samedi 3 octobre 2009

Le FSQ: Un autre Québec en marche.

Une amie qui préfère conserver l'anonymat m'a traîné au Forum Social Québécois en 2007. J'étais pas si enthousiaste au départ mais finalement, j'ai beaucoup apprécié, étant donné que c'est ma fréquentation de cet évènement qui m'a fait connaître le mouvement pour une décroissance conviviale et qui m'a mis en contact avec le groupe The Untakens, qui malheureusement aux dernières nouvelles était mort. J'ai alors découvert qu'il y avait un salut hors de l'ASSÉ, de la NEFAC et du PCR, et que plusieurs regroupements aux tendances très libertaires existaient à l'extérieur de ce qu'on considère généralement comme le milieu anarchiste de Montréal. Ils étaient réseautés au point d'avoir des associations amies jusque dans le Vermont et le Maine.

Les journées de séminaire de l'Institut Fraser (ce think tank de droite qui conseille par ses études biaisées les plus hauts placés de notre gouvernement), disaient quelques conférenciers en 2007, visent à faire contrepoids à ce genre d'évènements en proposant une journée de débats sur les politiques publiques qui ne soit pas contrôlé par l'establishment nationaliste étatiste. Sauf que cet évènement auquel j'ai participé deux fois ne vise en fait que l'abrutissement des jeunesses dorées. Quand un élément dissident fait surface au cours des discussions en "ateliers", on lui refuse le droit de parole et s'il insiste, on sort l'artillerie lourde en envoyant des grands parleurs caler les individus en question. Et puis en plus, au cours des trois dernières années il n'y a eu peut-être qu'une ou deux conférencières, contre environ vingt-cinq hommes, les femmes étant réléguées aux postes traditionnels de gestion de la liste d'invité-e-s.

Le FSQ est la seule place où j'ai pu m'exprimer en toute sincérité sans avoir à faire face à des huées. C'est peut-être une question d'affinités, me direz-vous: peut-être. Mais comme les structures du FSQ sont plutôt lâches, et que la formule des ateliers n'est pas du tout uniforme, les participant-e-s visitent le site avec une curiosité naturelle d'être humain, sans attentes particulières, prêt-e-s à l'écoute et à l'échange. Il n'y a pas de "tenue décontractée suggérée" comme à l'Institut Fraser. Ni de dogmes comme dans les partis politiques. Il y règne certes une organisation mais aussi une sorte de doux chaos qui permet à tout le monde de s'impliquer un peu. Comme, vous savez, quand il y a une fuite de gaz et que des gentil-le-s habitant-e-s des environs, qui n'ont pourtant jamais rien fait que se fier sur l'Autorité, apportent du café aux gens qui attendent dehors en robe de chambre.

Le seul problème, c'est que la dernière fois, il y avait des partisan-e-s de Québec Solidaire dans chaque atelier qui commençaient toutes leurs phrases par "Nous à Québec Solidaire..." ou par "Enfin un parti qui...", faque si j'en entends un s'essayer cette année je le slogue.

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À propos, au Devoir, Stéphane Baillargeon a donné la parole à la professeure Anne-Marie Gingras : «Je vais leur dire [aux jeunes du FSQ] qu'il faut construire la critique de la société à partir des institutions existantes et non pas contre elles. On ne peut pas faire table rase de tout et rêver de repartir à neuf. Le nihilisme anarchiste de certains radicaux dessert l'analyse fine et nuancée. C'est un des problèmes de la gauche actuelle.»

Ça m'a fait bien marrer. "L'anarchisme nihiliste" au Québec, c'est quoi, deux cent personnes maximum... dont:
- deux personnes qui arrivent à publier un article ou un essai de temps en temps;
- une à trois personnes sur le conseil exécutif de l'ASSÉ;
- une quinzaine de personnes qui tiennent des blogues que personne lit (je fais autant partie de ces personnes que de ce personne);
- une centaine d'individus qui vont dans les manifs et/ou qui cherchent de la nourriture dans les poubelles.

