qu'elles cessent de prétendre vouloir aider les gens dépressifs, sans jamais s'attaquer à la racine du problème! Qu'elles poussent donc les ostracisé-e-s à se tuer, et surtout se tuer ailleurs qu'à la station Berri-UQÀM. Des travailleurs en maudit d'arriver chez eux après deux heures d'attente, et qui restent en maudit jusqu'au lendemain, ça réduit la productivité...

mercredi 25 juin 2008

You don't have to be Jewish to eat Kosher!

Je reviens tout juste du centre commercial Wilderton, situé entre le quartier Côte-Des-Neiges et Outremont.

Alors que je flânais devant une charcuterie-boulangerie, observant une affiche sur laquelle on pouvait lire "You don't have to be Jewish to eat Bagles" et y voir un Inuit très souriant, un homme de peau blanche, blond et mal rasé, dans la fin vingtaine, est sorti du fond du magasin. Il avait un visage assez long, en triangle renversé, un nez aquilin et les yeux clairs. Il m'a abordé en anglais, ôtant ses grosses lunettes de soleil. "Get out, fucking Frenchie". Il continua ensuite de m'insulter en anglais, me sommant de partir et de ne pas revenir. Je fis mine de ne pas comprendre, alors il traduisit: "Barre-toi, le francophone! Ne reste pas devant moi." Je lui répondis que je ne faisais que regarder les prix dans la vitrine et lui demandai ce qu'il me reprochait. "Vous abandonnez les immigrants. Je ne veux pas voir de francophones ici." J'objectai que ce serait difficile de se débarasser des francos, étant donné qu'il y en a plus d'un million dans le boutte. Ensuite, il me dit de partir, me menaçant de me frapper si je restais là. J'ai alors regardé dans ses mains: il portait un sac de petits gâteaux. Très efflanqué, grand mais peu costaud et de toute évidence pas armé, il n'avait pas l'air très dangereux. Je lui demandai d'élaborer, mais il se contenta de me dire que j'avais peur, que je bégayais et que je tremblais devant lui (c'est vrai, je tremblais de rage, les poings serrés) et qu'il me jurait qu'il allait me frapper si je ne me "barrais" pas.

À ce moment-là, un homme dans la soixantaine avancée s'approcha. L'autre a alors déguerpi en beuglant. Je discutai un peu avec le vieux, qui m'aida à me calmer. Très gentille intervention, quoiqu'elle ait mis fin au dialogue entâmé entre moi et le raciste. J'avais l'intention de l'inviter à prendre un café pour parler de ça tranquillement.

Je me demande si cet évènement n'est pas en lien avec le mauvais traitement qu'on fait de la question identitaire au Québec, dans les médias anglophones. Je veux dire: les Québécois-es ne sont pas pires que les autres. J'aurais même tendance à dire que de traiter les Québécois-es de racistes est peut-être une façon, pour les Canadians, de cacher au reste du monde leur propre xénophobie, qui est par ailleurs beaucoup plus intense que celle des Québécois-es, en de nombreux endroits. D'ordinaire, je n'aurais rien à foutre des dépêches qui nous décrivent presque racialement comme des nazis, mais maintenant que je sens mon intégrité physique menacée (ce con aurait quand même pu me faire mal ou provoquer une bagarre qui m'aurait amenée chez les boeufs), je commence à me poser de sérieuses questions.

Sinon, qu'est-ce qui aurait pu causer cet éclat de haine soudain? L'omniprésence du fleurdelisé (ce symbole de l'abominable question nationale), hier à la Saint-Jean? Ou était-ce la réponse à une agression du même type, qu'aurait vécu l'intimidateur en question?

lundi 23 juin 2008

La Saint-Jean

Je n'ai rien à cirer de cet ignoble concept de nation qui me force à avoir une relation privilégiée avec sept millions de personnes que je ne connais pas. Comme de ces intellectuels arides et ridicules qui parlent d'un "nous" qu’on hésite plus à prononcer que le « nous » des partisan-e-s du Canadien de Montréal. Comme du 400e de Québec, soucis presque aussi grand pour moi qu’une envie de me gratter le derrière.

