mercredi 29 décembre 2010

La psychose de la droite 2 - la presse libérale et Khadir

Le nombre d'articles qui a suivi la rumeur est incroyable. Démêler tout ça serait une recherche passionnante mais laborieuse. Nous allons donc nous en tenir à l'essentiel du bêtisier.

Après le commentaire insipide de Duhaime à la télé et dans le journal, plusieurs éditorialistes y sont également allés de leur charge personnelle. C'est d'ailleurs assez étonnant parce que généralement, les sujets traités par Duhaime, on s'en câlisse. Mais pas cette fois.

Le 17 décembre, on "accuse" Khadir de boycott. Le titre est étonnant mais l'acharnement ne fait que commencer. Apparemment inciter à la responsabilité est un nouveau crime passible de poursuites judiciaires. Mais les attaques fusent surtout à partir du 20 décembre.

Vincent Marissal écrit: "Le danger avec ces mouvements, c’est que l’on sait où ça commence, mais on ne sait pas toujours où ça finit. Je présume que le député de Mercier se contentera, pour ête cohérent, de vin de dépanneur pour les Fêtes puisque la SAQ vend quelques bouteilles de vin israëliens[1]."

Ce genre de critique est assez courant à l'égard de Khadir. C'est totalement ignorant de la dynamique d'un boycott et/ou de ce qu'on appelle choisir des cibles réalistes avec les moyens du bord. Et c'est ce pourquoi je crois sincèrement que ce genre d'attaques est de mauvaise foi. Sur le plan stratégique, même si c'est questionnable, le PAJU avait plus de chances de faire céder un petit commerçant dont les ventes de produits israéliens représentent un montant non-significatif qu'une chaîne avec des succursales partout. Le PAJU et ses allié-e-s n'ont en fait pas du tout les reins assez solides pour entâmer une campagne de boycott national de la SAQ. Attaquer leur cohérence à l'aide d'un tel argument est donc légèrement vain et s'apparente selon moi à du sophisme.

C'est très voisin de l'argument qui est sorti dans les jours suivants et qui a été répété à nous en rendre malades. Dans le Devoir, on publiait une courte lettre qui le résumait bien: "Cependant, pour donner encore plus d'envergure à votre campagne pour la justice, je vous suggérerais d'en appeler aussi au boycottage des quelques commerces dans le comté de Mercier qui vendent des produits chinois, la Chine étant un autre pays où le bilan des droits humains est un mégadésastre. "

En bref, cela consiste à dire que si on lutte contre une injustice, il faut impérativement être partout à la fois et combattre toutes les injustices semblables. Sinon, on "souffre de trouble obsessionnel". C'est une des choses qu'on reproche à Khadir afin de le dépeindre comme quelque chose qui s'apparente à un malade mental: "L'antisionisme obsessionnel de M. Khadir l'a poussé à aller manifester [...]" disait Lysianne Gagnon le 21 décembre. Apparemment quelques voix sans pores[2] ont pris des notes parce que l'éditorial de la Gazette parle aussi d'obsession en termes très méprisants.

Mais oui, après tout, pourquoi pas. On ne peut pas être que d'un seul combat. Il faut tous les mener à la fois. Pourquoi ne le dit-on pas plus souvent? Quand les militantes de PETA montreront leurs seins la prochaine fois, je leur demandrai avec sagesse: "Mais qu'en est-il donc du trafic d'enfants?" Anonymous attaque la scientologie mais ne s'occupe pas du déversement de déchets nucléaires dans la Volga. C'est pas parce que les gens du collectif en ont rien à foutre: c'est parce que ce n'est pas dans leur champ de compétence.

C'est une évidence qu'un seul individu ou un collectif de taille réduite ne peut pas s'attaquer à tous les problèmes du monde en même temps. Il n'est pas obsédé pour autant. Encore une fois, cet argument est faible. D'autant plus que Khadir s'est souvent attaqué à la théocratie iranienne et que QS, dans un effort désespéré pour rétablir les faits, a publié un communiqué à ce sujet.