Alors comme ça, l'activité de ces gens-là, qui sont à placer dans les ennemis de l'intellectualisme (je m'étouffe de rire) est un des problèmes de la gauche actuelle... Sans nous, les syndicats corporatistes auraient tellement le champ libre pour pratiquer leur lobbyisme collabo, ce serait-y pas formidable! Le radicalisme gauchiste québécois est en voie de disparition et sa voix ne se fait jamais entendre sur la place publique - ou on ne l'écoute pas sérieusement. Comment peut-on imputer une responsabilité à quelque chose qui n'existe pas? Quand j'ai lu ce médiocre article de Baillargeon, la gueule m'est tombée, et elle n'est toujours pas remontée. La gauche actuelle, dans ce qu'elle a de modérée, de pitoyablement réformatrice, d'allergique à l'audace et d'antidémocratique, bref dans ce qu'elle a de facalienne, de michel-vennienne et de jean-françois-liséenne[1], est entièrement responsable de ses propres déboires. Comme on dit: "Pendant que la droite essaie de gagner, la gauche essaie d'avoir raison."

Et depuis quand le fait d'imaginer un monde différent, avec des institutions différentes, est-il nocif? C'est l'espoir de voir venir au jour un monde différent qui a conduit nos ami-e-s de la Pointe Libertaire et leurs autres camarades à fonder le Centre Social Autogéré et à commettre de formidables attentats végétaux. Et ce sont les modéré-e-s "ne voulant pas lutter contre, mais à l'intérieur des institutions" qui les ont abandonné-e-s à leur sort après pourtant les avoir appuyé-e-s dans une déclaration commune.

Néanmoins, ayant moi-même déjà été victime de citation imaginaire dans La Presse, je donne encore à Mme Gingras le bénéfice du doute. Quant à Stéphane Baillargeon, eh bien qu'il mange donc d'la marde.
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[1]Il faut piquer des idées à la droite... telle que le totalitarisme.

2 commentaires:

  1. Je n'ai jamais était très chaud à l'idée des forums sociaux, pensant surtout qu'ils étaient d'abord et avant tout réformistes, mais il faut dire que je ne suis jamais allé. Mais selon tes dires même, plusieurs militants et militantes de QS s'y trouvaient. Je n'ai rien contre leur présence dans ce type d'évènemenents (d'ailleurs, je m'attendrais sûrement à ce qu'ils soient en majorité), mais de là à ce qu'ils ploguent leur parti aux 30 secondes....

    Bien content de voir que quelqu'un se donne la peine de critiquer le «nihilisme anarchiste» qui serait une problématique importante de la gauche. C'est vrai que les possibilités au sein de nos institutions «démocratiques» sont infinies (lire le sarcasme ici).

    PS: Je suis surpris qu'il n'y ait pas eu de réaction à la suite de ton billet sur la stalinisation de l'ASSÉ (plutôt triste même si l'ASSÉ a toujours été rouge foncé), mais qu'il y en ait eu sur ton billet sur «l'attentat» d'Hors-d'Oeuvre contre Martineau. On voit qui te lit.

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  2. Moi aussi ça m'étonne de ne pas avoir eu de réaction. Mon billet sur l'ASSÉ était plutôt sauvage. (Qui aime bien châtie bien.) Mais de toute façon, les commentaires ne disent pas tout de la diffusion/réception du billet. Les gens qui commentent ici sont surtout des habitué-e-s qui sont intéressé-e-s par des sujets précis. Par exemple, j'ai eu beaucoup de commentaires et peu de visites quand j'ai parlé du féminisme, et l'inverse quand j'ai parlé du nationalisme. Il n'y a pas l'air d'avoir de corrélation fiable entre visites et commentaires sur mon blogue.

    Si ça se trouve, les supporteurs/euses de l'ASSÉ qui ont lu mon billet vont juste m'haïr sans jamais rien m'objecter ni en privé, ni en public ni sur le net. Et il y en a au moins un-e ou deux d'entre eux et elles qui passent parfois par ici, ça je le sais.

    Au sujet de Martineau et de HO: c'est quand même drôle puisqu'une de mes connaissances, il y a plusieurs mois, m'a avoué qu'elle pensait que mon blogue était un autre avatar de Hors-d'Oeuvre. Ce qui est absurde étant donné que j'ai toujours assumé mes influences post-modernes, nihilistes, antimarxistes et anales. Sur des bases théoriques, je suis sensé être naturellement en désaccord avec HO.

    Et oui, c'est vrai que le FSQ est réfo à l'os. Cela dit, les participant-e-s ne sont pas tous et toutes des réfos.

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