jeudi 11 juin 2009

Tribulations dans les partis.

J'ai eu ma première carte de membre à 17 ans et j'ai milité dans un parti pendant les deux années suivantes. Ce texte a été écrit dans le but de vous envoyer ce message: NE FAITES PAS ÇA. VOUS COUREZ À VOTRE PERTE. 

Je ne pense pas que mon expérience personnelle puisse vraiment contribuer à convaincre des lecteurs/trices à ne pas s'embrigader dans un parti, mais bon. Un témoignage parmi d'autres permettra peut-être à certain-e-s de garder la tête hors de l'eau en pareille situation. 

 ... 

À 15 ans déjà, j'étais fortement antiautoritaire et férocement attaché à mes utopies. Au secondaire, j'étais bon élève, mais la direction ne m'aimait pas. Je raconterai un autre jour pourquoi. Au début de mon cégep, je n'avais pas d'opinion sur l'anarchisme mais j'avais le rêve d'une planète dépourvue de nations, d'État, de travail, de vêtements et de chefs, dans laquelle tous les êtres humains se traiteraient comme des frères et des soeurs, ne tirant pas plus de la nature que ce qu'elle pouvait nous donner[1]. Je trouvais les lois incohérentes et je voulais voir le système s'effondrer. Beaucoup de ce que j'écrivais, à l'époque, flirtait avec les idées libertaires. J'étais pourtant membre du PQ et je militais pour le parti avec d'autres jeunes. Pourquoi? Parce que c'est comme ça que ça fonctionnait. Le PQ était le seul pôle d'activité politique progressiste, ou presque, au cégep. Québec Solidaire n'existait pas et l'UFP ne comptait sans doute aucun membre dans toute la région. Alors le PQ ramassait les jeunes progressistes de tous les horizons et mettait ça dans un même tas. Ce qui fait que mis à part quelques visites de politiciens, le comité a surtout organisé des manifs contre le Wal-Mart. Le PQ à la tête d'une manif anticapitaliste! L'organisateur, un jeune crypto-libertaire qui voulait voir des coopératives libres remplacer les entreprises par actions[2], se faisait harceler par la police à chaque jour pour qu'il fasse annuler l'évènement. Faut dire que Bernard Landry, lui-même, avait à cette époque condamné les pratiques de la multinationale, mais on n'était pas là à cause de lui. 

Un autre militant de ma connaissance, qui a, j'espère, depuis plusieurs années déchanté sur le Parti, avait campé plusieurs jours avec d'autres étudiant-e-s devant l'Assemblée Nationale pour revendiquer des choses certainement contraires au Programme. Bref, j'aurais crié "Vive la révolution socialiste" en arrivant dans les réunions et on aurait trouvé ça normal. Ça, c'était une cellule jeunesse du PQ en région, en 2004.

Quand je raconte ça à des militant-e-s progressistes ou anarchistes de Montréal, ils/elles me regardent avec des yeux gros comme des trente sous. Dans la métropole c'est différent. Faut dire, à Victo c'était pas parfait non plus. Les vieux routards étaient assez peu fiables, magouilleux, et les soirées spaghettis étaient remplies de lobbyistes et de conservateurs de musées venus mendier un peu de cash à Sa Grandeur le député. C'était pathétique. Quand je suis arrivé à l'UdeM, je voulais absolument me faire des ami-e-s rapidement, parce que je me sentais un peu snobbé par les autres premières années, trop branchées pour moi. Je suis donc entré dans la cellule locale du PQ, persuadé de trouver du monde qui me ressemblait (presque). Mais en apprenant à connaître les autres militant-e-s, j'ai comme eu l'impression de recevoir un seau de marde gelée dans la face. Bien habillé-e-s, bien coiffé-e-s, juste assez drôles pour plaire, ils parlaient à gauche, pensaient à droite et agissaient en fonction de leur carrière, capables de toutes les malhonnêtetés. Jamais auparavant je n'avais trempé dans un milieu aussi sale. Je leur servais, à ces majestés, de garçon de courses en attendant de faire mes preuves. 

Pendant une élection partielle, j'ai parlé à un partisan d'Omar Aktouf, qui se présentait pour l'UFP. Il tractait devant la station Côte-des-Neiges. (J'aurais dû être dans le bureau de comté du PQ mais j'étais incapable de rester là, tout le monde m'ignorait avec le même air défaitiste.) "Pour me poser des questions de même, tu dois être un péquiste." J'ai été très vexé quand il m'a dit ça. Il me semble que mes questions montraient plutôt que j'étais vraiment très ambivalent. Nous avons discuté pendant quelques minutes et il m'a avoué avoir eu du trouble avec ses pancartes. Des hommes dans la trentaine les décrochaient à mesure qu'ils les accrochaient, se montrant fort intimidants et prétendant que l'UFP divisait les votes souverainistes. J'en fis part aux gens de mon comité électoral: haussement d'épaules. C'était eux qui avaient fait le coup, de toute évidence. J'étais déjà très mal à l'aise quand je faisais du porte-à-porte, la semaine précédente... J'avais honte, aussi, quand je passais l'heure du dîner derrière un kiosque fleurdelisé. Je me cachais derrière un péquiste immense et je m'arrangeais pour partir assez tôt. Le fanatisme des représentant-e-s, qui parlaient pour le parti au lieu de parler pour eux-mêmes, m'incommodait. Rester dans les rangs péquistes devenait intolérable pour moi.

