En tant qu'anarchiste ou quelque chose qui s'en approche, je dois dire au moins une fois par jour que le gouvernement est corrompu: au point où je le balbutie presque la nuit. Mais maintenant que l'on ne peut plus m'accuser d'être trop radical ou cynique, comme plusieurs autres je me trouve dans une drôle de position. Je ne sens plus la nécessité de prendre la parole. Vous remarquerez que j'ai fait un effort immense afin de publier quelque chose sur mon blogue depuis le début du mois: mais tout ce que je pense me paraît non plus contestataire, mais insipide et ordinaire. Je ne suis pas le seul: même Voix de Faits a profité de ce creux pour vendre des t-shirts.
Cela ne me déplaît pas, bien au contraire. Cette identité politique qui prend parfois le pas sur ma personnalité profonde m'a été imposée par le pouvoir. Peut-être, en fin de compte, que ma propre contestation n'est que l'expression d'un nouvel esclavage. Un peu comme Castro qui a enchaîné son peuple à l'État pour le libérer du joug impérialiste. Mon refus de vivre est certes conditionné par l'impossibilité de vivre. Mais ce refus, je le croyais, avait pour objectif de me libérer: à force d'efforts je parviendrais, pensais-je, à vivre autrement, à m'extirper du système, du moins mentalement. J'ai dressé des remparts, mais ce faisant je me suis emmuré.
J'ai fait cette réflexion quand j'ai vu le monde, autour de moi, commencer à voir rouge et à partager (un peu) mon point de vue. Que suis-je donc à présent, sinon un vieux jouet usé? Le pouvoir n'a plus de crédibilité. Des figures contestataires bien mieux raisonnées que moi vont émerger. Je ne sers à rien. Cette inutilité actuelle souligne également mon inutilité et impuissance passées. D'autres anars plus impliqué-e-s et moi n'avons même pas fait trembler les structures: elles ont été ébranlées par des gens qui ne savent même pas comment conjuguer le verbe contester.
...
Mais je suis pas naïf, quand même. La contestation actuelle est une flamme vacillante sur une allumette qui se consume. Il est fort probable que l'histoire de Gérald Tremblay se répète: corruption, crime, puis nettoyage de cerveau, oubli, réélection.
Dans l'Ancien Régime, le renversement d'un tyran sanglant ou débile était suivi du retour ou de l'installation d'un monarque "légitime". Personne ne questionnait le système ni ne réclamait de changements en profondeur: les abus étaient la responsabilité de quelques dirigeants maladroits seulement, incapables de faire marcher convenablement la machine du pouvoir avec tous les formidables instruments dont ils disposaient et qui avaient été envoyés par Dieu.
Cette faible contestation est donc selon moi passagère: des enquêtes publiques avec un mandat réduit mettront au jour des demi-vérités très choquantes, quelques membres d'agences de communication feront du travail communautaire, les politicien-ne-s seront totalement épargné-e-s et quelques mois plus tard, on aura balayé la poussière en-dessous du tapis en élisant un nouveau dictateur "légitime". Et je recommencerai à voir dans la moindre allusion de Richard Martineau une raison pour me révolter.
Il peut en être autrement: la révolte pourrait éclater. Les gens pourraient descendre dans les rues massivement, se faire réprimer, être encore plus en colère et brûler l'Assemblée Nationale ou au moins, une poubelle devant l'Assemblée Nationale. C'est évident que nous finirions par perdre le combat contre les forces de l'ordre, et surtout contre l'amorphisme du peuple, mais la nostalgie nous pousserait à vouloir recommencer bientôt l'expérience.
Quel est notre rôle individuel là-dedans? Je ne sais pas. Peut-être n'avons-nous pas vraiment de rôle à jouer. Mais je me dis que sans doute, il est temps de mettre notre imagination à profit. Une pichenotte sur l'allumette et hop, elle tombe dans la flaque d'huile.
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Attention, tu commence à penser comme un matérialiste. Tu avance dans la mauvaise voie ! MAUDIT COMMUNISTE !
RépondreSupprimerHaha, mais non je taquine. Tu fais très bien, continue dans cette direction camarade. Ton effort cultivé portera fruit.
T'as raison, quand toute la presse révèle la corruption à longueur de pages, il n'y a pas lieu d'en rajouter. La même chose s'était vu avec l'élection à Montréal.
RépondreSupprimerC'est une crise politique. Pas une crise du système. Les gens en ont contre cette clique là. Pas contre le système.
Ce qu'il faudrait, j'imagine, c'est essayer d'en profiter pour montrer pourquoi le capitalisme est radicalement pourri (c'est-à-dire à la racine). Aujourd'hui ce sont les libéraux, demain ce seront les péquistes.
Personnellement, je n'ai pas la haine de Charest au point de vouloir échanger à tout prix quatre trente sous crottés pour une piastre toute neuve. J'haïs aussi Marois. Elle perd rien pour attendre! ;-)
agitateur: je pige rien à la théorie.
RépondreSupprimerNicolas: parvenir à renverser Charest aurait au moins le mérite de montrer à un gouvernant que les gens ont leurs limites. On pourrait bien renverser Marois après si elle se mettait à faire la même chose, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il ne reste plus personne...
Même si tu dis ne rien piger à la théorie, dans ton billet, tu semble en dévoiler certaines miettes. Par exemple, le fait de dire qu'il ne faut pas croire qu'en changeant Charest, on change tout et que hop, ça ira pour le mieux. Tu vas au-delà de ce cadre analytique laid des libéraux et sociaux-démocrates : tu affirme implicitement que c'est tout le système qui faut radicalement transformer, Charest n'était qu'un simple pion.
RépondreSupprimerC'est un excellent début.
Très bon billet en passant (pas que les autres ne soient mauvais).
RépondreSupprimerBonne réflexion, dans le sens que ces «révoltes» populaires sont souvent passagères et mal dirigées. On est toujours en surface, pas à la racine. Ça va avec la théorie des quelques pommes pourrites dans un barril (c'est un barril dans l'expression pas vrai?). Dans le fond on est en présence d'un barril (ou tonneau, on s'en fou) rempli de marde.
Et je ne sais pas si c'est juste moi, mais j'ai bien ri à quelques reprises à la lecture de ton billet. Ça manque cruellement au milieu militant.
"Et je ne sais pas si c'est juste moi, mais j'ai bien ri à quelques reprises à la lecture de ton billet. Ça manque cruellement au milieu militant."
RépondreSupprimerEn vl'à un qui a compris le climat dans lequel j'écris mes billets.
Cela dit, je respecte totalement l'avis des gens qui n'apprécient pas mon humour.
Ben moi j'ai bien aimé «au moins une poubelle» (ou quelque chose comme ça, j'y vais de mémoire)...
RépondreSupprimerJ adore! :) Et on continue...^^
RépondreSupprimerJ en profite quand même pour dire que matérialisme n'égale pas communisme... Hello Agitateur :P
(Je pense que tous vous lire ça me donne envie de revenir...)