vendredi 25 janvier 2013

À propos d'un débat autour des libertarien-ne-s

Il y a un mini-buzz actuellement autour de l'émission La Cour du roi Pataud, diffusée le jeudi sur le site web des Douteux, et qui présente des débats politiques d'une heure. Cette semaine, Marc-André Cyr (chargé de cours à l'UQAM et blogueur au Voir) et Émilie Jolie (du très sous-estimé Couac!) affrontaient Arielle Grenier et Éric Duhaime. Le sujet: libertarianisme vs anarchisme.

Quasiment la moitié des blogues anarchistes de ma blogoliste diffusent le vidéo. Mais franchement, je n'ai pas été impressionné. Ce type de débats est sans doute la première raison qui me pousse à écrire plutôt que de débattre en public, avec un micro, en prenant des notes et en montant le ton pour couvrir la voix de mes adversaires. Franchement, ce genre de foutoir me fait chier, et c'est pourquoi il ne me serait jamais venu à l'idée de remplacer Marc-André ou Émilie. Cela dit, je m'étonne toujours dans ce genre de discussions qu'on parle si peu des féroces forces qui, il me semble, dévorent réellement nos chances de s'émanciper.

C'est la question du rapport à l'État qui a dominé à travers ce débat pas très poli. Là-dessus, plusieurs questions sont restées en suspens: comment, en effet, distribuer les ressources en situation d'anarchie. Comment remplacer le système de protection étatique par un système de protection basé sur le volontariat, mais sans que ce soit de la charité - concept exécrable s'il en est. Les réponses sont multiples, mais on en a peu évoqué. Et là est une des difficultés gigantesques de parler d'anarchie à des gens tels que Duhaime et Grenier: difficile pour eux d'embrasser avec leur peu d'imagination un modèle fondamentalement différent, ou plutôt, la cohabitation de plusieurs modèles différents. Car certaines personnes ont leurs horizons mentaux bloqués. La tendance des gouvernant-e-s «révolutionnaires» à émuler à la perfection le régime qu'ils ont autrefois combattu en est un excellent signe.

Aussi, il fallait que le débat tourne autour de visions simplistes de la gauche et de la droite, dans un cadre théorique et thématique imposé par Duhaime, malgré le fait que son duo avec Arielle Grenier n'a absolument pas été en mesure de passer à l'offensive pendant l'heure entière. Et c'est ce qui m'a déplu: on a encore mis de côté les questions de fond.

Ce que j'admire du discours féministe radical, c'est de pouvoir s'attaquer entre autres à l'abstraction la plus violente: des traits culturels profondément enracinés et nocifs. Dans la théorie de l'anarchisme, j'observe trop souvent des tentatives d'évitement de ce genre de discussions: ce qui fait que je me retrouve le plus souvent à confondre les rhétoriques simplement marxistes et les discours franchement libertaires. Et pourtant! L'école, le travail, le conformisme! Pourquoi en parle-t-on si peu? On en a toujours que contre les lois et l'argent.

A contrario - et c'est assez singulier, parce que c'est pas mon genre - c'est réellement quand j'entends ou que je lis des intellos plus «modéré-e-s», voire réfos (Chomsky, Baillargeon et Foucault, par exemple) que je parviens généralement à identifier nos problèmes réels, qui transcendent notre rapport à l'État, au capitalisme et à toutes les autres grandes structures visibles: il y a clairement quelque chose de pourri en nous. Notre rapport à l'autorité et à la liberté (qui sont RÉELLEMENT opposés, quoique pourraient en dire certain-e-s libertarien-ne-s) ne se limite pas à ce qu'on pense de l'État. Et c'est d'ailleurs pourquoi j'ai été relativement interloqué par les attaques du duo Cyr-Joli. J'ai eu l'impression qu'on a eu recours à plusieurs reprises au sophisme de l'homme de paille.

