lundi 21 juillet 2008

L'indépendance du Québec (2)

Les Québécois-e-s sont victimes de trois principaux impérialismes étatiques: celui du voisin états-unien, protectionniste, qui punit les producteurs étrangers quand ceux-ci ne suivent pas leurs directives; celui du Canada, qui cherche à écraser le mouvement d'affirmation nationale tout en retirant les leviers économiques et politiques du Québec en le rendant dépendant du reste des provinces de la confédération; et finalement, celui du Québec lui-même, qui écrase ses citoyen-ne-s par une répression sauvage, brutale, qui liquide les résultats des pressions sociales et des grands projets menés au cours des cinquante dernières années, et qui surtout reste silencieux et sardonique face au désoeuvrement.

Les mouvements nationalistes québécois ont l'habitude de mettre de côté ce dernier impérialisme, l'opposant plutôt au fumeux concept "d'autodétermination des peuples". Cependant, si je ne veux plus être dirigé par des étrangers, je ne veux pas non plus être dirigé par les miens; je ne veux en vérité être dirigé par personne. Car de toute façon, les tyrans sont les mêmes partout.

Conséquences positives d'une hypothétique séparation

Je crois tout de même que la séparation du Québec constituerait un progrès. Au-delà de tous les scénarios-catastrophes qu'on pourrait évoquer, il y aurait à une déclaration d'indépendance des avantages considérables.

La médisance

Tout d'abord, les médias anglophones cesseraient de nous considérer comme des sous-êtres. Les journaux tels que le Toronto Star, le Globe and Mail, etc. ont fortement tendance à considérer les habitant-e-s francophones du Québec comme racialement racistes et arriéré-e-s.
Des actes de boycott des commerces franco-canadiens sont aussi organisés par de flamboyants néo-nazis sans qu'une communauté-soeur (dixit: le Québec) puisse actuellement intervenir. Si le Québec était un pays indépendant, de tels actes de dénigrement passeraient pour des accidents diplomatiques graves; le rapport de force, inexistant pour l'instant, s'établirait de facto entre les orangistes en colère et les minorités francophones du Canada, pour peu que la nouvelle république s'intéresse à elles.

La nation

Le problème de la nation, réglé une fois pour toutes, nous permettrait de passer à autre chose. En effet, cette question permet au PQ de vampiriser la gauche québécoise en la forçant à des compromis ridicules en échange de belles paroles (de plus en plus rares, d'ailleurs) sur la souveraineté. Plusieurs anarchistes se perdent d'ailleurs en chemin au cours de leurs pérégrinations, obnubilé-e-s par la liberté qu'ils et elles croient pouvoir s'incarner à travers le vieux rêve des Baby-Boomers.

Le pouvoir et la politique


L'indépendance rapprocherait le pouvoir des 7 millions d'habitant-e-s peuplant la province. Le gouvernement canadien, régnant sur un territoire trop étendu mentalement et territorialement, doit gérer les intérêts contradictoires d'une population variée. Or, le compromis n'est bon pour personne, sauf pour les ploutocrates, qui aiment diviser pour régner.

Un référendum gagnant ferait se cesser la désaffection des citoyen-ne-s envers la politique du pays. Le Québec verrait certainement survenir une gigantesque phase d'ébullition, ce qui renforcerait le dialogue et inciterait les gens à réfléchir davantage sur le monde dans lequel ils voudraient habiter. Il serait sans doute alors plus facile, pour au moins une décennie, d'organiser des évènements politiques ou symboliques. La petite gauche et les libertaires pourraient tirer profit de cette agitation culturelle et sociale pour marquer d'importants points.

Le changement

Par ailleurs, n'ayant pas à traîner derrière eux et elles ce boulet qu'est le Canada-anglais (sans vouloir vexer mes camarades anglophones), les Québécois-e-s pourraient mieux élaborer leur projet de société sans pour autant rencontrer autant d'opposition, ni de la part d'un aussi large pan de population rétrograde à certaines idées, ni de la part d'une police bien établie (sans le Canada, pas de GRC et d'armée pour nous taper sur la gueule!). Le changement social pourrait être accéléré par ce facteur.

Les autochtones

L'indépendance pourrait jouer en faveur des autochtones, car elle ne se ferait pas sans eux. Ceux-ci ont joué un rôle de premier plan au cours du premier et du second référendum. Québec devrait à tout prix acheter leur accord par des concessions importantes, qui réduiraient sans doute leur situation de misère et contribuerait à leur autonomie.

