jeudi 7 février 2013

sophisme ordinaire à la radio poubelle

Je viens d'écouter un des extraits les plus pauvres de l'histoire de la radio poubelle sur le plan argumentatif. C'est tellement de la sophistique cheap que l'écoute en vaut réellement la peine. Allez-y, vous allez voir, c'est drôle.

Je vais commenter seulement quelques sophismes et malversations. Analyser l'entière séquence serait interminable.

Le premier sophisme en est un de long haleine et joue sur les glissements de sens. Une tactique populaire chez les tribuns populistes qui comptent sur le manque d'attention de leur auditoire, une attention souvent détournée par un discours émotif.

Les deux animateurs commencent par remettre en question le soutien de la cause par la majorité des étudiant-e-s du Québec. Duhaime affirme:

« L'écrasante majorité des étudiants ne sera pas véritablement représentée. Parce que les étudiants, c'est pas toute des carrés rouges, pis c'est pas toute des syndicalistes des associations étudiantes. [L'écrasante majorité] C'était soit des carrés verts, soit du monde qui voulait finir leurs études pis qu'y en ont rien à foutre de l'activiste syndical [...] ». (vers 2min10)

Dans la phrase suivante, le sens glisse déjà. Duhaime se demande pourquoi les carrés verts n'ont pas de chaise au Sommet, les associant donc subtilement à « ceux qui s'en foutent » pour gonfler virtuellement leur nombre et ainsi augmenter leur légitimité. On pourrait répondre que la clique de Duhaime n'a tout simplement pas à parler pour ceux et celles qui s'en foutent, principalement parce qu'illes s'en foutent! Mais passons.

Ensuite, Duhaime nous sort une statistique de son chapeau:

« Ça nous intéresse pas 70% des étudiants qui étaient contre la grève qu'est-ce qu'y en pensent. (2min45) »

D'où vient cette statistique? En fait ce n'est pas une statistique. Souvenez-vous qu'on matraquait le fait, pendant la grève étudiante, que «seulement 30% des étudiant-e-s étaient en grève», présumant souvent par ailleurs que ceux et celles « qui étaient retourné-e-s sur les bancs d'école » avaient accepté la décision du gouvernement alors que c'était plutôt une question de rapport de force. Les étudiant-e-s ont cédé à l'argumentum baculi! Ça ne signifie pas qu'illes ont changé d'idée. Il faut vraiment avoir des tendances totalitaires pour le croire.

Juste sur le plan de la question de la grève, rappelons aussi qu'au 22 mars 2012, 310 000 (sur 400 000) étudiant-e-s étaient en grève, limitée ou illimitée. Même Quebecor l'a affirmé. Mais on ne peut pas pour autant en conclure que tout ce beau monde était en faveur de la grève, comme on ne peut conclure que les non-grévistes y étaient opposé-e-s unanimement.

C'est le coanimateur de Duhaime qui se rend coupable du glissement final sur le sujet: « On parle que c'est une minorité d'universitaires qui étaient contre la hausse. » (9min09)

Récapitulons. On passe de « une majorité écrasante de gens qui s'en foutent et de carrés verts », à « 70% d'étudiant-e-s contre la grève » pour en arriver à l'assertion finale « une minorité était contre la hausse » en guise de conclusion. Chaque partie du sophisme soutenant la suivante. Mais comment a-t-on pu arriver à cette conclusion à partir des faits énumérés précédemment? C'est ridicule!


***

La discussion se poursuit, l'indignation monte. Les deux co-animateurs reçoivent Germain Belzile (prof à HEC) en entrevue. J'ai déjà parlé de lui il y a longtemps: je l'ai rencontré à un séminaire de l'Institut Fraser. Disons qu'il a l'art des citations stupides[1].

Le sujet de l'opinion des étudiant-e-s sur la hausse revient donc. Selon les trois individus, les associations étudiantes ne représentent pas correctement leurs membres, mais ceux-ci sont forcé-e-s de y appartenir. Belzile cite d'ailleurs l'article 20 de la Déclaration universelle des droits de l'homme:

« 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion et d'association pacifiques.
2. Nul ne peut être obligé de faire partie d'une association. »
 
Belzile se fiche pas mal du premier point (violé par des dispositions de la loi 12, qui provoquait la suspension des droits associatifs dans certains cas), c'est le deuxième qui l'intéresse. Je me permets de faire une parenthèse (encore) car ce n'est pas la première fois que ce sophisme est utilisé pour attaquer les associations étudiantes. Tout d'abord, ce n'est pas le cas partout. Dans plusieurs associations étudiantes, il est possible de se faire rembourser sa cotisation. Il en va de même pour les assurances collectives négociées par les associations facultaires. C'est souvent compliqué (j'aimerais que ce soit plus facile) mais on ne peut affirmer que c'est impossible.


