Je ne considère pas que l'ajout de paliers d'impôts pour les riches est une solution viable à long terme. Parce que peu importe le liquide qu'on leur prend, leur proximité du robinet à argent reste la même. Vous montez leurs impôts? Je pense un peu comme Ian Sénéchal qu'ils vont trouver un moyen d'augmenter leur créativité fiscale. D'autres, patron-ne-s, n'auront qu'à augmenter leur salaire eux-mêmes, pour ceux et celles qui en ont le pouvoir, et remettre la facture aux employé-e-s qu'illes exploitent, aux locataires de leurs immeubles qu'illes trompent, aux client-e-s qu'illes escroquent. Voyez comment nos honorables député-e-s s'en sortent. Imaginez le reste. Et de toute façon la décision de Marois ne sera pas acceptée, elle devra reculer. Le PQ lui-même n'est pas réellement un parti de gauche. Et il fait face à deux partis de droite ami-e-s des possédant-e-s.
Tant mieux toutefois si plusieurs riches acceptent simplement, et volontiers, de faire leur « juste part », par une sorte d'humanisme et de sollicitude toute aristocratique. Peut-être que ces derniers/ères accepteront un jour de vivre en anarchie[1].
Cela dit, je trouve que la tournure des évènements est passablement marrante. Les éditorialistes de droite, les leaders d'opinion bourgeois et plusieurs des possédant-e-s eux-mêmes couinent comme des loups pris dans un piège à pattes. C'est le scandale du siècle. Non, du millénaire.
Certains arguments - les mêmes qui servent toujours à justifier le mode de vie des riches - sont particulièrement populaires. On parle avec admiration du travail de ces fiers self-made men et on l'oppose en sous-entendu avec la fainéantise du pauvre. On parle de la générosité - bien involontaire - de cette classe qui, comme un choeur de magicien-ne-s, fait sortir les richesses d'un chapeau et accepte d'en laisser gracieusement une partie aux cochons avides et ingrats que nous sommes. J'ai aussi lu et relu encore ce fameux « On est 3%, on paie 30% d'impôts ». Terrible, n'est-ce pas.
L'ironie est exceptionnelle. Eux qui nous traitaient de plaignards, d'enfants gâtés, de fainéant-e-s. Et certain-e-s qui prétendaient que la hausse des frais de scolarité était en fait un gain pour les étudiant-e-s les plus défavorisé-e-s et que c'était en fait progressiste comme mesure, contre-intuitivement, parce que les pauvres n'avaient pas à payer pour l'éducation des riches, et que la hausse permettait aux étudiant-e-s riches de payer pour l'aide financière des pauvres. Si ces prétentions étaient vraies, l'ajout de paliers d'imposition s'inscrit tout à fait dans cette lignée, non? De quoi Alain Dubuc se plaint-il donc? Surtout qu'il propose maintenant de rendre la taxe santé... progressive. Hostie d'épais.
Pratte va plus loin en disant que les riches paient déjà plus que leur part, sachant très bien que le retour du balancier de la juste part lui arrive dans la gueule avec la vélocité d'un TGV. Ses arguments sont tellement simplistes et sa panique tellement manifeste que je m'en explose la rate à chaque trois mots. En ce qui concerne la fameuse démocratie à 32% qui est en voie de devenir une expression fort populaire, je ferais remarquer aux auteurs de cette expression, ces espèces de parasites de l'intellectualisme, que Marois et Charest ont eu respectivement la victoire aussi médiocre que semblable: 24% de l'électorat. Et quand bien même auraient-illes eu chacun-e 80%! Qu'est-ce qu'on s'en crisse.
La misère
Je tiens à dire que ce phénomène étrange de la misère de riches date de longtemps. Aux alentours de 2150 AEC, Ipou-Our, scribe et ancêtre d'André Pratte, se lamentait sur le sort de l'Égypte pharaonique, attaquée de toutes part, sans doute, par des crottés, des socialistes, des fauteurs de trouble, des anarchistes, etc. Voici ce qu'il disait:
« Voyez, celui qui ne pouvait construire pour lui une barque est propriétaire de bateaux,
celui qui en avait les regarde : ils ne sont plus à lui.
Voyez, celui qui ignorait la cithare possède une harpe
Voyez, la femme qui mirait son visage dans l'eau possède un miroir de bronze.
Toute bonne chose a disparu! [...] »
« […] l’âge d’or sera oublié.
