samedi 15 juin 2013

La loi du moindre effort



Ma paresse, mon rejet de la culture de l'effort et de la sueur, je la confesse. Je hais souffrir, je hais faire des sacrifices, je hais travailler. Je n'aime que jouir, manger, boire du thé en jasant, dormir.

Une de mes amies les plus géniales (elle se reconnaîtra) a affiché, sur la porte de sa maison: «stay home club», ou quelque chose dans le genre. Quand je la visite, je l'aime encore plus. Rien que pour cela. Ça me fait oublier le fait que je viens de passer 45 minutes dans le métro [1]. Il y a dans ses épisodes un peu pantouflards quelque chose de profondément sage.

La paresse est malheureusement une vertu en voie de disparition. C'est pourtant selon moi le seul véritable stimulateur de ce qu'on appelle parfois le progrès. La technologie a commencé à délirer quand les innovations motivées par la paresse ont été remplacées par des innovations motivées par le profit, et par une rentabilité artificielle.

Regardez nos dévoué-e-s leaders: regardez comme illes sont tous et toutes riches, opulent-e-s, accompli-e-s, prospères. Mais regardez surtout comme illes sont avant tout fatigué-e-s. Quand illes ne le sont pas, illes s'arrangent pour avoir l'air. Une belle bande de con-ne-s, incapables de profiter réellement de leur appartement à 2,5 millions, de leur piscine intérieure, et qui s'intoxiquent aux pesticides sur leurs terrains de golf idiots.

Illes sont contre la paresse, qui joue sur les forces de l'équilibre. On peut - on a - cela dit renversé des pierres grosses comme des autopatrouilles avec des leviers. On a survécu, cultivé en se servant de la simple inertie, du soleil, de la pluie, du compagnonnage. Même dans les régions où on a dû irriguer la terre, un système basé sur la paresse a dominé pendant des millénaires. Notons par exemple le cas du chadouf. Le chadouf, c'est le respect à la lettre de la loi du moindre effort, et c'est pour ça que c'est intelligent.

L'industrie contemporaine joue, quant à elle, sur des forces illogiques et se base sur des valeurs nocives pour l'environnement. La distance parcourue par un bien, l'énergie gaspillée à le produire (incluant l'énergie en terme de travail humain) ne valent absolument rien selon les règles de notre économie. Les solutions les plus simples sont souvent écartées parce qu'elles ne peuvent pas s'intégrer dans un système productiviste hautement standardisé et peu flexible. Nous avons l'impression, certes, que les choses avancent à pleine vitesse, à un tel point que cela nous fait peur. Mais au bout du compte, nous sommes paralysé-e-s. Nous réglons des problèmes, mais ce n'est que pour faire face à des nouveaux problèmes que nous avons cette fois créés de toute pièce[2].

La paresse est la seule solution envisageable à long terme. Il faut toujours chercher à travailler moins fort, à jouir plus, et ne pas, surtout, ne pas rechigner à emprunter des chemins sinueux qui ne mènent peut-être nulle part. Les idées viendront toutes seules à partir de là.

Longue vie à la paresse et à la loi du moindre effort, qui améliorent nos vies depuis bien avant le début de la civilisation.
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[1] Pas que j'aie horreur du métro et des transports publics. Les utiliser, c'est le comble de la paresse. À moins d'être absorbé depuis plusieurs jours dans un livre époustouflant, je ne lis jamais dans le métro, je ne rends jamais le temps passé dans un wagon productif. J'en profite au contraire pour glander, regarder le monde, me chanter des chansons dans ma tête. C'est d'ailleurs un des seuls moments pendant lesquels je ne suis pas rejoignable. Le reste du temps, il y a toujours le téléphone, Internet, le regard d'un patron, etc. Je n'aime pas être dérangé dans mon rienfoutage. Je vous jure, je ferais presque des tours de métro rien que par plaisir de rien fiche.

[2] Il y a des dizaines d'exemples, inutile d'en faire la mention d'un seul. Toutefois, il n'est pas assuré qu'on sache de quoi je parle. Donc je vais raconter une anecdote. Ça se passe dans un pays d'Amérique latine. Des planteurs/euses de café cultivent tranquillement quant tout à coup, des agronomes étrangers/ères proposent de "l'aide humanitaire". Illes offrent leurs conseils afin de rentabiliser leur terre. Illes visitent la plantation et suggèrent aux planteurs/euses d'abattre les arbres qui  en couvrent une partie, afin d'augmenter la surface cultivable. Les planteurs/euses ne se méfient pas, illes coupent. Sauf que les arbres permettaient à certaines espèces d'oiseaux de nicher. Ces oiseaux-là bouffaient les insectes nuisibles. Résultat: la récolte suivante est foutue. Je raconterai pas la suite, mais disons seulement que les agronomes sont revenu-e-s avec une autre proposition. Avec les résultats que ça a partout dans le monde.

5 commentaires:

  1. "Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes " Bossuet

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  2. Réponses
    1. Dieu est vivant et il est en toi.

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    2. Et l'autre dude dans le minibus qui me disait que je ne connaîtrais jamais Allah ni le paradis. Je ne sais plus qui croire.

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    3. Rassurez-vous, Allah est autant une fausse divinité que pouvait l'être Zeus, Aphrodite et Athéna pour les païens des premiers siècles. Le démon a souvent tendance à se travestir en divinité pour tromper les gens, car il aime qu'on soit en adoration devant lui à la place de Dieu.

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