Les hommes bénéficient aussi grandement et continuellement des résultats des luttes féministes. Dans mon introduction, j'ai parlé un peu de l'ostracisme vécu par les homosexuel-le-s; leur émancipation est totalement reliée à la déconstruction de l'identité et des rôles sexuels. Les féministes s'attaquent au patriarcat conservateur: quand celui-ci s'affaiblit, tout le monde y gagne au change et la liberté augmente. Si les femmes sont maintenant plus nombreuses à devenir médecins ou à travailler en construction, le nombre d'hommes enseignants et infirmiers augmente aussi (avec hélas un peu moins de succès) sans que ceux-ci soient ouvertement accusés de moumounerie.
Le patriarcat est une des autorités les plus répressives et présentes qu'il puisse exister. Dans certains pays musulmans intégristes, il légitime la violence faite aux femmes, et ici, loin d'être disparu, il permet encore à de vieux juges séniles de parvenir à des décisions absurdes basées sur des caractéristiques généralement attribuées aux femmes et aux hommes. Or, la différenciation amène l'injustice d'un côté comme de l'autre. Prouver un viol, un cas d'agression ou de harcèlement acharné est difficile. Une femme (donc la vaste majorité des victimes), en plus de ne disposer que de très peu de preuves, peut faire face à un establishment complaisant envers les agresseurs. Quant à la minorité d'hommes qui sont victimes de violence sexuelle, le risque est encore plus grand qu'ils ne se fassent pas prendre au sérieux ou qu'ils subissent la moquerie dans leur entourage.
Et il y a dans la jonction de la culture machiste et de la loi un drôle de rapport: plus les hommes travaillent et moins ils s'occupent des enfants, moins ils auront de chances en cas de séparation d'obtenir la garde et plus ils auront de chances de verser une "lourde" pension alimentaire; mais plus les femmes sont émancipées, et plus la femme, autonome, sera en mesure de se passer du soutien éternel de son ex. Ce n'est pas ici une question de partialité dans la loi ou dans l'esprit d'un quelconque magistrat; si la conjointe hypothèque son autonomie financière pour s'occuper de la famille, c'est juste logique qu'elle obtienne la garde ainsi qu'une pension. Le contraire est aussi vrai. Et ces conclusions me semblent s'appliquer également pour les couples homosexuels.
J'ai lu, il y a quelques années, un texte qui apparaissait dans une revue féministe - je n'arrive plus à me souvenir s'il s'agissait d'un numéro spécial de La vie en rose ou si ça venait d'ailleurs - et qui dénonçait l'image que la femme conserve dans la culture: celle d'un être naturellement innocent et naïf. Cette tendance qui se reflète dans la culture populaire et dans les médias ne sert pas la femme parce qu'on la décrit comme un être irresponsable de ses actes, condamnée à rester mineure toute sa vie. L'exemple de l'histoire de Karla Homolka l'illustre très bien: le tribunal pardonne, le film excuse, la société prend pitié. Je ne sais pas si vous vous souvenez de cette femme qui avait survécu à un pacte de suicide familial très glauque: les gens avaient été autant horrifiés par le crime lui-même que par le fait que cette pauvre victime soit menottée à son lit d'hôpital. Je pense bien entendu que menotter quelqu'un qui est à moitié mort n'est pas très productif. Mais je crois que les gens n'ont pas attendu de connaître le fin mot de l'histoire avant de juger. Ils se sont fiés sur des idées reçues: la femme est aisément manipulable et donc irresponsable de ses propres actes. Autrement dit: c'est une conne. Voilà pourquoi le texte féministe dénonçait ce trait culturel qui tend à excuser les femmes de tout. Parce que son corollaire est beaucoup plus discriminatoire: on a en effet tendance à penser que si derrière chaque grand homme il y a une femme, derrière chaque grande femme il y a cependant une pipe. Bref, une femme qui a fait quelque chose de grand doit certainement sa réussite à des faveurs, et non pas à son talent.
La disparition de ce paradigme serait donc un gain pour l'homme autant que pour la femme. C'est heureusement un des phénomènes sexistes qui s'écroule le plus rapidement. Merci aux luttes féministes des 40 dernières années.
Le divorce, libéralisé à la fin des années soixante, est aussi un gain très important pour l'homme en partie parce que survivre à une rupture devient dès lors plus facile, et pourtant il a été arraché au clergé et au gouvernement grâce aux féministes. Idem pour l'avortement: si c'est en fin de compte le choix de la femme d'interrompre la grossesse, il n'en reste pas moins que son accessibilité bénéficie autant aux ménages (comprenant au moins une femme) qu'aux femmes seules.
