vendredi 22 juillet 2011

ASSÉ, arrestations et économistes.

David Gendron s'est pogné avec une collaboratrice du Prince Arthur Herald, qui a écrit un article sur les arrestations des militant-e-s de l'ASSÉ. Plutôt que de commenter l'affrontement, je m'attaquerai directement au texte.

Je n'ai aucune idée si le Prince Arthur Herald est énormément lu, mais il est évident que si c'est le cas et que leur sous-titre est véridique (Canada's Premier Student News Source), de fausses informations diffusées par l'auteure du texte peuvent porter préjudice aux personnes concernées par les accusations, assez graves, qui y sont faites.

Observons le texte de plus près.

L'introduction

"Certains militants de l’ASSÉ sont accusés d’un certain nombre d’infractions criminelles commises les 24 et 31 mars derniers, ainsi que le 1er mai : agression armée, port d’arme dans un dessein dangereux, voies de fait, entrave au travail des policiers et introduction par effraction."

J'aimerais bien connaître la source de l'auteure. Les arrestations des membres de l'ASSÉ (3 élu-e-s nationaux et une élue d'asso locale) n'ont tout d'abord rien à voir avec celles qui sont en lien avec la manifestation du premier mai.

Il s'agit de deux évènements différents, donc de deux vagues d'arrestations, soit huit arrestations politiques en tout.

Les personnes arrêtées par l'escouade GAMMA, deux hommes et deux femmes d'âges divers (19, 31, 42, 50!) seraient selon toute vraisemblance reliées à un groupe communiste relativement bien connu, le PCR. Les accusations, selon un très mauvais article de Canoe: "voies de fait, voies de fait avec lésions, utilisation d'un drapeau dans un dessein dangereux".

L'histoire des quatre militant-e-s de l'ASSÉ est différente. Illes font face à des accusations beaucoup moins graves, dans le contexte, soit: "
complot, de méfait et/ou d'entrée par effraction". A priori, rien à voir avec l'agression de policiers, la manif du premier mai ou le port d'une arme.

La "rhétorique" de l'ASSÉ

Je cite l'auteure: "jetons un coup d’œil sur leur rhétorique [de l'ASSÉ]." Ce passage me laisse perplexe parce que dans les phrases suivantes, elle se contente de rattacher sommairement le regroupement étudiant à l'idéologie communiste autoritaire: "Le discours est inspiré, calqué en fait, sur les fondements du marxisme-léninisme, idéologie qui était à son apogée à cette époque." Elle y va ensuite d'une allusion convenue sur la Russie soviétique et Mao.

Nulle référence, donc, au contenu exact du cahier de revendications de l'ASSÉ, ni à son code de fonctionnement - qui en fait d'ailleurs une des grandes organisations les plus démocratiques du Québec, malgré beaucoup de faiblesses dans la pratique - ni même à sa "rhétorique" en tant que telle! Elle se contente ensuite de citer, sans référence, la défense du porte-parole de l'ASSÉ vis-à-vis des arrestations et/ou une autre source non-identifiée. Elle parle du "syndicalisme de combat" et "l'appui aux squats".

C'est un bel effort, mais il n'y a rien de vraiment stalinien là-dedans, malheureusement pour sa propre rhétorique.

La violence

L'auteure de l'article s'exprime sur le mandat du GAMMA.

"Il existe une pléthore d’organisations groupusculaires partageant les idéaux de type gauchisant de l’ASSÉ mais, pourtant, le SPVM ne leur a pas porté particulièrement attention. Il faut donc en conclure que ce n’est pas l’idéologie prônée par ces organisations qui intéresse et inquiète le SPVM et qui guide les enquêtes du GAMMA, mais bien l’utilisation de la violence comme moyen d’expression."

Tout d'abord, elle utilise l'argument du silence pour démontrer l'impossible, soit qu'aucune autre organisation que le PCR et l'ASSÉ n'ont été visées par le GAMMA. Qu'il n'y ait pas eu d'arrestations dans la CLAC ou au FRAPRU ne prouve pas que ces deux organisations ne sont pas elles aussi surveillées. Que sait-elle donc, après tout, de l'activité d'un organe de la police dont l'existence a été tenue secrète jusqu'à la mi-juillet?

Sa déclaration sur la violence est de plus un argument d'autorité. Si la police s'intéresse à l'ASSÉ, c'est nécessairement parce qu'elle fait la promotion de la violence et du crime. La preuve: il y a eu des accusations. C'est faible. Surtout qu'a priori, l'ASSÉ n'est pas surveillée par l'escouade GAMMA. Du moins c'est ce qu'en dit la police: "M. Lafrenière (porte-parole SPVM) affirme que ces arrestations n’ont pas été effectuées dans le cadre du projet GAMMA". Comme l'auteure ne semble pas particulièrement critique des déclarations des forces policières, il est étrange que celle-ci soit passée à côté de cet élément.

À savoir maintenant si l'occupation d'un bureau est une forme de violence, j'aurais tendance à dire: eh bien non. D'ailleurs, le FRAPRU, comme des dizaines d'autres organisations communautaires, ont eu recours à l'occupation de certains sites et bureaux, sans que cela ne déclenche le même scandale. Ce qui est indéniable, c'est que la grande majorité du temps, les occupations ne font pas de blessé-e-s et mènent même souvent vers une résolution au conflit par le dialogue. De plus, ce genre de tactique est utilisé depuis des décennies par des syndicats réformistes. En novembre dernier (messemble), la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics a bloqué les portes de l'édifice d'Hydro-Québec pour attirer l'attention du gouvernement. Personne n'a alors prétendu que c'était une action violente. Si quelqu'un s'était mis à faire du cheval sur le buste de René Lévesque (qui gît devant la tour) et était tombé par accident, est-ce que ça aurait été de la violence?