Conclusion

L'indépendance du Québec pourrait donc être bénéfique à court terme et sur le plan des relations internes si elle se faisait dans le calme et avec l'aide d'une population éveillée. Je n'encouragerais pas mes camarades moutons à en faire la promotion (car l'indépendance du Québec n'est pas notre but), mais je leur recommenderais de ne pas considérer l'option avec trop de dégoût. J'en suspecte quelques-un-e-s d'ailleurs de chercher à s'en exorciser comme si c'était une simple réminiscence de leur passé de péquiste capitaliste.

6 commentaires:

  1. Tes billets sont toujours intéressants, et la qualité de ton expression écrite n'est pas un détail négligeable.

    Sans emprunter tous tes arguments mais en accord avec plusieurs, mon idée est également que l'indépendance serait à l'avantage du Québec et de ses citoyens. J'ai le sentiment d'être anarchiste, bien que, en lisant d'autres, je me demande si j'ai raison de le penser, mais je ne crois pas qu'il y ait uniformité à trouver là plus qu'ailleurs ; par contre, je crois plutôt utopique de penser possible un monde vivant en toute liberté : ce n'est pas pour autant que je renonce à cette utopie, c'est plutôt que je suis réaliste vis-à-vis du monde actuel et vis-à-vis des êtres humains en général. C'est donc habitée par ce désir de liberté et cette conscience de la réalité que j'en suis venue - et ça ne fait pas des siècles de ça - à considérer l'indépendance comme la seconde perspective la plus positivement envisageable. Déjà, le seul fait d'être plus proches des pouvoirs décisionnels...

    En fait, j'imagine mal comment on pourrait vivre en anarchistes, encerclés par les autres provinces canadiennes et avec nos voisins du Sud. Quelle autorité opposer aux velléités impérialistes qui se manifesteraient (qui se manifestent déjà, ainsi que tu as dit) ?

    En terminant, à propos de médisance, je ne crois pas qu'elle disparaîtrait : elle aurait surtout de nouvelles cibles. Ce n'est pas du désabusement de ma part, simplement encore du réalisme car, à mes yeux, le monde est à refaire avec chaque être humain naissant...

    J'ai aussi beaucoup apprécié tes comptes rendus de conférence : tu en as entendu de belles, avec ce que tu en as rapporté ! (ma condition de santé fluctuante ne me dispose pas toujours à commenter au moment où tu publies...)

    Salutations.

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  2. Salut, amie! Je suis toujours content de vous lire moi aussi. En effet, vivre libre est une utopie difficilement envisageable. Comme beaucoup d'autres belles choses aussi! Mais je crois que cette utopie peut survenir sous d'autres formes que celles qu'on a tendance à conceptualiser en lisant Bakounine, Lhermina ou Chomsky. Il faut être humble et garder l'oeil ouvert à la nouveauté pour voir comment parvenir à nos fins.

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  3. Votre salutation bien sentie fait plaisir à recevoir.

    Y repensant, j'ai envie d'ajouter qu'il me semble que l'utopie, en fait, ne pourra jamais s'établir en permanence, mais pour avoir goûté des moments de la qualité de son ordre, je la sais donc possible.

    Vous devez avoir plus de lecteurs que de commentateurs, je suppose, mais la valeur ne se mesurant jamais véritablement en nombre... En tout cas, vous faites partie des belles promesses de la jeunesse : puissent vos tribulations n'avoir jamais raison de vous définitivement (noisette à conserver en réserve ;-) ). Ciao.

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  4. Superbe billet! Les autres anarchistes libertaires devraient en tirer des leçons!

    Au moins, il y a un autre anarchiste séparatiste au Québec!

    "Je n'encouragerais pas mes camarades moutons à en faire la promotion (car l'indépendance du Québec n'est pas notre but), mais je leur recommenderais de ne pas considérer l'option avec trop de dégoût."

    Nous pourrions faire la promotion de la séparation du Québec mais en dehors du cadre des partis politiques.

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  5. L'indépendance du Québec n'est pas une fin, ni même un moyen pour moi. De plus, ses conséquences restent incertaines. Malgré ce que vous puissiez en penser après la lecture de ce texte, je reste tiède face à cette option. Si je la vois comme positive, c'est par opportunisme, simplement.

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  6. Sauf qu'il va bien falloir un jour se débarasser du Cacanada pour pouvoir se débarrasser de l'État Culbécois.

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