Les congés parentaux sont des gains de féministes, et pourtant ils bénéficient de plus en plus aux hommes; les garderies sur les milieux de travail et/ou d'étude aussi mais il y a tout de même un bon nombre de pères monoparentaux... la liste s'allonge éternellement. La campagne de pubs controversée de la FFQ montre que la lutte féministe n'est pas isolée: les mères de soldats ne sont pas les seules à souffrir de la guerre et les jeunes femmes ne sont pas les seules à souffrir de la pauvreté. Le combat antimilitariste et progressiste des féministes bénéficie à tout le monde, peu importe le genre.
Plusieurs pensent que la lutte féministe vise à créer un système de deux poids, deux mesures[1]. Si c'était réellement le cas, les féministes feraient comme les flics: elles agiraient en corporation, tentant de renverser individuellement les jugements des tribunaux, aussitôt qu'une femme quelconque serait accusée de quoi que ce soit.
___________
[1]Je ne pense pas que ce soit réellement le cas, même si quelques "féministes" isolées rencontrées au cours de ma vie (entre autres à l'ASSÉ...) tenaient ce genre de discours rétrograde, différencialiste et conservateur.
samedi 23 octobre 2010
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Ben là j'aime moins, dommage les numéros 1 et 2 méritaient quasiment 100%.
RépondreSupprimerJe pense qu'on tombe dans les clichés quand on dit que la justice est plus clémente envers les femmes, même chose avec les histoire de garde d'enfants. En 2010, quand les deux parents veulent la garde des enfants, c'est presque l'équité par rapport aux jugements...
Mais bon...un certain reportage "La machine à broyer les hommes" à fait ses ravages coté propagande, c'est difficile à ramener....
koval
En fait, je suis plutôt de l'avis que la justice n'est pas partiale dans la plupart des cas. Je modifierai le billet bientôt pour préciser.
RépondreSupprimerJ'ai oublié de spécifier que les décisions des juges séniles concernaient les cas de violence sexuelle, qui sont difficiles à prouver. Le fait d'ajouter par la suite quelque chose sur l'obtention de la garde des enfants était pour cela très malhabile.
Voilà, c'est modifié. Encore une fois, les "vieux juges séniles" n'avaient aucun lien, dans mon esprit, avec le fait que les femmes obtiennent la garde ou non.
RépondreSupprimerVous poussez certains trucs avec lesquels je suis en complet désaccord sur le chapitre justice/femmes/perception du public. Pour prouver votre propos, vous vous appuyez sur vos perceptions qui me semblent erronés au sujet d'anecdotes de 2 criminelles notoires.
RépondreSupprimerPour Homolka, il ne s'agit pas du tout de pardon de la société ou du juge. De mémoire, il me semble bien qu'on ait marchandé avec elle. Son témoignage a servi à faire coffrer son ex, Belmondo, à vie. C'est ce qui lui a valu sa liberté. Ce genre de marchandage se fait de temps en temps avec des tueurs, on a vu ça chez les Hells aussi. Le film sur Homolka a été mal reçu, la population a trouvé cela de très mauvais goût, je n'ai jamais entendu personne défendre ce monstre, peut-être on fréquente pas le même genre de personne.
La femme de Chicoutimi, elle a attrapé une sentence de prison à vie, la pire sentence possible...
Ça se pourrait, au contraire de ce que vous dites que l'opinion populaire soit plus sévère pour une femme criminelle, comme cette même population est toujours plus sévère contre une femme qui montre un peu d'agressivité. Mon hypothèse est contraire à vos affirmations. Je dis bien "hypothèse" parce que je ne peux rien démontrer...
Je me souviens d'une pauvre folle de femme qui avait noyé son enfant et qui a été reçue par une foule agressive qui lui crachait au visage....
Pour le reste du texte, je suis assez en accord.
Koval
En fait, je trouve dommage de ne pas avoir pu retrouver l'article en question, qui était bien mieux étayé (mais qui ne faisait pas mention de l'histoire de la femme de Chicoutimi, parce que écrit à une date antérieure).
RépondreSupprimerEn ce qui concerne Mme Homolka, le fait que le tribunal l'a remise en liberté est un élément mineur dans ce que j'avance. Et bien sûr, le film sur sa vie a créé une controverse, mais c'est bien une preuve que les choses changent. Voilà pourquoi j'ai spécifié: "C'est heureusement un des phénomènes sexistes qui s'écroule le plus rapidement."
J'avoue que cette partie de mon texte est difficile à démontrer aussi. Je souhaitais amener un point de vue qui me semble plus rarement discuté en ce qui concerne la perception des femmes dans la société.
"Prouver un viol, un cas d'agression ou de harcèlement acharné est difficile. Une femme (donc la vaste majorité des victimes), en plus de ne disposer que de très peu de preuves, peut faire face à un establishment complaisant envers les agresseurs."