Les gens brandissant des drapeaux nationaux me font généralement dégueuler. Je me souviens avoir été presque agressé par un fanatique italien, vêtu d’un vert-blanc-rouge flamboyant et ayant atteint la félicité suite à la victoire de son équipe. Je subis, en fait, l’Euro, les Séries ou le Mondial à chaque année, avec sa pléthore de crétins de hooligans ivres qui manquent de m’écrapoutir en char dans les rues de Montréal. Je ne sais pas pourquoi une victoire sportive donne envie de frapper; sans doute l’expression du désœuvrement dans les familles défavorisées, public cible des évènements sportifs tout désignés pour faire oublier aux gens leur situation d’exploités, de quasi sans-abris, de machines vivantes écrasées par des spéculateurs qui aiment le travail (comme il faut être riche pour mépriser l’argent, il faut ne pas travailler pour aimer le travail).

Parallèlement, l’idée de parvenir à la souveraineté par simple plaisir de hisser des fleurdelisés partout me semble d’une stupidité rare. L’attachement à une nation et à ses icônes rend les individus cons et obéissants. À cause de lui, les pauvres font confiance au Parti Québécois, cette bande de bourgeois et bourgeoises désabusé-e-s qui parlent de nation tout haut pour garder leur salaire de députés mais qui parlent de capital tout bas pour s’assurer une place dans le conseil d’administration d’une compagnie.

Nous parlons d’autonomie depuis plus d’un siècle, mais le Canadien français est-il plus heureux aujourd’hui, maintenant que c’est son frère qui l’opprime ?

vendredi 20 juin 2008

Entendu au séminaire étudiant de l’Institut Fraser

Séance du 3 février 2007

Ces citations sont de John Robson, historien (j'ai honte) et analyste politique*:

"Il est impossible de modifier le désir des gens. Le désir ne change pas. Les gens veulent ce qu'ils veulent." (Ah oui? Ça sert à quoi la pub, d'abord?)

"Toutes les lois économiques sont infaillibles."

"Le salaire minimum supprime les occasions de travailler. Les gouvernements le savent, et c'est pourquoi ils n'augmentent pas le salaire minimum à 50$ de l'heure."

Celles-ci sont de Marc Meunier, avocat et un des fondateurs de l'IEDM. Lors d'une discussion en petits groupes, il dit:

"Les entreprises s'autoréglementent toutes seules. Pas besoin de contrôle gouvernemental de la qualité ou de la sécurité."

Ensuite, juste après que quelqu'un aie donné des exemples des saloperies faites par les entreprises, il s’exclame:

"Vous imaginez des complots partout. Que les entreprises veulent nous cacher des choses, c'est seulement une rumeur."

Martin Masse, directeur des publications de l'IEDM, propose des solutions au manque de transparence des entreprises:

"Les gens n'ont qu'à s'informer eux-mêmes." (En volant des documents aux multinationales, par exemple?)

"Les groupes écologistes qui se font poursuivre pour diffamation l'ont bien mérité."

Plus tard, le même urluberlu prononce une conférence sur les bienfaits de l'automobile:

"Si vous voulez investir dans les transports en commun, vos impôts vont augmenter de 50%. [...] Moi, je ne veux pas que mon niveau de vie baisse de 50%."

"Les transports en commun, c'est pas une alternative. C'est trop long. [...] On va s'appauvrir en réduisant le nombre de voitures." (Après toutes les stupidités avancées par cet homme, deux ou trois personnes ne cessaient de crier: "Il a raison!")

Jean-Luc Migué, Senior Fellow (dixit: vieux corrompu) à l'Institut Fraser, dans la discussion en petits groupes qui suivit, déclara:

"Il n'y a plus de pollution au Canada."

"Il faut se résigner. Les choses ne se passent pas toujours comme on veut."

Michel Kelly-Gagnon, fier motivateur, dit:

"Les Québécois doivent retrouver leur esprit de coureurs des bois." (En partant à l'aventure et en buvant toute notre paie en revenant à Montréal? )

"Nous [les entrepreneurs] sommes des rebelles." (C'est ça, et moi je suis un anarchiste conformiste vivant au milieu d'un monde communiste et parfaitement homogène.)

Kelly-Gagnon en rajoute suite à la question d'un jeune homme, en laissant aussi entendre que la big business est en effet le plus persécuté des groupes.

Suite la semaine prochaine. Nous y verrons comment les acteurs du Fraser Institute se débrouillent en 2008.