On a aussi fait un parallèle entre la cause des Palestiniens et celle des Tibétains opprimés par les Chinois. Je rajoute un parallèle supplémentaire: les Tibétains, comme les Palestiniens, sont victimes de théocrates radicaux, en l'occurence cet homophobe de Dalaï Lama.

Le reste des attaques tombe dans une dangereuse paranoïa qui entre bien dans le paradigme Occident vs barbares. Lysianne Gagnon parle de fanatisme, ce qui est complètement hallucinant. Même après la publication de la lettre de Khadir (il a aussi eu la chance de s'expliquer à l'émission de Dumont, qui a consacré un impressionnant dix minutes à ce "scandale"), elle le répète dans la Presse, juste en-dessous du texte du premier. Par-dessus le marché avec une justification assez pauvre. Elle se défend aussi d'avoir accusé Khadir d'antisémitisme. Et pourtant, son premier texte est sans équivoque quand elle cite un certain M. Durand: "Quand allez-vous badigeonner ses vitrines d'une étoile jaune?". C'est à peine subtil et pas plus honnête. Et elle pense s'en tirer facilement. La conne.

Mathieu Bock-Côté, ce sociologue que je n'ai jamais rien entendu dire de sociologique, est aussi entré dans le bal, sans étonnement à l'émission de Dumont. Ses divagations, reprises à l'intérieur de son article publié dans la Presse, sont totalement surréalistes. Il recrée ainsi une nouvelle famille politique dont on a parlé à quelques reprises dans l'histoire du monde: l'ultragauche[3]. Ce terme est bien choisi parce qu'il fait peur. Ce n'est pas l'extrême-gauche. Ce n'est pas la gauche radicale. C'est l'ultragauche. De quessé que Bock-Côté avait derrière la tête quand il a associé un modéré comme Khadir à ça, fouillez-moi, j'en ai aucune idée. Chose certaine: il le rapproche des groupes révolutionnaires, alors que le député de QS est vraiment très, très réfo. Mais l'essentiel de l'argumentaire de Bock-Côté réside dans sa paranoïa vis-à-vis de ce qu'il perçoit comme un dégoût total de l'Occident répandu dans la gauche. "Même athée ou libertaire, l'ultragauche est bien disposée envers toutes les luttes qu'elle s'imagine en contradiction avec l'Empire." Cela suffit donc à faire de nous[4] des allié-e-s naturel-le-s de l'islamisme! Ce genre de dualité est répandu chez la droite nationaliste...

Mais la palme du sophisme le plus abject revient incontestablement à Joseph Facal.

"Des gens d'affaires éminents, comme Laurent Beaudoin, de chez Bombardier, et Jacques Ménard, de la BMO, soutiennent une collecte de fonds pour financer des activités parascolaires au goût des jeunes de ces écoles [...] Pendant que ces capitalistes infâmes et sans conscience sociale faisaient leur part, le député Amir Khadir faisait la sienne pour mettre de l'avant sa conception très particulière du «progressisme». Il manifestait devant le 4062, Saint-Denis, en compagnie de ses copains du Parti communiste du Canada."

L'autre jour, imaginez-vous donc que j'ai aidé une vieille dame à traverser la rue. Que faisait alors Joseph Facal? Il nouait sa cravate! Et le lendemain, j'ai donné 1$ à un musicien dans le métro. Que faisait alors Joseph Facal? Il prenait son petit-déjeûner!

***

D'une manière globale, on peut affirmer sans craintes que la couverture de la manifestation du PAJU a été incroyablement disproportionnée. Les chroniqueurs/euses ont tout simplement été coupables d'acharnement médiatique à la limite de la diffamation. Et illes ont agi de manière franchement psychotique. Je ne voterais pas pour QS, et cependant je suis frappé émotionnellement par tout le tapage que font les langues sales. Il est en fait une preuve de plus que la voie parlementaire n'est pas facilement accessible à ceux et celles qui désirent le changement. Le pouvoir politique est réellement la sphère des bien-pensants corrompus portant cravate, malette et faisant langue de tout bois. Les gardes du corps du politically correctness, hystériques comme des dindes picossant tout ce qui bouge, sont une armée de chroniqueurs/euses serviles et confortables. Participer à ce cirque nous condamnerait à devenir comme eux et c'est selon moi ce qu'il faut retenir de toute cette histoire.

