mardi 28 juillet 2009

Tuer un homme.

"La meilleure manière de tuer un homme, c'est de le payer à ne rien faire," a dit Félix Leclerc. Cette maxime est reprise à toutes les sauces par les amant-e-s du travail, qui crachent sur l'aide sociale, arguant que la dépression nerveuse, ça n'existe pas, le capitalisme ne faisant que des heureux au sein de notre société Ronald McDonald. Ces demeuré-e-s (il faut ne jamais avoir travaillé pour aimer le travail - ou être stupide) essaient de nous faire croire que le "travail rend libre" toutes les personnes "aptes". (Quant aux invalides, eh bien l'émancipation ne leur sera jamais offerte, tant pis.)

L'aide sociale actuelle force littéralement le ou la bénéficiaire à ne rien faire, et c'est bien ça le noeud du problème. Impossible de faire quoi que ce soit sans trahir sa condition de personne "apte au travail". Pour vraiment mériter le statut d'inapte, il faut être sale, laid, vraiment idiot et de préférence atteint d'une pathologie mentale ou physique. Sinon? Coupure. Retour au montant de base de... 564$ par mois, soit 6800$ par année.[1]

Le résultat: les gens qui ne sont pas en mesure de travailler sont encouragés à ne rien faire du tout. Ni peinture, ni bénévolat, ni musique, ni tricot. En cela, je suis d'accord avec un autre passage de la chanson de Leclerc, qui porte à confusion dans sa syntaxe et qui est peu utilisé par les pères fouetteurs de la société québécoise: "Non je crois que la façon la plus sûre de tuer un homme / C'est de l'empêcher de travailler en lui donnant de l'argent." Dans le sens où interdire à une personne (homme ou femme) de faire quoi que ce soit, tout en lui donnant de l'argent, c'est une belle façon de la transformer en larve mort-vivante.

En revanche

Je trouve que la meilleure façon de libérer un être humain, c'est de le payer... juste sans rien lui demander.

Arbeit macht Frit!
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[1]En ce qui me concerne je vis dans un appart surpeuplé de Saint-Michel avec 10 000$ environ par an, et j'arrive à peine à m'acheter de quoi bouffer. Avec seulement 6800$ par an, je vous l'assure, je tomberais d'inanition. Il faut vraiment être un connard ou une connasse pour dire que les assisté-e-s sociaux sont plus confortables que les contribuables. Je vais vous dire: si vous êtes moins confortable que des "BS aptes au travail", c'est que vous faites un salaire ridicule, que vous ne payez donc pas d'impôts, que les "BS" ne sont pas à votre charge et que leur situation ne vous regarde donc pas.

12 commentaires:

  1. De toute façon, c'est pas parce que Félix Leclerc dit quelque chose que c'est forcément vrai. L'appel à l'autorité, autant en argumentation qu'en répression, est un outil toujours aussi prisé des bien-placéEs. Il faut bien justifier le fait d'asseoir tous ces gens sur des bancs d'écoles après tout.

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  2. Dans ce cas précis, j'ai l'impression qu'on a affaire à une reprise presque générale au sein de la population.

    La phrase de Leclerc en question est cependant plus jolie que sage. C'est une poésie qui a viré en dogme.

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  3. Je suis contre les interdictions. Je pense cependant que les gens qui aiment travailler devraient recevoir une aide psychiatrique.

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  4. Un des noeud du problème est ce rapport avec la productivité et la consommation. Évidement, si tout est compté en tant que forces productives et rapport consommateur, ceux et celles qui ne peuvent/veulent pas participer sont non seulement hors-jeu, mais semblent parasiter le reste.

    L'aide sociale est un cercle vicieux où les gens survivent plus qu'ils ne vivent, ça c'est évident. Mais payer les gens à ne rien faire relève de la science-fiction. Elles vont sortir de où toutes ces ressources? À mon avis, revenir au bon vieux troc (ma force de travail directe contre ta force de travail directe) serai plus efficace.

    J'aime tout ce que le travail m'apporte depuis que je suis consciente qu'ils sont aussi remplacables que je le suis pour eux. Je prends ce dont j'ai besoin et je ne donne rien de plus. En plus je rêve d'être payée pour étudier, pour enseigner. C'est un travail et pourtant j'ai hâte d'être rendue là. Je suis donc stupide d'après toi.