Un peu plus tard, lors d'une conférence donnée par Louis Bernard, je me fis huer par les militant-e-s du PQ pour avoir osé poser une question sur les droits des autochtones.

J'ai décroché définitivement à la fin d'une conférence de Gilles Duceppe, lors de la période à micro ouvert. Juste au moment où j'avançais pour m'exprimer, le secrétaire général du comité péquiste m'avait glissé dans la main un petit papier découpé avec parcimonie.

Dessus, était imprimée la question qu'il fallait que je pose.

Je suis parti pour de bon et je n'ai plus jamais reparlé aux gens du PQ. En fait si... je me rappelle qu'après la soirée des élections fédérales suivantes, la présidente du comité péquiste de l'UdeM m'a salué dans un bar. "Ah bien tiens, je suis donc coooooontente de te voir ici." Elle était saoule; son candidat avait perdu. 

À force de me faire taper sur le clou, j'aurais pu me la fermer et obéir. Ça aurait pu arriver; à l'école primaire ça avait très bien marché avec moi. Et c'est arrivé à tant de mes connaissances... Avec le temps, j'aurais été habitué de voir les crosses se produire et j'y aurais participé de bon coeur, débarassé de toute la lourdeur des examens de conscience par l'accoutumance. Peut-être même que j'aurais pu aller loin. Mais j'ai sans doute été sauvé par le fait que les militant-e-s seniors du PQ m'aparaissaient au départ désagréables, méfiants et froids. Si j'étais tombé amoureux de ces gens, si même nos phéromones avaient seulement connecté chimiquement l'espace d'une minute, je ne sais pas ce que je serais devenu. Serais-je encore avec eux aujourd'hui? 

_______ 

[1] Il faut quand même préciser qu'ouvertement, j'étais plutôt un socialo. J'arrêtais pas de dire qu'il fallait tout nationaliser. Sauf que je n'étais pas capable de digérer la bureaucratie étatique, le gouvernement, l'ordre, la conformité, la standardisation, la centralisation, la police, la hiérarchie. Je ne croyais pas en la bonne gouvernance et je détestais tout de l'État, sauf ce qu'il pouvait me donner gratis. Je ne me suis donc jamais expliqué comment j'arrivais à croire que je tenais une position cohérente. À vrai dire je m'en suis rendu compte seulement dans un de mes cours de philo. 

[2] Je ne prononcerai pas son nom de peur de nuire à sa carrière. Précisons que la dernière fois que je l'ai vu, il portait une cravate... En fait, cette histoire est très triste et mérite une note de bas de page. Le soir suivant ladite manif, un petit boss du PQ est venu manger chez Max Poutine avec nous pour échanger. Nous étions encore tout brûlants de notre après-midi passé à affronter (poliment) la sécurité et la police. Le président minus en question avait demandé à mon ami de définir ce que devait être l'avenir. Le regard dans les nuages, il parla, comme d'autres décrivent un coucher de soleil, d'une société libre et douce. Le vieux trentenaire, sur un ton sec, cassa soudain ses rêves naïfs en lui plongeant la tête dans la "réalité" de l'industrie, du salariat, de la nécessaire exploitation. Ce n'était pas une argumentation, mais un sermon. "François Houle (candidat du Parti Vert reconverti en péquiste, élite de la jeunesse victoriavilloise) était comme toi aussi, au début. On lui a parlé et il a fini par comprendre. Un moment donné tu vas changer. Tu peux pas garder tes idées pas réalistes. Et toi, Umzichou, que penses-tu du futur?" J'ai répondu que je me sacrais totalement de ce qu'il disait, et que je pensais à peu près la même chose que mon ami, peu importe si c'était déconnecté de la réalité ou pas. J'aurais dû insister davantage, voire lui pitcher ma poutine dans la face. À avoir su qu'il réussirait à transformer mon camarade en jeune péquiste servile veston-cravate-qui-fait-du-porte-à-porte... En tout cas, j'ai eu ma leçon. Alors la prochaine que je vois un vieux essayer de défaire les illusions d'un jeune, je lui arrache le pancréas. Que ces séniles profiteurs se considèrent avertis.

1 commentaire:

  1. Le pire, c'est qu'en se comportant de cette façon, le PCUL nuit à sa propre cause.

    Excellent billet!

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