Introduction
Ce ramassis d'articles d'introduction servira à déterminer les tendances principales et les groupes les plus importants qu'on peut rattacher à la gauche radicale, voire extrémiste, ayant pignon sur rue au Québec. Il s'adressera à un public non-initié ou relativement détaché du milieu militant radical. Il visera aussi à réfuter quelques idées reçues. N'hésitez pas à proposer des modifications ou des ajouts par courriel ou par commentaire, car ceci est un work in progress destiné à démystifier un peu l'obscure nébulosité entourant la situation des mouvements radicaux de gauche. Je tiens à souligner que mon expérience au sein des mouvements radicaux ne me permettra d'avoir qu'une appréciation fragmentaire de la situation.
Afin de mettre de l'ordre dans ce fouillis de petits groupes, je débuterai l'essai en parlant des plus modéré-e-s et nous ne plongerons que graduellement dans l'abîme, en terminant par les collectifs les plus extrémistes.
Dans ce premier billet, je parlerai de deux organismes politiques de gauche comptant des éléments extrémistes, soit Québec Solidaire et L'ASSÉ. Dans des articles à venir (nous ferons de larges pauses entre les chapitres du petit guide, afin de traiter d'autres sujets dignes d'intérêt), je commencerai à me concentrer sur les groupes d'importance moindre et qui ont une visibilité médiatique plus réduite.
1. Québec Solidaire
Contrairement à ce qu'avançait Joseph Facal aux Francs-Tireurs au moment de la formation du Parti, Robert Dutritzac et Antoine Robitaille dans un article du Devoir en novembre, et contrairement à ce que l'on entend de temps en temps dans des discussions de cuisine, Québec Solidaire n'est pas d'extrême-gauche. Le Parti s'est distingué de son aile radicale au cours des dernières élections, pendant lesquelles il a écrit une série d'articles sur les "mythes" entourant Québec Solidaire.
Généralement, les gens d'extrême-gauche souhaitent, sinon une révolution, au minimum un renversement total de la société vers un idéal qui NE PEUT PAS coexister avec le capitalisme, le patriarcat, ou une autre institution structurante visée par le regroupement radical. Québec Solidaire, qui propose une plateforme aux tendances égalitaires, n'est pas en faveur de l'abolition du capitalisme; il tente simplement de lui donner un "visage humain".
De plus, comme nous le verrons plus tard, il est clair que Québec Solidaire n'a pas adopté le même discours, ni les mêmes méthodes que l'extrême-gauche en général. Il n'a pas non plus la même base de partisan-e-s ou de militant-e-s, et ne s'adresse pas du tout au même genre de personnes que les groupes dits extrémistes.
Toutefois, Québec Solidaire compte dans ses rangs des groupes et des individus plus radicaux, tels que le Parti Communiste du Québec, dont la plateforme, plus audacieuse, s'apparente toutefois davantage aux partis de gauche radicale européens qu'aux castristes révolutionnaires de l'Amérique latine. Mais nous en reparlerons.
Notons aussi que Québec Solidaire aurait demandé à certain-e-s anarchistes avoué-e-s de se joindre au Parti, arguant que le parti "présenterait une perspective critique du capitalisme". [1]
2. L'ASSÉ
L'Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante est un des groupes les plus structurés parmi la gauche radicale, et de loin celui qui compte le plus grand nombre de membres, soit autour de 40 000 (le membership est affiliatif par association étudiante locale et donc automatique, ce qui fait que l'ASSÉ compte beaucoup de membres involontaires, comme tout syndicat et à l'inverse de tout autre groupe de pression politique). Ses revenus, tirés essentiellement de la cotisation perçue chez ses membres, est assez confortable (environ 120 000 $ par an) et ses instances, comme ses méthodes, en font un puissant moteur de contestation sociale. Comme plusieurs tendances politiques sont présentes dans ses rangs, l'ASSÉ est aussi un lieu de rencontre et de renouvellement de la gauche radicale.
