samedi 23 mars 2013

22 mars - Nos vies sont minables

Je me souviens de l'immense fête désordonnée du 22 mars 2012. Il y avait plus de jouissance que de colère ce jour-là. Une preuve sans doute que le plaisir est un moyen de pression parmi tant d'autres. J'ai fait plusieurs grèves étudiantes, mais celle de 2012 est la seule pendant laquelle j'ai refusé de faire autre chose que de m'amuser, et je crois pas avoir mal fait, ni avoir été le seul. Les gens se sont mis tous nus, ils ont organisé des assemblées de quartier, et c'est pas faux non plus de dire que les voisin-e-s ont commencé à se parler.

Les observateurs/trices ont appelé cette ça une crise sociale.

Maintenant, les autorités font tout pour écraser ce qui reste de créativité et de contestation. En ajoutant les arrestations de ce soir, on en arrive à peut-être un total de 500 (je dois cette estimation à une gentille personne) depuis le Sommet sur l'Enculation. On mesure depuis l'étendue de notre défaite. Il y a des mécanismes plus imposants que le seul PLQ qui se sont mis en marche pour nous vaincre ; une vague réellement mondiale de conservatisme et d'autoritarisme, et un facteur souvent mis de côté, qui est la perte de légitimité des pouvoirs civils face au pouvoir policier (exemple: Marc Parent vs Guy Hébert). Nous reviendrons peut-être là-dessus prochainement.

Ce soir, le mouvement a été écrasé comme jamais. Il n'y avait aucun prétexte pour arrêter tout ce monde-là. Et pourtant, ça ne fera pas scandale. La police a attendu patiemment d'avoir la légitimité et l'assentiment - ou du moins, l'indifférence - de la population avant d'appliquer "à la lettre" le règlement municipal P-6, qui interdit pratiquement toute manifestation non-autorisée préalablement. Ces arrestations, elles sont carrément souhaitées par une masse de crétin-e-s. Les faiseurs/euses d'opinion tout d'abord, qui relaient entre autres les plaintes des pauvres "commerçant-e-s" (on parle ici des propriétaires des grands hôtels) quand illes n'appellent pas directement à la violence[1], et une bonne partie des braves et honnêtes payeurs/euses de taxes, à qui c'est déjà arrivé au moins une fois d'être pogné-e-s dix minutes dans le trafic ou qui haïssent d'une haine de larbin tout ce qui pousse à gauche d'Éric Duhaime.

Mais ce n'est pas tout: le SPVM ne s'est pas contenté de prendre des manifestant-e-s en souricière, arrêtant gratuitement des gens absolument sans aucune agressivité. Il a nettoyé les rues environnantes, forçant des gens à rentrer dans des commerces, bloquant des portes et séquestrant quasiment des citoyen-ne-s épouvanté-e-s. Il a déclaré tout être humain persona non grata dans les rues d'une partie du centre-ville. Et cela, sans provocation ni méfait. Dans l'indifférence.

Notre défaite la plus manifeste, c'est celle-là. Je regarde l'avant-2012, et je me rends compte qu'on avait plus de droits à cette époque qu'aujourd'hui. Nous l'aurons payée cher, cette période de bourgeonnement que le gouvernement a qualifiée de crise.

Je suis triste et déjà nostalgique de cette ère qui n'a duré que quelques mois et pendant laquelle je me suis senti en même temps libre et menacé. Je la compare à l'épouvantable grisaille de 2013. Nous marchons à nouveau en rang, et gare à celui ou celle dont le jupon trop floconneux dépasserait! Le gouvernement parlait de crise. Eh bien moi, il me semble que c'est ça que j'appelle une crise: être une machine et aller travailler. Être une machine et étudier des trucs moches. Être une machine et être obligé-e d'être une hostie de machine.

Ce que nous avons vécu l'an dernier, ce n'était pas une crise. C'était sortir de la crise. Pour quelques mois.

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[1] Carl Monette, de Radio-X Montréal, sur la manif du 26 février: "Moi j'taurais passé la gratte là-dedans hier."

11 commentaires:

  1. Ce n'est pas l'assentiment - ou du moins, l'indifférence - de la population qui a permis à la police d'agir ainsi, mais l'assentiment ou plutôt l'indifférence des médias de masse qui ont permis à la police d'agir ainsi.

    Vous attaquez la mauvaise cible.

