lundi 15 octobre 2012

Mme Stéfanie Trudeau et les pédophiles

C'est une prétention d'animateurs de CHOI Radio X de croire qu'on la traite moins bien que des pédophiles. Dans le contexte, même après que des preuves assez déroutantes aient pointé du doigt la force policière, une certaine droite radicale continue de défendre la loi et l'ordre au-delà de tout droit élémentaire à l'existence.

Stéfanie Trudeau devient soudainement la victime de l'heure à protéger. Dans des tirades remplies de contradictions et de cris stridents, les défenseurs de la policière attaquent une gauche qu'elle prétend être (trop) acharnée sur son cas. Si je condamne totalement les insultes sexistes dont fait actuellement l'objet l'agente - ce n'est d'ailleurs pas exclusif aux « gauchistes » puisque Dominic Maurais, aussi de Radio X, a sous-entendu que Mme Trudeau avait peut-être une vie amoureuse décevante[1] - je pense cependant qu'il est normal qu'une personne reconnue comme oppressive passe un mauvais quart d'heure, étant donné surtout que l'individu en question n'a pas été renvoyé de son poste, mais seulement suspendu. La première étape en vue de sortir d'un cycle d'oppression, c'est d'identifier les sources d'oppression comme telles et que cette dénonciation soit généralisée.

Maintenant, est-ce que Mme Stéfanie Trudeau est « moins bien traitée qu'un pédophile »? La figure du pédophile est devenue au cours des dernières années l'ennemi absolu du bien. Les populistes n'hésitent pas à dépeindre leurs adversaires politiques comme des allié-e-s de pédophiles, ou à faire l'amalgame entre pédophiles et d'autres abuseurs/euses. C'est le cas notamment, sans surprises, du Journal de Montréal[2] et de Radio X, dans l'extrait mentionné en début d'article. Il semble en fait ne subsister plus que cette menace sur la famille canayenne, la faim et la violence ayant été réglées depuis des siècles.

Une fois (enfin!) qu'un-e abuseur/euse d'enfants est identifié-e et/ou condamné par le public, il se met en place un système très efficace d'exclusion et tout dépendant de la gravité du méfait, l'agresseur-e peut faire de la prison. Le/la pédophile ne trouve personne pour le/la défendre en public et je ne crois pas qu'on entendra un jour une personnalité publique dire « c'est assez! » devant l'intimidation et de l'humiliation publique que les condamné-e-s pour abus sexuels pourraient subir. C'est en pensant à eux, d'ailleurs, qu'une masse ahurie de crétin-e-s hystériques souhaitent voir la peine de mort rétablie au Canada.

Mme Trudeau n'a pas perdu son emploi. Dans le pire des cas, elle passera quelques mois à classer des dossiers bien au chaud dans un bureau. Elle n'est pas en prison. Elle ne fait pas face au dégoût profond et à la répulsion absolue que le public entretient vis-à-vis de la pédophilie. Elle ne fait même pas face à des accusations au criminel. Pourtant, si son caractère agressif et ses nombreuses voies de faits commises ne font pas d'elle une pédophile, ses méfaits la classent certainement dans la même catégorie que n'importe quel malfrat, bandit ou maquereau. Et on ne dit pas de ces derniers qu'ils ont en fait simplement besoin d'un psy.

Des animateurs de la radio poubelle accusent la gauche en général, et Laurent Paquin surtout, de vouloir intimider Mme Trudeau. Peut-être devraient-ils relativiser. Il s'agit non pas d'un acte coercitif contre la policière, mais bien un acte de défense, au même titre que la réaction d'un écolier bousculé par des bullies.


Il ne faudrait pas non plus penser que les insultes contre l'agente 728 sont une réaction violente de membres de groupuscules antipolice. J'y vois plutôt l'inverse. Isoler Mme Trudeau du reste de ses collègues, comme Breivic a été isolé de l'extrême-droite européenne, est une manière très commode de nier une certaine parenté d'idées. Mme Trudeau est un bouc-émissaire. Mais pas seulement chez la droite à la Dominic Maurais. C'est aussi le bouc-émissaire des braves gens bien intentionnés, qui encouragent généralement la police en disant qu'elle fait bien son travail, et dans d'autres circonstances reconnaissent l'existence de cas isolés. Sans comprendre que si on trouve autant de pommes pourrites, c'est parce qu'on les ramasse dans la bouette deux mois après la fin de la saison.