En ce qui me concerne, je pense que Duhaime et Grenier détestent sincèrement l'État et la bureaucratie, avec toutes les contradictions que cela entraîne. Je n'ai pas de difficulté à croire, non plus, Duhaime quand il affirme qu'il a déjà dénoncé la brutalité policière, en tant que libertarien. Grenier sur ce dernier sujet? Sais pas.

Mais peu importe leur haine de l'État, illes restent selon moi des autoritaires. Illes l'ont prouvé de diverses façons au cours de la dernière année mais aussi au cours de l'émission. Le recours au travail comme valeur suprême est un excellent cas de figure, comme les références au mérite et la foi dans le prétendu «libre-contrat», un élément heureusement repéré par les équipiers/ères anars. Plus généralement, j'ai entendu Duhaime et/ou(?) sa gang de minables faire l'apologie de l'autorité traditionnelle et déplorer sa prétendue déconstruction au cours des dernières années (alors que j'observe, moi, à travers le retour des uniformes et du vouvoiement à l'école, un retour en force de cette autorité nauséabonde). Et il est évident qu'il y a aussi une forte contradiction entre la xénophobie paranoïaque de Duhaime face aux immigrant-e-s issus de pays musulman-e-s et les libertés individuelles. On n'a pas non plus relevé la contradiction sur les impôts et les fonctions régaliennes de l'État: si les riches peuvent refuser de payer pour les soins de santé des pauvres, pourquoi les pauvres devraient-illes payer pour protéger le produit d'un vol[1]?

Les autres ténors québécois de la pensée « libertarienne », surtout présent-e-s à la radio, sont encore pires. Réjean Breton, aristoraciste à l'insupportable voix patricienne, gagnerait entre autres à être dénoncé ou du moins, déconstruit et décrédibilisé.

Et il n'y a de toute façon pas que l'État et le capitalisme qui méritent d'être jetés à terre. L'oppression pourrait facilement leur survivre.

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[1] « Voleurs, défendez votre bien! Ce n'est pas à nous de le faire. »

18 commentaires:

  1. Les anarchistes et les libertariens sont deux nations distinctes qui devrait apprendre à vivre séparément avec leur propre aliénation respective dans l'attente qu'ils deviennent de véritable catholique et ainsi se réunir dans l'amour de Dieu.

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  2. Si une divinité quelconque existe, elle vous a envoyé non pas pour m'apporter la vérité, mais pour mettre ma patience à l'épreuve!

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    1. C'est pour votre bien et sachez que la patience est une vertu.
      Désolé, si je l'affirme ainsi mais vous êtes un peu mon cobaye afin de comprendre un peu vos réactions.

      Pour vous aider à comprendre, ce que j'affirme par votre réaction.

      Est-ce que vous êtes raciste ?

      Je vous pose cette question car selon Wikipedia et ce que j'ai ajouté entre parenthèse, le racisme est:

      " une idéologie, qui partant du postulat de l'existence de races humaines, considère que certaines races sont intrinsèquement supérieures à d'autres. (soit par exemple l'anarchiste versus le libertariens ou dans mon cas le catholique) Cette idéologie peut entraîner une attitude d'hostilité (ou d'impatience ce qui semble être votre cas) ou de sympathie systématique à l'égard d'une catégorie déterminée de personnes (qui partage ou qui ne partage pas la même idéologie que vous). L'hostilité va générer chez la victime de la stigmatisation et de la discrimination (ou encore du rejet, de l'exclusion ou de la censure) qui à son tour va entraîner une auto-stigmatisation et une auto-discrimination proportionnelle. Cette hostilité envers une autre appartenance culturelle et ethnique (ou encore idéologique) se traduit par des formes de xénophobie ou d'ethnocentrisme (ou encore ce que j'appelle de l'idéocentrisme)"

      Qu'en pensez-vous ?

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    2. Je ne pense pas que les anarchistes soient intrinsèquement supérieur-e-s à quiconque. La supériorité est par ailleurs une notion subjective.

