lundi 20 octobre 2008

Comment l'anarchie est-elle possible? (3) - mon utopie

Il est nécessaire, je crois, avant de déterminer ce qui est possible et ce qui ne l'est pas, de savoir ce qui serait souhaitable. C'est une étape de réflexion trop souvent évitée. Je présente donc ici une très sommaire description de ma vision, sans doute chargée d'émotion - je ne me revendique pas de l'anarcho-pragmatisme - de ce que pourrait représenter une société émancipée et idéale. Si vous approuvez ce qui est écrit ci-bas, vous êtes peut-être, dans une certaine mesure, anarchiste. Si vous haussez les épaules en disant que ça ne vaut même pas la peine d'essayer, vous êtes peut-être cynique, ou déjà confortable.

Cette société idéale serait une société de don, de convivialité, d'empathie, d'agnosticisme, de décroissance économique, et de débat égalitaire. Pas de capitalisme d'État, ni de capitalisme de corporation, ni aucun autre capitalisme. Aucune règle sinon celles adoptées par des collectivités de population réduite et libre. Aucune propriété privée ni accumulation de "richesses", aucune richesse. La tomate pourrie serait comprise comme une tomate de moins, et la pollution comme facteur coercitif. Des cultures, certes, mais plus de nations, plus de gouvernements. Si quelqu'un veut mettre son pays en guerre, il devra prendre lui-même une arme et s'exposer au danger et à la haine de tous et toutes. La responsabilité. L'égalité. Le médecin ne serait plus un terminal ou un guichet automatique dispenseur de santé, mais un membre d'une communauté. Une médecine publique, mais non étatique. Le grand professeur et l'artiste seraient des voyageurs hébergés dans les maisons des mécènes du quotidien. La science n'aurait d'autre but que la science. L'art n'aurait pour but que l'art. Le savoir n'aurait pour but que le savoir. L'amour pour l'amour. Le travail pour le plaisir. Plus aucune notion d'utilité, en autant que chacun-e soit nourri-e, soigné-e, aimé-e. Chacun-e, même en ville, aurait son petit potager sur le toit d'un édifice ou dans la rue (désertée par les voitures), et les banlieues seraient transformées en grands jardins, remplis de bosquets hirsutes de fines herbes et de fleurs. Les insectes boufferaient tout mais on s'en câlisserait parce qu'on boufferait des insectes aussi.

J'encourage maintenant le lecteur ou la lectrice à mettre au jour ses désirs les plus profonds. Cet exercice est selon moi un moyen de lutte fondamental. La meilleure arme des dirigeant-e-s, c'est d'imposer des limites dans les cerveaux de leurs sujets. La prison est plus efficace si elle est intérieure que si elle est matérielle. Mais une fois les cages démolies, toute soumission perd son support.

5 commentaires:

  1. Voilà l'idée qu'il me manquait pour faire triompher l'anarchie!
    L'entomophagie!
    Trêves de plaisanteries, je crois qu'il est une chose commune à la plupart des anarchistes: leurs valeurs sont l'unique sinon le principale facteur de volonté.
    Si je suis moi-même anarchiste, c'est que je crois fondamentalement au respect, à l'égalité.. Je crois au potentiel de l'homme libre.

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  2. C'est fou à quel point un être humain, devenu libre, fait preuve d'intelligence et de combativité. L'autorité, même consentie, jette un épais voile noir sur notre capacité à réfléchir.

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  3. Intéressant comme vision. L'avantage de l'utopie avouée est qu'elle n'a aucune prétention, car elle est vouée à ne pas se réaliser; elle en est d'autant plus honnête. Inversement, si tous et chacunes y croyaient, ce ne serait plus une utopie. À vos compteurs, lorsque les utopies arriveront au compte de 7 milliards de croyants et de croyantes, elles n'en seront plus.
    Enfin...

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  4. Salut Steffen!

    Si cette utopie fait sourire, alors elle n'est pas inutile.

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  5. En effet.
    J'aurais tendance à croire que l'anarchisme soit spirituel en ce sens que c'est une croyance issue d'un imaginaire. J'ai l'impression que l'on ne peut se réclamer de l'anarchisme que si l'on accepte cette portion non matérielle. Et c'est également une des raisons qui me fait m'opposer à toute forme de révolution violente. Après tout, une révolution n'est-elle pas qu'un bref tour d'horizon à 360° ? : on regarde différentes avenues depuis notre point initial, sans le quitter véritablement.

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