Règneront la violence, le crime et le vol […]
La hiérarchie sera détruite, toutes les valeurs seront inversées […] »
C'est fou comme les choses ne changent pas, hein?
Je voudrais aussi poser cette question aux pauvres riches qui se lamentent sur leur sort: c'est quand, la dernière fois que vous avez passé tout un hiver avec des souliers troués? Je sais que vous vous en foutez, parce que vos voitures vous portent en flottant par-dessus les flaques d'eau. Et c'est bien ça le problème. Vous ne comprenez pas ce que c'est.
Personne ne devrait être au-dessus des flaques d'eau.
_________________
[1] Lol.
mercredi 26 septembre 2012
lundi 17 septembre 2012
Ouais, j'ai un compte Twitter maintenant.
Je l'ai créé uniquement pour répondre à J-R Sansfaçon. J'ai ensuite pris la décision de le conserver, même si le format me fait un peu chier.
Bref.
Je l'ai créé uniquement pour répondre à J-R Sansfaçon. J'ai ensuite pris la décision de le conserver, même si le format me fait un peu chier.
Bref.
mardi 11 septembre 2012
Anglos et francos.
Suites
aux récentes élections, j'ai eu une réaction assez forte vis-à-vis des
commentaires et évènements entourant l'attaque terroriste de Richard Bain. Je
croyais alors avoir compris ce qui se passait. Premièrement, la responsabilité
du projet du PQ de réformer la loi 101 et ainsi de priver plusieurs
immigrant-e-s de leurs droits jusqu'à ce qu'illes aient appris le français, et
bien sûr plusieurs autres anglophones qui risquent de tomber avec eux dans les
failles du système. Deuxièmement, j'ai accordé une certaine importance à la
campagne de haine et de peur des médias anglo-canadiens contre les séparatistes
racistes et leur représentation d'un Québec qui serait génétiquement
raciste et retardé.
Après
deux jours, j'avais déjà changé d'idée. Je considérais alors les articles
publiés dans les médias anglophones comme des exceptions. Des exceptions
récupérées par beaucoup de nationalistes québécois-es, et justifiant la
réciproque. Vous vous souvenez peut-être combien de semaines nous avons passé
à chiâler contre les conneries de Barbara Kay et de Jane Wong. Je lis parfois
le Globe and Mail et La Gazette, et il y a dans ces quotidiens, vraiment,
beaucoup de journalistes et éditorialistes qui étendent plus de mensonges que
d'encre. Mais est-ce différent dans la presse francophone? Je n'en ai pas la
moindre idée. Et quelle est exactement la proportion d'articles qui peuvent
être décrits comme du Québec bashing dans la presse anglo?
Alors,
qu'est-ce qui a pu exciter à ce point le meurtrier, qui avait pourtant toujours
été amical avec la population francophone de son village? Le seul programme du
PQ? Je ne savais pas.
En
fin de semaine, j'ai assisté à un mariage, qui ironiquement célébrait l'union
entre un francophone et une Britannique. J'ai trouvé que la puissance de ce
symbole, quatre jours après les élections, était assez manifeste. Au cours du
repas, j'ai aussi eu l'occasion de parler de ce sujet à deux ami-e-s dont la
culture dominante est anglo-québécoise. Illes sont devenu-e-s assez loquaces
quand illes ont finalement compris que je n'ai rien à faire du nationalisme. Et
si leurs paroles ne m'ont pas du tout aidé à comprendre - c'était à peu près
juste des généralisations maladroites - ça m'a fait du moins comprendre pourquoi je
n'arrive pas à comprendre.
Au
cours des dernières décennies, les francos et anglos se sont lancés des
insultes, croyant débiter là des vérités absolues. Et pourtant, tout ce qu'il y
a d'absolu, c'est la clarté réfléchissante des hosties de miroirs qu'ils
invectivent en fait. Les accusations sont à peu près les mêmes de chaque côté:
racisme, xénophobie, oppression linguistique, etc. Plusieurs nationalistes
francos se plaignent de ne pouvoir être servis ni travailler en français dans
leur propre pays, alors que plusieurs anglos prétendent qu'ils sont une
minorité opprimée. Mais personne ne reconnaît que les deux communautés sont
coupables d'actes de coercition. De même que la loi 101 en force plusieurs à
apprendre le français, l'industrie, elle, en force d'autres à travailler ou à
subir un service en anglais. Dans cette
situation, il n'est pas question de «liberté de choisir». Et puis l'absence de
respect mutuel comme de communication à l'intérieur de cette foutue province
fait que les deux communautés comprennent l'Autre à travers ce qu'elles
connaissent déjà: elles leur attribuent les caractéristiques qu'elles haïssent
chez elles-mêmes.