      Mais des personnes ayant une parenté idéologique ne constituent pas une race.

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    3. Oui, car ce qui constitue avant tout une race, c'est le sentiment d'appartenance que partage les membres d'un même groupe pour la même culture, la même idéologie, les mêmes croyances et etc. Les gens ne se regroupent pas spontanément sur des différences idéologiques et cela même s'ils ont la même couleur de peau, il doit toujours y avoir un socle commun idéologique qui doit se manifester d'une manière ou d'une autre que se soit par la culture, les mentalités véhiculés, les croyances et etc.

      Alors, oui, vous faites parti de la nation ou de la race anarchiste et cela à votre insu. Dans le catholicisme, l'idée d'associé la race et la religion est déjà omniprésente dans la bible. Et on peut facilement transposé le même principe avec l'anarchisme ou les libertariens, la seule différence c'est le contenu idéologique. La forme demeure la même.

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    4. Vous avez pas rapport. Il est vrai que le racisme a souvent une connotation différente de la race (dans le premier cas on peut en parler dans la situation où on parle d'un groupe ethnique, d'une religion, d'un groupe linguistique autant que du phénotype) mais la signification de la race, elle, ne change pas selon vos humeurs.

      La race a TOUJOURS un lien avec l'hérédité ou la génétique. C'est une question de «sang» et non de goûts.

      Je vous ai parlé souvent de glissement sémantique, qui est au coeur, selon moi, d'une grande partie des illusions que vous entretenez et de votre dogmatisme issu d'un relativisme poussé à l'extrême. Eh bien en voilà un exemple. Une bonne partie de votre philosophie repose sur des jeux de langage et des fausses analogies.

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    5. Vous avez une définition biologique de la race qui englobe en gros la race humaine en entier sans qu'il y est aucune distinction entre les différents groupe d'appartenance.

      Vous devez prendre en considération les séparations sociales et identitaire qu'on retrouve chez les humains, mais qu'on ne retrouve pas chez les animaux d'une même espèce ou d'une même race.

      Le mot "race" au moyen age n'était qu'un synonyme du mot "nation", car l'utilisation du mot "nation" n'est que très récente dans l'histoire au cas où vous ne le sauriez pas. C'est vous qui avez une définition qui corresponde à l'humeur de notre époque. Les anarchistes forment une race ou une nation distincte peu importe le mot que vous préférez utiliser, car ils se regroupe entre eux autant qu'une meute de Loup, mais pas pour des raisons d'appartenance biologique ou sinon une simple transfusion sanguine pourrait faire de nous un anarchiste. Ne faite pas l'erreur d'Hitler de croire que la nation allemande n'est qu'une question d'hérédité comme si la culture et la mentalité allemande était inscrite dans notre code génétique.

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    6. Je ne crois pas au concept de race chez les êtres humains. Mais la définition ne change pas pour autant. Maintenant, les reductio ad Hitlerum, ça suffit.

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    7. La définition de ce qu'est une race a déjà changé et cela en grande parti à cause d'Hitler que vous le vouliez ou non. Ce n'est pas de ma faute, si vous reprenez la définition raciale de Hitler et des juifs. On peut même affirmer sans trop se tromper que c'est Hitler qui a introduit en Occident la notion du droit du sang pour définir la race, alors que ce qui prédominait depuis la soi-disant révolution française, c'est la notion du droit du sol, alors qu'à l'époque de l'ancien régime particulièrement en France, la race n'était même pas défini en fonction du sol et encore moins en fonction du sang et cela à cause de la religion catholique.

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    8. Vous avez une vision réductrice de l'histoire intellectuelle, alors. Hitler n'a rien inventé à ce sujet. Il y a eu plein d'intellectuels avant et après qui ont théorisé le racisme. Cette définition n'est pas sortie du cul des nazis comme ça, au hasard.