    Je pense que se borner à hair ou éviter le travail dans le monde dans lequel on vit est destructeur pour nous-même. Pourquoi je me ferai chier à vivre sous le seuil de la pauvreté avec tout le stress et les horribles inconvéniants que ça l'apporte quand je peux serrer les dents une coupelle d'heures par semaines pour faire totalement ce que je veux les autres?

    Pendant des années, j'ai pleuré et stressé pour des loyers, je me suis déjà humiliament endettée avec des proches, fait le tour de l'appartement pour trouver des cents pour m'acheter du pain ou des ramens...

    Pu jamais.

    En contrepartie, j'ai déjà aussi sauté sur toutes les heures supplémentaires qu'on m'offrait et j'ai déjà accumulé plusieurs emplois en même temps.

    Pu jamais de ça non plus.

    Je pense aussi que c'est par l'éducation qu'on va s'en sortir.

    Faut tirer notre épingle du jeu et mettre toutes les chances de notre côté. Parce que la société elle, ne nous fait pas de cadeau. Et c'est à l'avantage de la pensée dominante d'avoir des pauvres sous-éduqués qui courrent de salaire minimum à salaire minimum, et ce n'est pas à notre avantage de crever de faim sur le BS.

    Qu'ils aillent chier.

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  5. "L'aide sociale est un cercle vicieux où les gens survivent plus qu'ils ne vivent, ça c'est évident. Mais payer les gens à ne rien faire relève de la science-fiction. Elles vont sortir de où toutes ces ressources? À mon avis, revenir au bon vieux troc (ma force de travail directe contre ta force de travail directe) serai plus efficace."

    Je n'ai pas encore d'idée précise là-dessus, mais il faudra qu'on m'explique comment le troc lui seul (et à l'échelle individuelle) pourra permettre la gestion très complexe de tous les échanges d'une société post-industrielle. Selon moi, pour en arriver là il faudra changer en entier également le mode de production.

    C'est faisable à long terme.

    Mais ça reste selon moi plus un principe ou un idéal qu'autre chose. On peut le comparer à mon propre idéal de l'absence de punition/récompense à la productivité (car c'est cela que j'entendais par "Je trouve que la meilleure façon de libérer un être humain, c'est de le payer... juste sans rien lui demander", et non pas le fait de mettre tout le monde sur le BS) demande une modification dans la psychologie humaine plutôt que dans le matériel.

    Mon utopie n'est pas moins efficace ou moins réaliste que la tienne, de mon point de vue.

    J'ai le malheur d'être un esprit profondément philanthropique (dans le sens où j'aime l'être humain), ce qui fait que j'ai plus confiance en mes ami-e-s qu'en un système quelconque, que ce soit le troc, le coopératisme ou le capitalisme. Vous parlez de science-fiction; eh bien vous êtes tombée sur la bonne personne, puisque j'en écris. Je pense que l'être humain est capable de créer sans avoir à jouer au jeu de la carotte suspendue au bout d'un bâton.

    De toute façon, les systèmes poussent les gens à faire des choses immorales et opposées à leurs propres valeurs, et c'est bien pour cela que j'ai des tendances anarchistes.

    Par ailleurs, je ne veux pas tirer ma subsistance en faisant ce que j'aime, je veux subsister ET faire ce que j'aime. Il faut séparer les deux.

    Je ne te trouve pas stupide. Je te trouverais stupide de manquer des occasions d'agir pour le bien commun ou pour ton propre bien parce que tu as peur d'arriver en retard au bureau. À ce sujet je le reconnais, je suis stupide. D'une stupidité servile.

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  6. "Je pense que se borner à hair ou éviter le travail dans le monde dans lequel on vit est destructeur pour nous-même."

    Je ne suis pas borné à ne pas aimer le travail, je le hais naturellement. Demande pas à un homo d'aimer les femmes; demande-moi pas d'aimer souffrir. Peut-être que je suis de même parce que je m'en demande beaucoup à moi-même quand je me mets à la tâche. Peut-être que c'est parce que je considère que mes intéressants moments de socialisation au bureau ne font pas partie de ce qu'on appelle généralement le "travail". Peut-être que c'est parce que je n'accorde absolument aucune importance à ce qu'on appelle la "récompense".

    En tout cas, je ne me considère pas en voie d'autodestruction. J'ai une relativement bonne santé mentale et physique et je suis, malgré toutes mes récentes tribulations, assez gai.

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  7. Mes positions sur ce genre de sujet semblent souvent être très controversées, mais je me prononce pareil parce que c'est un débat que j'aime.

