Merci à Mademoiselle C. pour m'avoir mis la puce à l'oreille en m'envoyant
ce vidéo.
Le Président du Comité-jeunesse du PLQ, Julien Gagnon, a en effet pastiché une partie d'un des plus grands discours de Pierre Bourgault lors du congrès de l'aile jeunesse de la formation libérale en mai dernier.
Dans l'allocution de fermeture du congrès, il a prononcé cette phrase, à 4min30: "Le Parti Libéral a su être le parti de ces bâtisseurs, de ces innovateurs, de ces penseurs, parce qu'il est attaché à ses valeurs." Un peu plus loin, il a renchéri: "Le Parti Libéral a produit les Godbout, Lesage, Bourassa, parce qu'il est resté dévoué aux rêves qu'il a eu pour l'avenir."
En 1971, Pierre Bourgault prononce un discours très inspirant (c'est le cas de le dire) lors du Congrès du Parti Québécois. On en a conservé
l'enregistrement dans les archives de Radio-Canada. À 5min55, il prononce cette phrase: "Ho Chi Minh n'était pas respectable, il l'est devenu. DeGaulle n'était pas respectable, il l'est devenu. Castro n'était pas respectable, il l'est devenu. Parce qu'ils sont restés fidèles à leurs rêves de jeunesse. Et c'est ce que je voudrais que le Parti Québécois fasse: rester fidèle aux rêves qui l'ont enfantés."
Il y a vraiment trop d'éléments en commun entre les deux passages. Premièrement, la référence à trois personnages figurant comme des exemples de réussite; ensuite l'allusion à des rêves originels; et finalement la double mention de la fidélité aux "projets de jeunesse". Dans les deux cas, elle est tout d'abord décrite comme concept général, puis appliquée à la réalité politique avec des exemples concrets. J'aurais pu encore penser qu'il s'agissait d'une coïncidence si Gagnon n'avait pas imité jusqu'à l'intonation de Bourgault dans son fameux "parce qu'ils", prononcé deux fois plutôt qu'une par le prestidigitateur.
Vous observerez qu'en bon libéral, Gagnon ne propose toutefois pas un changement dans son parti, comme le faisait Bourgault: il se contente d'en vanter les accomplissements. Bourgault parle de l'avenir, Gagnon du passé. L'allusion est discrète et bien dénaturée. On arrive à reprendre une structure oratoire de Bourgault ayant pour but de déclencher l'inconfort afin de créer, chez les jeunes libéraux, une situation de confort. C'est du grand art.
Mais c'est aussi vraiment stupide: en pastichant Bourgault, Gagnon nous révèle que son ambition est plus grande que son originalité. Il nous montre aussi sa suffisance: pour lui, le PLQ est tout simplement armé depuis toujours des vertus que Bourgault souhaitait voir le PQ posséder. Finalement, en récupérant non pas un orateur de son camp, mais bien du camp adverse, il fait preuve d'une hypocrisie qui frôle la bouffonnerie.
Julien Gagnon, étudiant en économie, est une des étoiles montantes d'une jeunesse dorée incarnée à travers une pléthore d'organismes élitistes (pour les 18 à 30 ans) qui font la promotion du
leadership. Sa reprise de Bourgault, qui vise sans aucun doute à électriser les moutons blancs immenculés de la Commission-jeunesse et de se faire remarquer dans la cour des grands, risque de ne pas être sa dernière tentative de crosser des gens naïfs. Maintenant que nous connaissons ses méthodes, nous avons plusieurs raisons de plus de se méfier de ce petit Napoléon.