Ces
gens qui accusent les francos d'être racistes et retardé-e-s ignorent de fait
que les crimes haineux sont de loin en-deçà de la moyenne canadienne, au
Québec. Après tout, accuser les autres de racisme est une excellente manière de
cacher notre propre peur immonde et notre mépris pour l'étranger et
l'anticonformisme! Chez plusieurs Québécois-es nationalistes, la peur de mourir
en tant que nation est aussi une manière très commode d'oublier que l'anglais,
en tant que langue maternelle, décroît au Québec. La culture historique
anglophone de Montréal disparaîtra certainement avant la nation québécoise.
Partout
où je vois qu'il devrait y avoir du respect et de l'amour, il y a de la haine
et de la coercition. Oui, les gens devraient être libres de choisir. Mais ils
devraient aussi savoir ce que le respect signifie. Le respect gagne où la loi
échoue.
Et ne
marchez pas sur les jeunes pousses, c'est notre avenir.
Anglos and Frenchies
At the end of the recent election, I
had a very strong reaction to what happened with the terrorist attack in the
middle of the victorious Marois speech. Then, I thought I knew why it did happen.
First, I did believe in the responsability of the PQ's project to reform the
bill 101 and deprive many immigrants from rights until they learn French, with
some English-speakers who would fall into the system's failures. Second:
English Canadian media's campaign of hatred and fear against racist
separatists or often their picturing of a Québec that is genetically
racist and retarded.
After two days, I changed my mind. I
considered that the contemptuous articles published by English newspapers were
or could be exceptions. Exceptions that were seen as rules by many Québec
nationalists, justifying their means. You may remember how many weeks we talked
about Barbara Kay's[1] and Jane Wong's bullshit. I sometimes read the Globe
And Mail and The Gazette, and there really are journalists and
columnists in these newspapers that spread more lies than ink. But is it
different in La Presse, or the Journal de Montréal? I did not
have any scientific clue. What exact proportion of the articles can be depicted
as Québec bashing?
Then, what excited Richard Bain, who
had always been friendly with the French-speaking population of the town he was
living in? The PQ program alone? I did not think so. But last week-end, I was in a
wedding, ironically celebrating the union between a french-speaker and a
British immigrant. I found that the symbolic meaning of this wedding was
powerful. During supper, I also had the occasion to talk with two friends that
shared a dominant English-Quebecer culture. They were reluctant at first to
talk about this subject but when they understood that I did not care about
nationalism, they got very loquacious. And what I heard from them - mostly
clumsy generalizations as we hear on the radio - made me understand why I do not understand.
For the last decades, the
English-speaking and French-speaking populations have only shouted insults at
each other, thinking there were telling the crystal-clear truth. According to
me one thing has always been crystal clear: the fucking mirror they are
shouting at. The accusations are basically the same: racism, xenophobia, linguistic
oppression, etc. Some French-speaking nationalists complain that many can't be
served or work in French in their own country, while some English-speaker
federalists say they are an oppressed minority. But nobody recognize that both
communities are guilty of a certain kind of coercion. As bill 101 forces French
into immigrants and anglophones tongues, industry forces English into workers
and customers throats. In this situation, there never is a "freedom of
choice". Thus, the lack of mutual respect and communication within this
province makes people of both communities understanding the other
through what they already know: they give them the characteristics that they
hate in themselves.
Those people accusing French of
being racist and retarded ignore that the crimes related to hatred are still
way lower in Québec than in ROC. For accusing others of being racist is a good
way of hiding our own great fear and contempt for strangers and
non-conformists. On the Québécois nationalist side, the fear of dying as a
nation is a convenient way to forget that English as a first language is
decreasing in Québec's demography. The historic English culture of Montréal
will certainly disappear before the Québécois nation.
What I see now is that where there
should only be respect and love, there is hatred and coercion. Yes, people
should be free to choose. But they should also understand what respect is. Respect
wins where laws fail.
Do not stamp on small shoots. These
are our future.
_____________
[1] Barbara Kay recently published a
book (Unworthy creature) in which she's happy to denounce other cultures
as barbaric. This may not be obvious when you read it, but I swear that in a
small panel in the Excentris, last spring, she and her co-author (who appeared
in "Ces
crimes sans honneur") admitted that this was the real goal of all this.
mardi 4 septembre 2012
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