RépondreSupprimerRidicule! La présomption de culpabilité contre les accusés, tant qu'à y être?
"plus les hommes travaillent et moins ils s'occupent des enfants, moins ils auront de chances en cas de séparation d'obtenir la garde et plus ils auront de chances de verser une "lourde" pension alimentaire; mais plus les femmes sont émancipées, et plus la femme, autonome, sera en mesure de se passer du soutien éternel de son ex. Ce n'est pas ici une question de partialité dans la loi ou dans l'esprit d'un quelconque magistrat; si la conjointe hypothèque son autonomie financière pour s'occuper de la famille, c'est juste logique qu'elle obtienne la garde ainsi qu'une pension. Le contraire est aussi vrai. Et ces conclusions me semblent s'appliquer également pour les couples homosexuels."
D'accord là-dessus. Je n'embarque dans le discours misérabiliste des maqueuelinistes de Fathers for Injustice!
Ceci dit, je suis contre la mainmise étatique sur les mariages.
"L'exemple de l'histoire de Karla Homolka l'illustre très bien: le tribunal pardonne, le film excuse, la société prend pitié."
Wôôôô, les moteurs! Son témoignage a réussi à faire coffrer encore plus longtemps un monstre encore pire qu'elle, i.e. Paul Bernardo! C'est une question de marchandage, ici! Et j'en connais très peu qui ont pitié d'elle.
"Ils se sont fiés sur des idées reçues: la femme est aisément manipulable et donc irresponsable de ses propres actes. Autrement dit: c'est une conne. "
RépondreSupprimerTu obéis à une prémisse de drouate étatiste ici qui dit que "tous les criminels sont responsables de leurs actes", ce qui à l'origine du dogme répressif policier. Et si ces hommes et ces femmes criminels étaient des malades mentaux qu'on doit essayer de soigner? Et si Bernardo et Homolka étaient tout simplement des sales cons?
"Les congés parentaux sont des gains de féministes, et pourtant ils bénéficient de plus en plus aux hommes; les garderies sur les milieux de travail et/ou d'étude"
Rappelons tout de même que ces mesures sont des pertes pour les enfants et les non-parents. Ce ne sont pas des gains pour tous, qui sont forcés par l'État, en plus! La procréation va à l'encontre des intérêts des féministes et des anarchistes!
"La campagne de pubs controversée de la FFQ montre que la lutte féministe n'est pas isolée: les mères de soldats ne sont pas les seules à souffrir de la guerre et les jeunes femmes ne sont pas les seules à souffrir de la pauvreté. Le combat antimilitariste et progressiste des féministes bénéficie à tout le monde, peu importe le genre."
D'accord, mais je vais plus loin. La FFQ a bien fait de cracher sur les femmes de militaires. Bravo!
"Plusieurs pensent que la lutte féministe vise à créer un système de deux poids, deux mesures."
Pas besoin, c'est déjà fait! Mais bon, à long terme, ça ne résistera pas.
Bref, le premier texte était superbe, le troisième était très bien et le deuxième était potable. Mais dans l'ensemble, cette trilogie est fort intéressante. La principale faiblesse est que tu ne parles pas tellement des impacts nuisibles de l'idéologie fémi-favoritiste pour le féminisme. Mais pour le reste, c'est très intéressant!
http://sisyphe.org/spip.php?article3680
RépondreSupprimerLa FFQ aurait dû assumer sa position jusqu'au bout!
Comme ça fait du bien de lire une série d'articles comme ça!
RépondreSupprimerJe partage.
David Gendron: ta remarque sur la répression criminelle me semble en partie juste. Le débat doit se tenir - d'ailleurs si jamais j'étais emprisonné pour "corruption de moeurs", je refuserais totalement qu'on essaie de me "guérir" - mais de toute façon, le passage en question fait référence à un processus mental qui a lieu chez beaucoup de gens de notre culture; ça ne veut donc pas dire que je crois que les malades mentaux/ales doivent être jugé-e-s comme des incarnations du démon. Non plus que je voudrais qu'on condamne Omar Khadr pour avoir sombré dans l'obscurantisme islamiste après toute sa jeunesse passée en prison.
RépondreSupprimerJ'y ai pensé longtemps avant de me décider à produire ou non une critique profonde des points négatifs du mouvement féministe mainstream actuel. J'aurais quelques idées, mais comme je n'ai pas vécu une expérience très dynamique du mouvement féministe, ce serait imprudent et le risque de me péter le nez serait immense. De plus, je manque de données.