*Ses citations sont traduites.

dimanche 15 juin 2008

Les Rats (nouvelle littéraire engagée)

J’en ai attrapé un d’immense taille, l’autre jour. C’est avec mon poing tout entier que je retenais sa queue toute sèche et rugueuse. Ne sachant pas trop quoi faire avec, je l’ai enfermé dans un gros contenant de plastique. Désorienté, il s’était mis à jouer des pattes sur la paroi de sa chambre blanche, tentant vainement de grimper. Le lendemain, j’aperçus dans mon sous-sol deux gros énergumènes de la même espèce, se traîner lourdement, sans s’inquiéter de ma présence, à la manière de ratons laveurs malpropres. Étourdi par le dégoût, j’appelai immédiatement un exterminateur. En moins de trois heures, il était chez moi, cliquetant d’arsenal.

― Il y a du rat par ici.
Reniflant un peu d’air et beaucoup de mucus, se sentant inspiré, l’exterminateur avait confirmé ma constatation.
― Eh bien, on va vous en débarrasser.
Il déplia devant moi tous ses massifs outils de frappe en m’expliquant, avec le ton protocolaire d’un agent recruteur, la nuisance que représentait la racaille parasitant ma maison.
― Les rats détestent les Humains, voilà bien pourquoi ils vivent près de nous. Ils nous jalousent notre liberté, notre nourriture et même nos femmes. Par orgueil seulement, ils s’interdisent notre luxe : pourtant, ils vivent à nos crochets.
Comme de fait, l’exterminateur brandit un gros crochet à rats bien effilé avec lequel il fouetta l’air, enthousiasmé par son utilisation future.
― Il y a des rats partout. De toutes les couleurs, de toutes les formes, de toutes les tailles. Ils sont toujours prêts à nous faire du mal. Ils n’existent que pour nous voler nos droits, nous envahir, brûler tout. Il y a des rats apprivoisés, mais il faut les garder à l’œil, dans des cages.
Je suis curieux.
― Et les souris ? Et les mulots ? Vous les faites aussi ? dis-je.
― Il n’y a que des rats, répondit-il, catégorique.

Il demanda à voir mon exemplaire de cette vermine en captivité. Je lui montrai le bocal blanc. L’exterminateur approcha son museau du museau craintif de la petite créature. Je pensai qu’avec une coiffure convenable, le rongeur aurait peut-être eu une mine moins antipathique. L’exterminateur couvrit l’animal d’une effrayante main gantée : peu après il regardait l’hideuse chose dans ses yeux noirs.
― Les rats sont ma raison de vivre et de tuer, je les aime, dit-il en serrant si fort que son bras en tremblait.
Les craquements d’os se turent quand le rat ne fut plus qu’une gelée dans son sac de peau. L’exterminateur emballa le cadavre, marqua le linceul d’un sceau et le jeta dans un sac. Je ne cessai pas de l’observer durant son opération.

L’exterminateur releva la caboche subitement. Ses moustaches fébriles avaient reniflé quelque chose. Il se tourna vers moi.
― Vous aimez le fromage ?
Bien sûr.
― Vous avez une bonne vision nocturne ?
Euh… Ben… Ouais.
― Vous aimez particulièrement les coins humides et peu éclairés ?
De son crochet à rats qu’il tenait alors sous mon menton dégoulinait une substance poisseuse. Je devinai les pensées de l’homme de métier.
― grrrrmbl, grommela-t-il tout bas, comme si je ne l’entendais pas. Ça se tient comme un rat, ça mange la même chose qu’un rat, ça se dandine comme un rat, ça sent la même chose qu’un rat… Ce doit donc être un rat.
Sur les lèvres de l’exterminateur, l’écume commençait à écumer. Je le rassurai proprement.
― Regardez mes oreilles, mon ami. Regardez mes dents. Ai-je l’apparence, réellement, d’un rongeur ?
L’autre retira son arme de sur ma gorge, mais resta méfiant. DES RATS ! répétait-il. Il y en a partout. Les rats sauvages, qui ne faisaient de mal à personne, en pleine Amazonie, nous menaçaient dans les plantations : ils se cachaient dans les caissons de transport des bananes et nous mordaient à l’ouverture de la cargaison… Les rats des champs donnaient des maladies aux écureuils, qui les amenaient à la ville ensuite.

