Il y avait un monde fou et la plupart des gens étaient présents pour défendre la diversité et les droits fondamentaux, autant que pour dénoncer les abus du gouvernement Marois dans cette histoire.
J'avais cependant un certain inconfort vis-à-vis de la manifestation contre la Charte des Valeurs organisée à Montréal par le Collectif Québécois contre l'islamophobie. Et ça s'est renforcé: j'ai un plus gros malaise avec les organisateurs maintenant. Je confirme par ailleurs que les organisateurs de la manifestation, en plus d'être définitivement pas des modérés, étaient pratiquement tous des hommes. Qui dirigeait les slogans? Des hommes. Qui surveillait la circulation? Des hommes. Qui prenait visiblement les décisions en observant la foule et en parlant dans leurs I-Phones? Des hommes. Qui traînait la bannière de tête? En très vaste majorité des hommes.
Et parmi les gens qui sont montés dans la statue, à la Place du Canada, pour crier de nouveaux slogans et se faire prendre en photo, il n'y avait encore une fois que des hommes.
La foule en tant que telle était pourtant composée de beaucoup, beaucoup de femmes. À vue de nez, plus de la moitié. Les femmes musulmanes (voilées ou pas) sont souvent venues avec leurs ami-e-s, et parfois toutes seules - il y en avait d'ailleurs quelques-unes de celles-ci dans mon autobus à Rosemont. Elles n'ont pas été traînées là par un méchant patriarche avec des sourcils accusateurs.
Je sais que beaucoup de gens étaient présent-e-s pour dénoncer la xénophobie - et surtout l'islamophobie - du gouvernement. Mais il aurait été agréable que cette manifestation qui touche de plus près les femmes (surtout les femmes musulmanes, quoique les hommes sikhs et juifs soient aussi visés par la Charte) ne soit pas dominée par un leadership masculin. Ça me fatigue un peu, surtout depuis la manif du 8 mars 2012, qui avait été honteusement récupérée par des hommes machistes (dont plusieurs nationalistes sans doute «laïcs» et pour qui «l'égalité hommes-femmes n'est pas négociable»).
Malgré l'attitude des organisateurs - d'ailleurs, il paraît que plusieurs groupes ont bien failli ne pas appuyer la marche à cause d'eux - et les discours pro-religieux et/ou nationalistes auxquels je n'adhère absolument pas, j'ai apprécié la diversité affichée par la foule. Il y avait beaucoup de gens et beaucoup d'idées différentes.
samedi 14 septembre 2013
vendredi 13 septembre 2013
Défi relevé.
Ma nouvelle version:
Trop facile. Presque rien à changer. Essayez vous aussi!
Merci à Sortons les Radios-Poubelles pour la piste.
lundi 9 septembre 2013
La manifestation contre l'expulsion dans les lofts Moreau
Réuni-e-s tout d'abord devant la station de métro Préfontaine, les manifestant-e-s ont marché pendant quelques temps avant de bifurquer rapidement dans l'entrée et la cour arrière d'un ancien commerce désaffecté, qui abritait autrefois la boutique d'un-e fleuriste. L'édifice de la rue Sherbrooke, rapidement occupé, a été déclaré Z.A.D., c'est-à-dire Zone à Défendre. Des bannières ont été déroulées sur le toit.
Bien entendu, le SPVM, qui suivait la marche, n'a pas apprécié. Quelques minutes plus tard, une quinzaine de fourgonnettes surgissaient dans le stationnement de l'épicerie voisine. Ils ont ensuite procédé à un long exercice d'encerclement. Après un court affrontement assez peu violent mais très tendu, les activistes ont finalement abandonné le nouveau squat et repris la rue. Le groupe s'est dispersé quelques temps après.
L'action visait à lutter contre le problème de gentrification qui affecte Hochelaga depuis maintenant plusieurs années. Beaucoup de personnes présentes - et de tous âges - ressentaient un fort sentiment d'attachement envers ce quartier traditionnellement ouvrier et populaire.
Rappelons que les lofts Moreau, situés non loin du Métro Préfontaine, servaient de logements et d'ateliers à de nombreux/ses artistes et locataires. Des gens qui ont été impunément expulsé-e-s à la suite d'une intervention violente (eh oui, violente, avec des coups de matraques et tout!) de la Police de Montréal. Le propriétaire, Vito Papasodaro, qui avait auparavant pratiquement laissé les lieux à l'abandon, souhaite maintenant rénover l'édifice afin que d'autres ménages, plus fortuné-e-s, s'y installent.