Quant à la question de Mme Homolka, crisse, on a pas les mêmes souvenirs. Moi, je me rappelle d'un étrange mélange de dégoût et d'une pitié larmoyante. Mais comme j'ai dit plus tôt, "le tribunal pardonne" était une figure de style. Évidemment que c'était une décision pragmatique.
"Ridicule! La présomption de culpabilité contre les accusés, tant qu'à y être?"
Une de mes proches travaille auprès des femmes violentées. Elle pourrait vous raconter pas mal d'histoires. Les agresseur-e-s jouissent d'une grande impunité parce que, fin-e-s manipulateurs/trices, illes sont en mesure de passer outre la dénonciation ou de la dissuader. Mais je dois avouer que je n'ai pas d'idées claires de propositions et je sais que plusieurs "victimes" n'en sont pas. Ce que je sais aussi, c'est que plus le patriarcat s'affaiblit, et moins l'agresseur-e dispose de recours culturels lui permettant potentiellement de s'en sortir.
Noisette Sociale: merci pour la visibilité!
"Quant à la question de Mme Homolka, crisse, on a pas les mêmes souvenirs. Moi, je me rappelle d'un étrange mélange de dégoût et d'une pitié larmoyante."
RépondreSupprimerMédiatiquement oui! Mais populairement, ça n'a pas tellement passé!
"Mais comme j'ai dit plus tôt, "le tribunal pardonne" était une figure de style. Évidemment que c'était une décision pragmatique."
Ouais, j'ai lu les autres commentaires après. Ça va.
"Une de mes proches travaille auprès des femmes violentées. Elle pourrait vous raconter pas mal d'histoires. Les agresseur-e-s jouissent d'une grande impunité parce que, fin-e-s manipulateurs/trices, illes sont en mesure de passer outre la dénonciation ou de la dissuader. Mais je dois avouer que je n'ai pas d'idées claires de propositions et je sais que plusieurs "victimes" n'en sont pas. Ce que je sais aussi, c'est que plus le patriarcat s'affaiblit, et moins l'agresseur-e dispose de recours culturels lui permettant potentiellement de s'en sortir."
Comme tu parles seulement de l'aspect culturel et social ici, je suis entièrement d'accord avec ce paragraphe!
"et je sais que plusieurs "victimes" n'en sont pas."
RépondreSupprimerFaudrait nuancer ici. Je crois bien que la pluspart du temps, les fausses accusations d'aggressions sexuelles proviennent d'enfants, des adolescentes, la plupart du temps envers des profs ou même leur parent ou tuteur légal..
C'est pas mal rare chez les femmes matures en raison des risques de poursuite pour diffamation..
koval
"Je crois bien que la plupart du temps, les fausses accusations d'agressions sexuelles proviennent d'enfants, des adolescentes, la plupart du temps envers des profs ou même leur parent ou tuteur légal."
RépondreSupprimerNon, ce sont surtout des parents qui font de telles fausses plaintes au nom de leurs enfants.
Mais oui, ce cas de figure est le plus courant.
T'as des preuves de ça Gendron?
RépondreSupprimerNon! Je suis pas mal certaine que vous répétez à qui mieux mieux les discours masculinistes.
Cette idée à l'effet que les femmes accusent faussement et couramment les hommes d'agression sexuelle, c'est une assertion grave contre les femmes. Elle n'est pas démontrée mais est toujours citée comme un fait...
La vérité c'est plutôt que pour 10 viols il doit y en avoir 3 de dénoncés et 1 de puni...
Déprimant, en voilà un cas de sexisme, celui de dire n'importe quoi sur les femmes sans que ça soit fondé.
Je m'étais juré de ne jamais parler de féminisme sué bloyes, ça me fait pas de bien
Déblatère ce que tu veux, je vais m'arrêter là, je m'adressais d'ailleurs au mouton, pas à toi.
Koval
Koval: ta nuance me semble juste.
RépondreSupprimerTu devrais aller voir ma nouvelle version de mon dernier billet:
RépondreSupprimerhttp://anarchopragmatisme.wordpress.com/2010/10/30/de-nombreux-partisans-du-reseau-liberte-sont-contre-la-liberte-individuelle/
Koval: le fascisme existe aussi à gau-gauche.. Y en a marre de vos attaques ad hominem!
J'ai l'impression que certains échanges intimident d'autres lecteurs/trices et découragent les interventions. Je vous suggère de vous auto-discipliner.
RépondreSupprimerBon bon bon, je fais peur au monde !
RépondreSupprimerOuf que c'est compliqué!
Ok je débarasse pour vrai...si je dérange...
Non, c'est moi qui devrait peut-être ne plus répondre à vos attaques ad hominem. Mais bon, je continue. Je suis en faveur de l'égalité des sexes, et pas vous. Alors vous êtes mal placée pour critiquer.
RépondreSupprimer