    Connaissez-vous l'adage "Qui ne dit mot consent" et bien transposé cette adage aux médias de masse en disant "Qui ne médiatise pas consent."

    La neutralité journalistique comme je vous l'ai déjà dit cela N'EXISTE PAS car on a toujours une prise de position idéologique quelque part qui est contraire à une autre prise de position idéologique et même en refusant de se prononcer sur une prise de positon par désir d’objectivité ou de neutralité, on favorise automatiquement une position idéologique au détriment d’une autre, car on favorise le statut quo.

    Vous n'avez pas remarqué que les médias ont cessé de couvrir les événements depuis l'élection du PQ. Je me souviens au printemps 2012, RDI faisait du direct tout les soirs pendant les manifs, maintenant il ne diffuse plus rien, c'est le black out total. La population est maintenu dans l'ignorance volontairement et pas seulement sur l'enjeu des étudiants, mais sur plusieurs autres enjeux au niveau internationale.

    Vous devriez savoir cela que ce qui retient le bras du policier, c'est l'attention médiatique et vous l'avez vu à quel point le policier agit avec plus de liberté lorsque les médias sont absent. D'ailleurs, vous savez très bien que si les médias de masse n'avait pas diffusé l'arrestation musclé de l'agent 728 cette policière serait toujours en service actuellement.

    Si vos dernières manifs se serait déroulé devant les tours de radio-canada, je vous assure qu'elle se serait déroulé bien autrement, car radio-canada serait forcé de couvrir l'événement et peut-être même de prendre position en votre faveur.

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  2. Il y avait beaucoup de journalistes présents hier. CBC a quasiment interwievé tout le monde.

    Comme la manif n'a duré que quelques minutes, et que les journalistes sont souvent des poltron-e-s, la couverture a été un peu différente. La prochaine fois, peut-être qu'illes devraient essayer de se faire arrêter pour vrai avec le reste du monde, sans montrer leur carte de presse, et rester à faire le piquet dans le froid de l'hiver pendant trois heures.

    Mais j'ai quand même parlé des faiseurs/euses d'opinion. Donc je ne nie pas l'importance de la couverture médiatique.

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    1. La CBC a peut-être interviewé tout le monde, mais ils n'ont pas diffusé grand chose en fait d'interview.

      Je trouve ironique que vous en soyez rendu à défendre la CBC sous prétexte que les journalistes serait des poltron-e-s. On envoie des journalistes dans des zones de guerre en Syrie où on tire sur les journalistes à bout portant et là vous venez me dire qu'ils ont eu peur. Je pense plutôt que le retrait des journalistes étaient planifié afin de permettre justement à la police d'agir en toute liberté.

      Sachez aussi que Power Corp et Québécor ne finance pas les changements sociaux que vous souhaitez, ce n'est pas dans leurs intérêts $$$.

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    2. Tous les reporters ne sont pas des journalistes de guerre.

      Par ailleurs je ne défends pas, je nuance.

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    3. Ils ont des journalistes de guerre de disponible pour envoyer à l'autre bout du monde et vous venez me dire qu'ils n'auraient rien de disponible pour chez eux, alors qu'une simple manif étudiante est très loin d'une guerre.

      Tu nuance un peu trop mal.

      Je t'assure que l'attitude des médias de masse est indéfendable et je le répète encore une fois Power Corp et Québécor ne finance pas la cause étudiante.

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  3. «Il me semble que c'est ça que j'appelle une crise: être une machine et aller travailler. Être une machine et étudier des trucs moches. Être une machine et être obligé-e d'être une hostie de machine.»

    Mais alors que voulez-vous, sinon travailler?

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  4. L'abolition du travail, soit. Mais vous dites aussi étudier des trucs moches. Tous les trucs sont moches? Au diable l'acquisition des connaissances? Si le travail est aboli, pardonnez mon manque de connaissance par rapport à votre vision, mais comment la société s'organise-t-elle? On rase toute? On devient amish? Je sais pas, là, je ne demande qu'à comprendre.

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    2. Quant aux connaissances: eh bien non, elles ne sont pas toutes moches. Mais l'école réussit des miracles en transformant systématiquement la beauté en vomissure et l'émancipation en prison.

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    3. Désolé, Blogger m'a trahi. Vous pouvez lire mon dernier billet, je vous réponds directement.

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