La plateforme de l'ASSÉ ne peut toutefois pas être considérée comme révolutionnaire. Sur le plan idéologique, elle s'accomoderait plutôt assez bien d'un gouvernement formé par Québec Solidaire (ou du PQ des années 70), même si les porte-paroles du groupe étudiant décrivent généralement celui-ci comme non-partisan et relativement indifférent aux formations présentes à l'Assemblée Nationale. En tant que tel, l'ASSÉ n'est donc pas d'extrême-gauche. C'est un groupe de pression de gauche, dont les idées s'appuient parfois simplement sur la Déclaration Universelle des droits de l'Homme. L'ASSÉ est réformiste, pas révolutionnaire. Ce sont plutôt ses militant-e-s, appartenant souvent à des groupes extrémistes de gauche, qui lui donnent cette couleur caractéristique. Ses méthodes, visant à établir un rapport de force, sont souvent flamboyantes, mais elles restent généralement des exercices tout à fait légaux. Les occupations, manifestations et conférences de presse organisées par l'ASSÉ ne se déroulent qu'assez rarement plus mal que celles organisées par des syndicats en grève. Ce qui change le plus souvent, c'est le traitement médiatique qu'on réserve à l'ASSÉ, la fréquence des actions, et le contenu du discours, qui est beaucoup plus idéologique.
L'ASSÉ est souvent durement critiquée par l'extrême-gauche québécoise, mais les détracteurs/trices gauchistes les plus impitoyables sont souvent ceux et celles qui ne comprennent pas l'importance que joue cet organisme dans la diffusion des idées d'extrême-gauche dans le milieu étudiant, qui est depuis toujours le milieu dans lequel les adhérant-e-s aux idéologies révolutionnaires sont les plus faciles à recruter. C'est par exemple à travers l'ASSÉ que les idées de quelques groupes relativement marginaux tels que Hors-D'Oeuvre[2] et La Mauvaise Herbe[3] se sont le plus diffusées.
______
[1] Ces propos, cités dans certains forums anarchistes, ont aussi été rapportés par Arwen, sur son blogue Ya basta.
[2] Un petit groupe post-moderne surnommé pendant un certain temps "la police de l'anarchisme", oeuvrant surtout au sein du mouvement étudiant mais faisant universellement la promotion d'une vision unifiée du communisme libertaire autour de la pensée de Marx et peut-être de Bakounine. Nous en reparlerons peut-être.
[3] Un groupe anarcho-primitiviste ou anarcho-écologiste.
lundi 29 décembre 2008
mercredi 17 décembre 2008
"Mouton marron" est un nom poche. J'le sais.
Et ne dites pas: "Bien non, c'est même pas vrai." Si vous le dites, vous manquez de franchise ou vous avez vraiment de très mauvais goûts. Les tribulations d'un Mouton Marron compte parmi les blogues avec les titres les plus médiocres du monde, à égalité avec ces "un peu de moi", "Le Québécois Libre", "mon_humble_opinion.com" ou "GB pour Geloso-Breguet" (je me retiens pour ne pas faire la diffamation de ce petit boss adéquiste défroqué "scientifiquement juste" de Geloso, on me dirait que je profite de mon anonymat pour faire des attaques ad hominem) qu'on croise partout. C'est certes inattendu, et en fait c'est un peu ça le problème: c'est tellement un titre inattendu que c'est poche. En plus, ce n'est même pas à propos.
Où sont mes tribulations? De un, je suis bien trop effrayé pour toutes les raconter toutes. Les choses seraient peut-être différentes si j'avais trouvé le moyen de tenir un blogue sans pouvoir être identifié par l'État. (Je tiens à préciser que j'ai sans doute violé les lois moins souvent - et moins dangereusement - que n'importe quelle personne honnête. Quand j'ai la malchance d'avoir à conduire un char, je dépasse rarement 85 dans une zone de 90. J'arrête pour laisser passer les piéton-ne-s et je ne bois jamais d'alcool ou ne fume pas là où c'est interdit. Mais apparemment, les "infractions" que j'ai commises méritent, sinon une arrestation violente, au minimum une agression physique sauvage, une note à mon dossier scolaire ou une fiche avec photo dans les dossiers des limaces en uniforme, voire une shotte de taser.) Et de deux, il ne se passe que très peu de choses dans ma vie depuis le sommet du PSP à Montebello (j'y reviendrai un autre jour).