En fait, la formule Rand est souvent utilisée comme prétexte par les grosses assos de centre, centre-droite (comme la FAÉCUM) pour empêcher les assos modulaires (ou des associations facultaires, comme la CALESH vers 2006), trop à gauche et contestataires, de se faire reconnaître.

Par ailleurs, personne n'est forcé d'aller au cégep et à l'université! A contrario, nous sommes tous et toutes associé-e-s de force à une grande institution, sous peine d'expulsion ou de prison: l'État. Et cela contrevient certainement à l'article 20.

_______________

[1] Dans l'extrait choisi, vers 17 min: « Les gens qui ont encouragé ça au printemps passé vont avoir contribué au breakdown de l'ordre public aussi parce que c'est rendu normal et acceptable de casser des vitres, d'endommager des voitures, d'intimider des gens... Je suis catastrophé. »

8 commentaires:

  1. Ce que les verts n'ont pas compris, c'est que le taux de scolarité de ceux qui sont en faveur de la gratuité scolaire est beaucoup plus élevé que ceux qui s'y oppose. Ce qui laisse croire qu'en ayant moins d'éducation, on est plus porté à s'opposer à la gratuité scolaire que lorsqu'on a un niveau de scolarité plus élevé. La position des carrés rouges est concentré que parmi les 35% de la population qui ont un diplôme d'étude postsecondaire, alors que la position des carrés vert est concentré parmi ceux qui n'ont qu'un secondaire 5 et moins, soit le 65% restant. Ce qui est encore plus dramatique, c'est qui si on ajoute la position du gel des frais de scolarité à ceux qui prônent la gratuité scolaire, la portion d'adhésion parmi ceux qui ont un diplôme d'étude postsecondaire augmente encore plus et d'une façon très majoritaire. Cependant, la démocratie ne valorisant que la majorité, c'est la position des verts qui l'emportent, car elle est très majoritairement concentré parmi le 65% de la population qui n'ont qu'un secondaire 5 et moins .

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  2. Vous n'a pas besoin de source, c'est purement logique. Le mouvement étudiant n'a jamais fait la promotion d'une hausse des frais de scolarité à travers ses fédérations étudiantes ou associations, que se soit la FEUQ ou la FECQ. Et le mouvement étudiant a représenté toutes les générations d'étudiants postsecondaire depuis la révolution tranquille, ce qui est un échantillon qui est beaucoup plus fiable qu'un simple sondage. Alors, à partir du moment où la majorité de la population est favorable à la hausse, cette majorité doit obligatoirement être concentré chez la population qui n'a jamais été représenté par les différentes fédérations étudiantes, ce qui signifie qu'ils ont en grande majorité aucun diplôme d'étude postsecondaire. On peut faire le même constat avec la position des professeurs et de leurs syndicats ou associations qui ont toujours été aligné pour la plupart sur la position des fédérations étudiantes, alors qu'ils jouent un rôle de transmission des valeurs aux futur générations d'étudiants postsecondaire.

    Lorsque la FEUQ ou la FECQ fera la promotion d'une hausse des frais de scolarité plutôt que d'un gel, là on pourra croire que le taux de scolarité des verts aura augmenté, mais pour le moment ce n'est pas le cas et cela n'a jamais été le cas à travers l'histoire du mouvement étudiant.

    Je peux bien croire qu'on peut changer d'idée en sortant du cégep ou de l'université et devenir vert, mais pas aussi radicalement et aussi massivement, ensuite si c'était vrai que toutes ces générations d'étudiants postsecondaire aurait changé d'idée en sortant du système scolaire pourquoi pas l'inverse ne se produirait pas avec les étudiants postsecondaire qui sont actuellement vert.

    La tendance historique actuel démontre plutôt une radicalisation du mouvement étudiant, car l'ASSÉ n'a jamais mobilisé autant maintenant qu'à l'époque du MDE ou de son prédécesseur. Si l'ASSÉ représente autant d'étudiant favorable à la gratuité, imagine la part que représente ceux qui revendique un gel, ce qui ne laisse pas grand chose aux verts en fait d'étudiants postsecondaire. Alors, si les verts sont si peu représenté au Cégep et à l'université où sont-ils ? Et bien, ils sont au secondaire et au primaire, tout simplement.

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    2. Ensuite, si on fait une comparaison intergénérationnelle, on sait déjà que le taux de scolarité est plus élevé chez les plus jeunes générations que chez les plus vieilles générations et nous savons également à travers les sondages que les vieux sont moins favorable que les jeunes à la gratuité scolaire et beaucoup plus favorable à une hausse que les jeunes.

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  3. L'amalgame est une technique encore plus répandue:

    http://www.antagoniste.net/2013/02/07/la-democratie-selon-lasse/

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  4. jomarcotte.wordpress.com/2013/02/08/apres-les-ptits-dejeuners-les-diners-vegetaliens/

    Et dire qu'elle est une étudiante...

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    1. Qui? Joanne Marcotte? Elle a pas besoin d'étudier, elle sait déjà tout.

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