Bien entendu, le SPVM, qui suivait la marche, n'a pas apprécié. Quelques minutes plus tard, une quinzaine de fourgonnettes surgissaient dans le stationnement de l'épicerie voisine. Ils ont ensuite procédé à un long exercice d'encerclement. Après un court affrontement assez peu violent mais très tendu, les activistes ont finalement abandonné le nouveau squat et repris la rue. Le groupe s'est dispersé quelques temps après.
L'action visait à lutter contre le problème de gentrification qui affecte Hochelaga depuis maintenant plusieurs années. Beaucoup de personnes présentes - et de tous âges - ressentaient un fort sentiment d'attachement envers ce quartier traditionnellement ouvrier et populaire.
Rappelons que les lofts Moreau, situés non loin du Métro Préfontaine, servaient de logements et d'ateliers à de nombreux/ses artistes et locataires. Des gens qui ont été impunément expulsé-e-s à la suite d'une intervention violente (eh oui, violente, avec des coups de matraques et tout!) de la Police de Montréal. Le propriétaire, Vito Papasodaro, qui avait auparavant pratiquement laissé les lieux à l'abandon, souhaite maintenant rénover l'édifice afin que d'autres ménages, plus fortuné-e-s, s'y installent.
samedi 7 septembre 2013
Sur le voile
Il existe une sorte de binarité dans les arguments concernant le port du voile chez les femmes musulmanes (qu'il s'agisse du hidjab, du niqab, de la burqa, du tchadri, peu importe la terminologie et la réalité culturelle). D'un côté, les anti-voile, qu'illes soient en faveur ou non de la coercition, disent en général que le voile est un symbole de soumission à l'homme. Les femmes musulmanes qui portent le voile et qui décident de s'exprimer sur la question répondent toujours que c'est leur propre choix, que « personne ne le leur a imposé ». Devant la menace du gouvernement, elles répondent par la défense de leur liberté, justement, de porter le voile. De toute façon, c'est pas si pire.
J'ai d'ailleurs déjà entendu une femme musulmane dire que le voile était un embarras bien moins sévère à celui qu'on imposait aux hommes musulmans, c'est-à-dire la réserve absolue vis-à-vis des femmes. Les hommes musulmans devraient en effet « baisser les yeux » devant les femmes, et surtout ne pas daigner croiser leur regard: fixer quelqu'un dans les yeux avait selon la musulmane en question quelque chose d'impudique.
Il est en effet plus facile techniquement de porter un voile que de contrôler parfaitement le sens de notre regard quand celui-ci n'est pas physiquement contraint. Voilà pourquoi d'ailleurs les hommes n'arrivent pas aussi bien à satisfaire les exigences morales et religieuses que les femmes. Et que la plupart essaient sans doute même pas.
Ce genre d'arguments sur la liberté du port du voile n'est pas exclusif aux musulman-e-s. Le même genre de paradigme est présent dans le discours masculiniste nord-américain. Dans un premier temps, il s'agit toujours de renverser les rapports de domination: l'homme, en effet, n'aurait pas réellement de privilège sur la femme au Québec. Il serait plutôt l'esclave de notre société matriarcale [sic]. En conséquence, tous les « prétendus » signes de domination de l'homme sur la femme seraient illusoires. Le sophisme permet de contredire toutes nos justes intuitions et nos questionnements légitimes. C'est comme si un millionnaire, décrit comme tel, se défendait en disant: c'est impossible que je sois riche, car en vérité nous habitons sous une dictature communiste, et que le communisme interdit les riches[1]. Or, il n'y a ici ni régime communiste, ni « matriarcat » qui ait jamais été indépendant de pouvoirs masculins[2].
Malgré tout, sur le fond, je pense que les pro-voile n'ont pas toujours totalement tort. Les musulmanes qui font le choix de porter le voile le font pour diverses raisons, et pas seulement parce qu'elles recevront des claques à la maison si elles ne le font pas. Dans certains pays, il peut être une garantie de sécurité relative, ou à l'inverse, de coquetterie; ou la simple habitude de le porter depuis l'enfance peut rendre pudique à un point où l'inconfort peut être préférable à une sensation de nudité sur sa tête. Il peut même être, dans d'autres situations, l'expression non pas d'une conformité mais d'une forme de rébellion face aux normes et face au « devoir de plaire ». C'est ce que Elsy Fneiche disait en affrontant Denis Lévesque il y a quelques années, lors d'une entrevue que je dois regarder au moins une fois par année, perplexe, même si elle est datée[3].