    Tout d'abord, je trouve dommage que tu n'aimes pas le travail. Ou plutôt que tu le haïsses à ce point. Je ne trouve pas ça stupide ou borné, juste dommage. Parce que premièrement, le travail n'a pas que du mauvais, par exemple dans une job de service à la clientèle où tu peux rencontrer plein de gens intéressants et que, sois d'accord ou pas, je trouve que ça fait bel et bien partie du cadre du travail ; et deuxièmement, encore là je ne sais pas pour toi, mais le travail m'apporte un sens d'appréciation de la récompense qui s'ensuit. J'ai été de longues périodes sans travailler, à subsister sur mes réserves et à mener un style de vie plutôt oisif. Ces périodes ont souvent été les moins productives et "arguably" les plus ennuyeuses de ma vie, et pourtant ceux qui me connaissent conviendront que je sais m'occuper. Je pourrais prendre à témoin quelques amis qui ont été dans une position similaire à la mienne : ceux qui ne travaillaient pas finissaient inévitablement par tomber dans la lassitude et devenir blasés. Ceci dit, certains seront peut-être d'accord pour dire que la vie lasse est très acceptable. Je ne partage tout simplement pas cet avis.

    Le troc ne me semble pas la solution où nous en sommes. Un nouveau modèle économique ne résoudrait rien en essence. Comme tu dis, tout le problème se situe dans la mentalité des gens.

    Ceci dit, caméo sur le sujet des assistés sociaux... Tu sembles mettre dans le même panier ceux qui souffrent de handicaps et ceux qui souffrent de mauvaise volonté. Si c'est le cas, je ne suis pas d'accord. Si ce n'est pas le cas, je t'invite à réexprimer ton opinion. Une personne invalide, donc incapable malgré toute la volonté du monde, d'agir de manière un peu productive, ne devrait pas être obligée de travailler, c'est une question de décence humaine. Ces gens-là ont tout mon appui en termes de financement de leur vie.
    Avis semblable pour, entre autres, les étudiants, simplement parce qu'ils sont un investissement qui mérite d'être chéri. Bien que je ne sois pas souvent en faveur des grèves étudiantes, je conçois l'importance que la société alloue un budget maximal pour ses futurs citoyens et employés.

    Là où j'ai de la difficulté, c'est avec des gens qui ont toutes les capacités, mais qui refusent simplement de travailler, et qui vivent, comme le dit Pwel, de manière parasitique. Pour prendre une analogie facile et vulgaire, je ne permettrais pas qu'un étranger choisisse, au lieu de travailler, de venir habiter chez moi et de prendre ce dont il a besoin dans le frigo. Je ne m'embarquerai pas trop dans des notions de philanthropie, mais je pense que tu comprends où je veux en venir.

    Je ne suis pas d'accord que les gens qui ne sont pas en mesure de travailler sont encouragés à ne rien faire. Je ne vois pas d'où tu tiens cette idée. Beaucoup de gens "invalides" profitent de leur temps libre pour être créatifs.

    Pour finir, parce que je post s,en vient long...
    "Je trouve que la meilleure façon de libérer un être humain, c'est de le payer... juste sans rien lui demander."
    Faux. On peut se serrer les coudes, mais ultimement chacun doit trouver sa propre liberté, sa propre voie, sa propre philosophie, sa propre vie, et bâtir tout ça à sa manière.

    Notre société n'est pas parfaite (quelle le serait ?), mais elle n'est vraiment pas si mal. Et les civilisations les plus glorieuses et les plus capables d'offrir un niveau de vie au moins acceptable et des possibilités réelles pour chacun (et pas seulement des possibilités de labourer son champ à la sueur de son front), je crois bien, ne sont pas celles où existait une aide sociale omniprésente et omniaidante. Au contraire, les peuples qui se sont rendus le plus loin ont souvent été les plus opprimés et les plus "travaillants", au sens torturé du terme.

    Ne peut-on pas simplement trouver un juste milieu, à la fois agréable et productif ?

    Je suis curieux d'avoir des réponses !

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  8. Excellent billet! J'aime la note de bas de billet!

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  9. Encore une fois, Coeus semble confondre l'activité hiérarchique qu'est le "travail" avec les "activités" qui peuvent être enrichissantes!

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  10. "Et c'est à l'avantage de la pensée dominante d'avoir des pauvres sous-éduqués qui courrent de salaire minimum à salaire minimum, et ce n'est pas à notre avantage de crever de faim sur le BS."

    Bien sûr Pwel, mais c'est aussi à l'avantage de la classe dominante de forcer les enfants à se faire laver le cerveau dans des écoles.

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