Il y a sans doute une autre chose qui motive autant d'insultes envers Mme Trudeau: le sentiment de trahison. Beaucoup de mes ami-e-s m'ont parlé de l'agente 728, récemment. À peu près aucun-e d'entre eux n'étaient des activistes antiautoritaires. Quand j'en ai parlé à des ami-e-s anarchistes, la conversation est tout de suite allée du côté des insultes sexistes. Ça s'explique: les gens qui ont réagi le plus sont ceux qui se sont sentis trahis par une police qu'ils croient encore destinée à protéger et servir le public, malgré le printemps érable. Je ne pense pas faire de l'analyse de profondeur: ça revient sans cesse dans les réactions sur Twitter, Cyberpresse, Facebook, etc. Ce sont ces gens-là qui en veulent le plus à Mme Trudeau, parce qu'elle leur a enlevé (temporairement) leur sentiment de confort et de confiance. Ou peut-être seulement parce qu'elle s'est fait prendre.

Ce sont les pires pro-police qui frappent aussi fort sur Mme Trudeau.

Une fois que Mme Trudeau sera punie, sans doute d'un petit coup de règle sur les doigts, il n'y aura rien de changé. Les flics continueront de frapper des manifestant-e-s, de procéder à du profilage racial ou social, de partir dans des croisades épiques contre des sorcières anarchistes ou communistes. Vous étiez étonné-e-s d'apprendre que le monde politique québécois est gangréné par la corruption? Attendez voir qu'on touche à la police. Une décennie de témoignages ne suffirait pas à documenter les exactions du plus grand gang criminel d'Amérique du Nord, valet d'un État mafieux auquel on donne bien plus que 3%.
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[1] « Elle peut peut-être aussi se pogner un chum aussi [...] » Source. Vers 1min30. Il essaie ensuite de se reprendre maladroitement.
[2] Ne trouvant plus la fameuse « carte des pédophiles », je vous renvoie à un article de Rima Elkouri. En passant il existe une différence assez notable entre éphébophilie et pédophilie, même si dans les deux cas, l'abus peut exister. Rappelons par ailleurs que l'âge de consentement est de 16 ans au Canada et donc que toute relation érotique entre mineur-e-s et adultes n'est pas systématiquement punie par le code criminel.

6 commentaires:

  1. Il y a ça et aussi le fait que c'est le bon peuple qui fait fonctionner ce système.

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  2. Qui fera tout en son pouvoir pour protégé Mme Trudeau?????? Le syndicat............on tourne en rond

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  3. Il y a des organismes de défense de patron-ne-s et de gardien-ne-s de prison aussi. Ce n'est pas parce que quelque chose s'appelle un syndicat que sa mission est nécessairement de défendre le faible contre le fort.

    Par ailleurs, c'est pas moi qui défendrai le corporatisme syndical ici. Je l'ai au contraire attaqué à plusieurs reprises.

    Donc non, "on ne tourne pas en rond". Vous avez trouvé cet argument tout seul?

    Vous ressemblez à un bon petit perroquet de la radio-facho.

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    1. Il y a plus que la gauche et la droite.
      Citation ''Vous ressemblez à un bon petit perroquet de la radio-facho.'' Franchement,catégoriser de cette façon.
      Est-ce que l'on a le droit de penser autrement. Je crois que oui en effet 728 est allée trop loin puisqu'elle est policière. Mais de ruiner sa vie pour autant, de la riduculiser de faire une chanson très méprisante?

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    2. Vous avez tout à fait le droit de penser autrement, mais des commentaires comme celui qui est enregistré par le premier anonyme est formaté. Cette réfutation très pauvre a été répétée à plusieurs reprises par des animateurs de la talk-radio populiste, avec une formulation presque identique. Hasard? Possible.

      Dans le cas contraire, il ne s'agit pas de "penser autrement", mais de singer. Par ailleurs, vous avez droit à vos opinions, mais cet argument de pouvoir "penser autrement" ne devrait pas me forcer à répondre poliment à toutes les absurdités du monde.

      Par ailleurs, vous noterez que je n'ai pas catégorisé: j'ai fait un rapprochement entre un perroquet et l'autre intervenant.

      Et c'est pas moi qui ai écrit de chanson poche contre Mme Trudeau. Et puis je pense que l'objectif était de la neutraliser en tant que menace en la dénonçant publiquement, par l'humour ou par d'autres moyens, et non de ruiner sa vie. En ce qui me concerne, je ne crois pas être allé trop loin.

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