Il est plus difficile qu'on le croit, pour une jeune femme qui désire être libre, de décider de porter le voile ou non, du moment qu'on y réfléchit longtemps et qu'on arrive à comprendre la logique interne. On fait face à diverses pressions sociales concurrentes: la famille, la communauté culturelle d'attache, l'école, le couple, la Nation, et j'en passe. À défier l'une, on reste avec l'impression désagréable que ce n'est que pour obéir à une autre, et on fait face à des conséquences qui mettent tout autant notre liberté en danger qu'autrefois.
La pression des laïques catholicisant-e-s du Québec s'organise autour du seul argument de l'égalité entre hommes et femmes. Ironiquement, j'entends assez rarement des féministes appuyer l'interdiction du voile dans les institutions publiques[4]. Et la FFQ est contre. Encore plus ironiquement, beaucoup d'islamophobes sont également des antiféministes notoires[5]. Il faudrait que ces gens-là avouent leur réel problème: voir un hidjab, des cheveux boudinés ou une robe africaine colorée, ça agace leur oeil. Comme voir un-e punk dormir sur un boutte de boîte de carton, avec deux chiens, ou une personne défigurée. Ça remet en question l'uniformité chérie sur laquelle illes s'appuient comme sur une béquille.
En ce qui concerne l'argument de la neutralité de l'État, ça me semble dangereux. Comme le dit Khaled El-Hage sur son blogue, l'infirmière n'est pas l'État. Forcer le personnel à ne pas afficher leurs idées ou leur religion est une manière de faire disparaître l'individu derrière les structures de pouvoir. Vous connaissez Eichmann?
Pour le reste, forcer les musulmanes pratiquantes à ôter le voile au travail ne les rendra pas moins religieuses. Celles qui accepteront les nouvelles conditions d'emploi vont quand même continuer de prier et d'avoir des croyances qui peuvent, dans certains cas, nier leurs désirs profonds, en admettant que ce soit cela qui choque réellement les pro-interdiction. Car cet ensemble de pratiques religieuses - quand elles le sont - ressemble selon moi assez souvent à de la servitude volontaire et de l'aliénation, plutôt qu'à une soumission à l'argumentum baculinum. Une aliénation tout à fait semblable à celles qu'on vit dans le cadre de notre mode de vie occidental et libre, et cela inclut les gens non-religieux. Et je ne pense pas que la force est le meilleur moyen de venir à bout de l'aliénation. On ne libère pas par une interdiction (du moins, pas par une interdiction visant le sujet).
Certaines choses, trop présentes, deviennent parfois invisibles[6]. Nous sommes tellement habitué-e-s de voir les femmes évoluer soi-disant librement que nous arrivons parfois à nier les pressions qu'elles subissent et qui sont rappelées quotidiennement par des féministes qu'on préfère d'ailleurs ne pas écouter. Nous sommes persuadé-e-s aussi que le seul modèle alternatif à la « soumission de la femme musulmane » est le mode de vie commun de la « femme occidentale » ou « québécoise », telle que perçue au travers des normes et des représentations.
_____________
[1] Un exemple tiré par les cheveux mais ironiquement inspiré de fait réels.
[2] Les congrégations catholiques féminines en constituent un excellent exemple à échelle institutionnelle. Il suffit par exemple d'observer le rôle tyrannique de Mgr Bourget dans le développement au Québec des Soeurs de Sainte-Anne.
[3]Notez que la femme en question, psychoéducatrice, aide aujourd'hui les ados de familles migrantes à gérer leurs problèmes. Rima Elkouri a écrit un article relativement élogieux sur son oeuvre en 2012. Impossible de garantir qu'Elsy Fneiche tiendrait aujourd'hui exactement (au détail près) le même discours, qui comporte des contradictions.
[4] Bien que je sais que le débat existe et qu'il est public.
[5] Je vais vous référer à ma tête de turc préférée, la radio d'opinion.
[6]Comment se fait-il que notre société de publicité et de relations publiques - et donc, définitivement, de la servitude volontaire - ait paradoxalement tendance préconiser autant les interdictions? Il semble bien que les deux phénomènes se côtoient (c'est le Meilleur des Mondes de Huxley ET 1984 de Orwell!) et s'encouragent mutuellement.
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