lundi 7 février 2011

conte urbain de révolution.

Selon une source anonyme, ceci fait partie des histoires qui circulent au Caire. Aucun moyen de savoir si elle est vraie.

***

Des milliers de manifestants se sont regroupés devant les forces de l'ordre, qui occupent un carrefour. Un des officiers supérieurs prend un porte-voix et annonce, d'une voix sèche:
― Partez, ou nous n'hésiterons pas à faire feu.
Les troupes lèvent à ce moment-là leurs fusils et les pointent vers la foule. Un garçon maigre comme il en court dans toutes les rues est au premier rang des manifestants. Incertain, il se retourne vers un médecin, juste derrière lui.
― Croyez-vous qu'ils vont vraiment tirer sur nous?
Le médecin pose sa main sur l'épaule du jeune.
― Ne crois pas ce qu'ils disent, mon ami. Ils essaient seulement de nous effrayer.

Alors qu'il termine cette phrase, les officiers font signe à leurs hommes d'avancer sur la foule. On réplique. Peu à peu, le chaos s'installe. La rue s'enfume. On entend le chahut flou des gens qui crient et qui s'étouffent dans le nuage nourri par les explosions de canettes de gaz. Le brouillard qui s'en dégage semble engourdir jusqu'aux bruits urbains. Puis, au coeur de l'affrontement, des claquements sinistres retentissent.

Grondement de pas de course et halètements.

Le médecin traîne un corps maigrichon jusqu'au coin de la rue avant de s'arrêter, à l'abri.
― Nous avons raison de nous révolter, pas vrai? demande le garçon.
― Oui, mon ami.

***

Sans doute, l'enfant n'est pas mort dans les bras du médecin: il aura peut-être été évacué avant que ses blessures par balles, trop graves, ne l'emportent finalement. La version à laquelle j'ai eu accès ne mentionne que son décès.

Des récits du genre, il y en a autant qu'il y a de drames. Ils sont certainement en partie imaginaires et tombent pour la plupart dans un invraisemblable mélodrame, mais ils nous font comprendre ce qu'une statistique contient.

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