________

[1] Notez les erreurs d'orthographe et de frappe au passage. La faute dans "israélien" me fait penser aux très nombreuses personnes qui sévissent sur le Net et qui traitent tout le monde d'ignards. Ou des gens qui se veulent des grands défenseurs de la démocracie. Des fois, quand on s'intéresse peu à un sujet, on ne retient pas aisément l'orthographe d'un mot qui est relié à lui. Mais bon, attaquer la forme, c'est un peu injuste.

[2] Expression poétique reprise à Gauvreau et que je préfère cette fois à "crétins".

"Des voix sans pores
Me disent que je mourrai
Enflammé dans la carbonisation.

Ce n'est pas vrai.
Je suis dieu pour mes sourires secrets
Et en vérité je suis noble, franc et plein de liberté! [...]"

[3] Qu'est-ce que l'ultragauche? Historiquement, on peut peut-être parler des mouvements conseillistes à la Rosa Luxembourg. Mais récemment, le même terme a été utilisé, essentiellement par la police française, pour décrire certaines cellules "d'anarcho-autonomes" et/ou révolutionnaires, et/ou d'autre monde avec un nom qu'ils n'ont pas eux-mêmes revendiqué et qui est galvaudé à l'extrême. Mais en bref, quand on parle d'ultragauche aujourd'hui, c'est généralement pour parler d'une sous-catégorie de "terroristes" et faire ben peur. En ce qui concerne mon entourage, je crois être le seul de ma connaissance à avoir déjà revendiqué une appartenance à "l'ultragauche", et c'était à peu près par accident, même si en effet, j'étais à l'époque très, très proche des idées du communisme de conseils.

[4] Le sociologue nous place dans le même groupe.

8 commentaires:

  1. Ça fait un petit bout que je voulais écrire cette chronique. Là c'est fait. Merci de t'être tapé la sale job.

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  2. Une autre réplique: http://nefacmtl.blogspot.com/2010/12/un-spectre-hante-le-quebec.html

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  3. Voilà un texte fort pertinent, Emma. Merci bien.

    Nicolas: c'est correct, de toute façon je bois pas, alors je passe pas mon temps des fêtes à me taper des cuites et des gueules de bois. J'ai du temps.

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  4. Qui donc a référé mon blogue sur Facebook?

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  5. C'est moi, pourquoi? Ça a paru dans tes hits?

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  6. Oui, pas mal.

    Faut dire que le mois de décembre a pas été vraiment fréquenté, alors quand j'ai vu cette petite pointe-là en plein temps des fêtes, je me suis demandé si c'était un-e méchant-e ou un-e gentil-e qui avait posté un lien.

    ;-)

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  7. j ai aussi référé ton blogue sur fb et Natacha aussi^^
    la popularité te guette cher

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  8. Si j'ai créé ce blogue, c'est suite au défi d'un centre-droitiste qui m'avait assuré que si je faisais vraiment l'essentiel pour faire connaître mes idées, j'allais rapidement devenir populaire. Je lui ai demandé en riant comment je pourrais parvenir à faire "vraiment l'essentiel" et il m'a répondu que je devais faire comme M. Untel aux USA qui écrit de la merde sur un blogue et que le monde respecte pour ça. "On va bien voir", que je me suis dit sur un ton de dérision.

    Mais comme tu dis Pwel, voilà, grâce à Facebook, je sors ENFIN de l'ombre! (Ce que je dis pas c'est que presque la moitié de mes fréquentations proviennent du blogue de Bakouchaïev). Le centriste avait raison...

    Voyez comme je me prends au sérieux. Je ne vous raconterai jamais comment j'ai pris la décision idiote d'étudier en langues après ma maîtrise, mais disons que c'est pas mal du même calibre.

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