Libres de s'exprimer... dans l'ordre et la discipline

L'auteure du texte s'enfonce ensuite dans un exercice d'interprétation de la charte des droits et libertés. Elle dénonce les débordements des évènements qui ont conduit à l'arrestation des quatre militant-e-s.

"A-t-il pris en considération l’employée du Ministre Bachand, victime d’une fracture le 24 mars dernier lors de la perpétration de ces actes criminels? Des policiers ayant subi des commotions cérébrales le 31 mars?"

Tout d'abord, s'il y a eu un blessé le 24 mars, il s'agissait bien d'un étudiant et non d'une employée du ministère. Apparemment c'était un accident, comme la vitre cassée, par ailleurs. Cela n'a pas empêché les agents de sécurité et de la SQ d'être très brutaux.

La femme blessée était plutôt une employée de la CRÉPUQ. Cette autre occupation a eu lieu de 31 mars. La même journée, rappelons en outre que la police a frappé une femme dans la cinquantaine, qui était en convalescence et qui portait une canne. Si une simple passante a été brutalisée par la police lors de l'évènement, j'aurais comme tendance à penser que les étudiant-e-s ont été encore moins bien traité-e-s. Mais je sais pas, tout est possible.

En ce qui concerne l'employée blessée, c'était évidemment un accident: elle s'est précipitée vers la porte alors que les étudiant-e-s entraient en trombe dans les bureaux de la CRÉPUQ.

Finalement, il me semble qu'aucun policier ait subi une "commotion cérébrale" pendant la manifestation du 31 mars. Quelques sources affirment qu'il y aurait eu une résistance active de la part des étudiant-e-s face à la répression policière, mais les "commotions cérébrales" auraient plutôt eu lieu pendant la manifestation du premier mai. Ici, les sources font parfois état d'une commotion cérébrale, parfois de "au moins trois".

Chose certaine, c'est qu'encore une fois, accuser les militant-e-s de l'ASSÉ d'être responsables de ces blessures, c'est signe soit de volonté diffamatoire, soit d'une incroyable maladresse dans la recherche.

Tous les articles cités ici, ou presque, commencent malheureusement à dater et les informations arrivent au compte-gouttes. Il est difficile de se faire une idée précise des évènement entourant les vagues d'arrestations auxquelles la gauche doit faire actuellement face. Mais ce n'est pas une raison pour tirer de nouvelles informations du néant.

Quand on accuse quelqu'un de tenir un certain discours, on donne des exemples concrets. Quand on accuse quelqu'un d'un crime quelconque, on avance des preuves. Dans le texte du Prince Arthur Herald, je ne vois rien de ça. Il semble s'agir d'un texte d'opinion bâclé basé sur des rumeurs et rempli d'erreurs factuelles.

11 commentaires:

  1. Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage...

    RépondreSupprimer
  2. http://yabastarougeetnoir.wordpress.com/2011/07/23/et-lextreme-droite/

    RépondreSupprimer
  3. La section About Us aide à mieux comprendre : ''The Prince Arthur Herald is Canada’s only centre-right student news source''. Le «plus lu»...par ce type d'étudiant.es, donc...
    Parmi les autres articles, mentionnons l'opposition à la campagne anti-apartheid israélien et l'appui aux hausses de frais de scolarité (students, stop being selfish...)

    RépondreSupprimer
  4. Le journal est tendancieux. Hum. Voilà qui explique pourquoi cet article a pu être publié avec ses faussetés.

    RépondreSupprimer
  5. Comme toujours, rien de neuf sous le Soleil. La propagande bourgeoise nous incriminera toujours. En attendant, les forces canadiennes bombardent «humanitairement» les civils libyens, à l'uranium appauvri.

    Mais plus sérieusement, nous le savions, que nous étions surveillés. Un ami à moi a reçu la visite du SCRS à deux reprises en deux ans, sur des questions de propos sur la toile.

    Alors...

    Il faut faire ce que nous faisons. Il faut bourrer de propagande le net, et contrer leurs pseudo-arguments, contradictoires, de toute évidence.

    D'une part, l'idéologie «marxiste» qui n'a jamais eu sa chance est diabolisée, mais d'autre part, 2 siècles de capitalisme et d'impérialisme sont tus, après pourtant des tas de massacre, de dictatures, de torture, etc..

    Merci pour les informations!

    Solidairement,

    Sylvain Guillemette

    Alternative socialiste (Qs)

    RépondreSupprimer
  6. Le Prince Arthur Herald est un blog libertarien lié avec le CATO Institute, qui est l'équivalent de l'IEDM mais américain et payé par la pétrolière Koch Industry.

    J'ai aussi publier l'article du mouton maron sur leur page facebook mais il a aussitôt été supprimé.

    RépondreSupprimer
  7. Sylvain: votre ami a été inquiété par le SCRS pour avoir écrit quelque chose sur le Net, vraiment? Est-ce que ça avait un lien avec la lutte pour la libération de la Palestine?

    Jusqu'à maintenant, je n'ai heureusement pas encore eu à m'inquiéter avec mon activité sur le web.

    RépondreSupprimer
  8. "Voilà qui explique pourquoi cet article a pu être publié avec ses faussetés."

    Ses faussetés expliquant pourquoi elle fut consacrée comme jeune économiste pleine d'avenir par des membres du Réseau Libarté-Corpo-Fasciste Culbec.

    RépondreSupprimer
  9. J'ai fini par trouver le passage sur leur page Facebook. Assez glorieux, en effet.

    RépondreSupprimer