mercredi 24 septembre 2008

Stephen Harper, notre chef.

La présence d'un « leader » fort est un des éléments clefs de la campagne conservatrice. Les élites sont persuadées qu’une société de gens instruits a encore besoin d’un chef qui soit surhumainement fort, qui soit un héros altier et un commandant féroce ; on a besoin, disent-elles, d’un chef à la poigne de fer. Le premier ministre, bref, doit être le plus fier, le plus brillant d’entre tous et toutes : c’est le principe de l’aristocratie (le préfixe « aristo » signifie « le meilleur ») élue au suffrage, mais une aristocratie quand même, qui, déjà initiée aux sphères du pouvoir, n’aura pas de difficulté à s’y maintenir.

La recherche d'un chef puissant, d'un commandant couillu n'est selon moi que le symptôme d'une peur irrationnelle ou d'un manque de sens des responsabilités. Que le chef soit imaginaire (la main magique du marché capitaliste, par exemple) ou réel, le fait d'être dirigé par un demi-dieu est rassurant pour une population qui n'a jamais fait autre chose qu'obéir.

Le discours de la recherche du chef est très présent dans les États-Nations. On cherche un chef qui mettra fin à la guerre civile et à la misère noire en Haïti, on cherche un chef qui réunifira les clans en Afghanistan, et ici, on cherche un nouveau René Lévesque qui régnera par consensus et qui se saignera en martyr de notre division. Ce messianisme est une maladie mentale courante dans notre société, et elle atteint même les politologues de gauche comme Josée Legault, qui à Christiane Charette le 11 janvier dernier, avait parlé du déplaisir qu'elle ressentait de ne pas voir l'avènement miraculeux au Québec et aux États-Unis d’UN seul Homme d’État, d’UN dirigeant charismatique qui allait tout régler.

Stephen Harper, en dénonçant la faiblesse de Dion comme leader, et en se présentant lui-même comme un premier ministre fort qui écarte de nous tout danger et tout progrès social, joue sur notre désordre psychologique pour gagner des points. Parce qu'il croit que ses sujet-te-s ont moins peur de la dictature que de la liberté.

Une amie m'a dit, l'autre jour, comment elle faisait pour empêcher son rat domestique de s'enfuir, quand elle en adoptait un: "Il faut pas que tu le fasses sortir à sa naissance, sinon il va foutre le camp. Laisse-le dans sa cage pendant les premiers mois, et tu vas voir, même si tu ouvres la porte après, il va avoir peur de sortir. Un moment donné, il s'essaiera un peu dans l'herbe, si tu lui apprends, mais il rentrera dans sa cage vite fait."

Louis Veuillot, journaliste ultramontain et ultraconservateur, écrivit au milieu du XIXe siècle le Droit du Seigneur, qui était une défense de l'intégrisme catholique. En prenant le parti du vrai monde, de qui il se disait un ami, il affirmait: "Nous autres, petites gens, qui avons besoin de chefs, nous devons respecter le grade, la position, l'autorité acquise." J'ai parfois l'impression que ce discours revient à la mode, par fragments.

2 commentaires:

  1. Ce qu'il y a, c'est que quelle que soit l'explication, la donner à ceux qui manquent d'un chef ne les en libèrera pas.

    Aussi, c'est étonnant de voir que ce désir de chef fonctionne malgré tout dans le négatif : Harper a-t-il une tête de chef plus que Dion ? Et pourtant, c'est sur Dion que tout le monde tombe à bras raccourcis.

    Je ne dis pas ça pour défendre Dion : j'exprime un constat parce que ces questions-là m'intéressent aussi et que j'observe le monde.

    En tout cas, le phénomène traduit le sentiment intime d'une grande impuissance éprouvée individuellement, et l'ignorance de l'impact que peuvent avoir sursa propre vie ou celles de la société le fait de poser des gestes. En fait, ça traduite une profonde ignorance, bien plus élargie que celle évoquée juste avant. Et la difficulté, c'est que l'ignorance ne peut se contrer ultra-rapidement, surtout quand on ne sait pas que c'est là ce qui bogue...

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  2. Tout vient à point à qui sait se battre.

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