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    9. C'est les juifs qui ont inventé la notion du droit du sang, Hitler n'a fait que l'introduire dans la société occidentale avec ses théories, vous devez comprendre qu'avant le déclenchement de la 2e guerre mondial, le monde entier était beaucoup plus sympathique aux idées de Hitler, bien que le personnage fut rejeté par la suite, certaines idées ont survécu, dont la notion du droit du sang.

      Ensuite, on peut très bien être raciste sans adhérer à la notion du droit du sang, vous mélangez tout, car même le Ku Klux Klan au début de sa fondation n'avait pas une définition identitaire de la race sur la base du sang. Pour eux, ce n'était qu'une question de couleur de peau, ce n'est que plus tard avec Hitler qu'ils ont intégré le concept.

      En réalité, je crois que c'est vous qui avez une vision réductrice de la race en l'associant qu'à une conception biologique, alors que pendant des siècles la race avait la même signification que la nation ou du peuple. Le concept de nation est plutôt récent dans l'histoire.

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    10. Bon, les Juifs maintenant.

      Pouvez-vous aller troller quelqu'un d'autre? Il n'y a que moi, dans la blogosphère, qui vous tolère?

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    11. Effectivement, il n'y a pas beaucoup de personne qui me tolère, j'ai été expulsé d'une bonne douzaine de forum de discussion.

      Pardonnez moi, si je suis désagréable, je vais essayer de moins intervenir sur votre blog, mais vous par contre, je vous invite à rejoindre mon forum aussi souvent que vous voulez et invité vos amis anar.

      Voici l'adresse:

      http://eglisenouvellefrance.org/forum/

      Et si vous avez des forums à me suggérer n’hésitez pas.

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  3. "Je ne pense pas que les anarchistes soient intrinsèquement supérieur-e-s à quiconque."

    Il y a des anarcho-fascistes (oui, oui!) qui croient ça, mais en général, ce n'est pas courant chez les anars.

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  4. On dit juste "fascistes", en général, sinon selon moi c'est un oxymore.

    En revanche, je sais que certaines personnes se revendiquent de l'anarcho-nationalisme, ce qui n'est guère mieux sur le plan de la cohérence. Certain-e-s considèrent par exemple que Gobineau était une sorte d'anarchiste de droite (nationaliste). L'affaire avec ça, c'est que ce sont rarement des gens qui connaissent réellement l'anarchisme qui utilisent ces termes. Partout où illes voient une forme de contestation radicale, pour eux c'est de l'anarchie.

    D'ailleurs, j'ai dû renoncer au brun pour ne pas être confondu avec les "national-anarchistes" avec qui je n'ai aucune parenté idéologique. Au départ, je me disais "bof, il n'y a pas de craintes, un anar qui aime le brun, c'est clairement pas connoté, et le brun des fachos c'est plus du beige alors que moi c'est brun marde", mais franchement, à force d'en entendre parler, j'ai laissé tomber ça.

    À moins que tu fasses référence, David, à la personnalité de certains individus? Dans ce cas-là, effectivement, il y a des fachos dans le mouvement anarchiste: des gens autoritaires, sans curiosité ni flexibilité, machistes, et remplis d'un désir de pouvoir.

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  5. J'aime bien votre façon de vous distinguer des fascistes en utilisant l’expression "parenté idéologique". C'est très familiale votre façon de décrire votre groupe d'appartenance ce qui revient à ce que je disais plus haut.

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    1. Mais, non, je met seulement en évidence vos contradictions dans le choix de votre vocabulaire. La parenté fait référence à la famille, après la famille, vous avez le clan ou la tribus, la race ou si vous préférez la nation n'est qu'une famille élargie et c'était ainsi qu'était perçu la race Française sous l'ancien régime où le roi jouait le rôle de la figure paternelle et c'est pour cette raison qu'on disait de lui qu'il était le Roi des Français comme d'un Père et ses enfants.

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