Soudain triomphant, l’extincteur d’espèces se présenta devant moi, la face remplie de suie.
― J’ai trouvé le nid.
Allons voir.

C’était un petit monticule de sable, surmonté d’un trou béant et sombre.
― Des fourmis, avançai-je, scientifique.
― Des rats, répliqua l’autre en saupoudrant généreusement le nid de borax.

L’exterminateur revint à la cuisine, là où il avait laissé tout son matériel, et choisit parmi son armement une petite cage de métal. Il en laissa sortir un petit animal maigre, à la truffe allongée et humide, au faciès anxieux et aux yeux comme des billes d’ardoise. Ses petites pattes, griffues et tremblotantes, étaient presque dénuées du poil brun et lustré de saleté qui couvrait le reste de son corps. L’homme lui installa un petit collier et une laisse. Circonspect, je déclarai :
― Un rat ! En voici !
L’autre, insulté, rétorqua :
― Non, c’est un chat.

mercredi 11 juin 2008

Brève sur le "vivre ensemble"

Gabriel Sagard disait que les tribus iroquoïennes, au XVIIe siècle, vivaient dans des communautés libres, dégageant souvent d'importants surplus alimentaires grâce à la culture des courges, des pois et du maïs. La propriété n'était pas un concept clairement défini, et la générosité était la règle (comme le vol, d'ailleurs; il était pratiquement impossible de conserver quoi que ce soit dans sa cabane). Sagard n'avait que peu à redire contre cette manière de voir les choses et considérait les Amérindiens païens comme meilleurs Chrétiens que les Européens eux-mêmes: les Hurons, quelques temps après l'arrivée des missionnaires dans leur village, leur avaient déjà bâti une bonne cabane et fourni de la nourriture, faisant preuve d'une grande hospitalité. Chez eux, aucune loi, aucune police, aucune propriété privée, aucune église; que la tradition, la vie en commun, et le dialogue. Les Européens, de Voltaire à Rousseau, ont été très positivement étonnés de constater qu'un tel mode de vie puisse exister, même dans l'indigence, où la loi du plus fort aurait dû l'emporter sur la solidarité. Et apparemment, l'attrait de la liberté dans ces communautés n'était pas que partagé par les élites; parce que dans les premiers temps de la colonie, des garnisons françaises au complet se sont assimilées aux Amérindiens, trouvant leur mode de vie moins imbécilement vain.

L'Espagne, entre 1936 et 1939, a aussi vu naître plusieurs communes libertaires très fonctionnelles. Ce sujet a été largement traité, ailleurs.

Vivre librement et ensemble, ce n'est une utopie irréaliste que pour les gens qui ont si peu de confiance en l'être humain qu'ils le considèrent incapable de vivre autrement que sous le joug d'un plus fort, ou d'un plus sage.

vendredi 6 juin 2008

Les itinérant-e-s privé-e-s de leurs compagnons

Après-demain, dimanche, aura lieu une manifestation opposée à l'interdiction des chiens dans de plus en plus d'endroits de la ville de Montréal. Le règlement, imposé à la population depuis presque un an, vise surtout les sans-abris qui dorment ou errent au Carré Viger, près de la station Champs-de-Mars.

Les chiens sont les meilleurs amis des itinérant-e-s, et souvent les seuls. Ils leur fournissent chaleur, affection et protection. Proies faciles, les plus démunis des démunis se font souvent molester, agresser plus ou moins gratuitement. Ils ne dorment pas derrière une jolie porte verrouillée et sécurisée; la rue, qui est un milieu déjà très dangereux, ne leur offre pas un tel luxe. Avoir un ou plusieurs chiens avec soi est une garantie de sommeil moins infernal et moins trouble au milieu de la grisaille quotidienne et des matelas de béton. Le chien se réveille au moindre bruit suspect; il alerte son camarade en cas de danger; il décourage les agresseurs potentiels; bref il empêche l'humain qu'il accompagne de ne pas se réveiller le lendemain matin. Enlever aux sans-abris leurs chiens, c'est les exposer aux crimes les plus bas et les plus sournois.

Le huit juin, à 14h au Carré Berri, montrons que nous sommes solidaires des gens qui n'ont pas de domicile autre que la fourrure d'un canidé.