Où est le Mouton Marron? Je ne suis pas frisé brun. L'utilisation de ce nom de "personnage" tire son origine d'une métaphore poche.
Je vais vous avouer, ma première idée était d'intituler mon blogue La mouche à marde - insecte avec lequel j'ai plus de traits physiques en commun - mais j'avais peur que les gens "sérieux" ne prennent pas la peine de me lire, par dégoût. Or, je veux que les gens sérieux soient dégoûtés à cause du CONTENU, pas à cause du titre.
Les Tribulations d'un Mouton Marron est un titre qui ne fait pas marketing, mais franchement j'en ai rien à faire, parce que je vends rien.
À venir (ces articles seront moins nombrilistes, c'est promis):
- Petit guide sur l'extrême-gauche québécoise.
- Mon serment d'infidélité au pays.
- La liberté doit être un service gratuit, public et universel.
Où sont mes tribulations? De un, je suis bien trop effrayé pour toutes les raconter toutes. Les choses seraient peut-être différentes si j'avais trouvé le moyen de tenir un blogue sans pouvoir être identifié par l'État. (Je tiens à préciser que j'ai sans doute violé les lois moins souvent - et moins dangereusement - que n'importe quelle personne honnête. Quand j'ai la malchance d'avoir à conduire un char, je dépasse rarement 85 dans une zone de 90. J'arrête pour laisser passer les piéton-ne-s et je ne bois jamais d'alcool ou ne fume pas là où c'est interdit. Mais apparemment, les "infractions" que j'ai commises méritent, sinon une arrestation violente, au minimum une agression physique sauvage, une note à mon dossier scolaire ou une fiche avec photo dans les dossiers des limaces en uniforme, voire une shotte de taser.) Et de deux, il ne se passe que très peu de choses dans ma vie depuis le sommet du PSP à Montebello (j'y reviendrai un autre jour).
Où est le Mouton Marron? Je ne suis pas frisé brun. L'utilisation de ce nom de "personnage" tire son origine d'une métaphore poche.
Je vais vous avouer, ma première idée était d'intituler mon blogue La mouche à marde - insecte avec lequel j'ai plus de traits physiques en commun - mais j'avais peur que les gens "sérieux" ne prennent pas la peine de me lire, par dégoût. Or, je veux que les gens sérieux soient dégoûtés à cause du CONTENU, pas à cause du titre.
Les Tribulations d'un Mouton Marron est un titre qui ne fait pas marketing, mais franchement j'en ai rien à faire, parce que je vends rien.
À venir (ces articles seront moins nombrilistes, c'est promis):
- Petit guide sur l'extrême-gauche québécoise.
- Mon serment d'infidélité au pays.
- La liberté doit être un service gratuit, public et universel.
jeudi 11 décembre 2008
Un vieux texte sur l'indépendance du Québec
Je viens de faire un peu de ménage dans mes documents et je suis tombé par hasard sur ce texte écrit alors que je commençais mon bacc, il y a quelques années, et que mes sympathies anarchistes étaient encore à l'état larvaire (autrement dit, j'étais encore au PQ). C'est tiré d'un courriel envoyé à un marxiste libertaire quelconque qui ne voyait pas d'intérêt dans l'indépendance. Le problème de cette argumentation, comme l'a intelligemment remarqué une de mes amies, est que je n'ai que peu d'exemples pour illustrer toute cette théorie pas très évidente. Mes conceptions de "nation" et de "peuple" ont également évolué depuis. Il va donc de soi que je ne suis plus d'accord avec ces quelques lignes.
Considérez ce texte comme une réponse à Anarcho-Pragmatiste, qui dans son dernier billet, nous renvoie à son antique essai: Vive la séparation du Québec.
***
Je soutiens l'indépendance pour plusieurs raisons qui répondraient peut-être à quelques-unes de vos interrogations - je ne prétends toutefois pas détenir la vérité, et je n'ai pas de certitudes profondes à cet égard.
Sociologiquement, anthropologiquement, historiquement, prenez les mots que vous voulez, le peuple québécois existe en tant qu'entité plus ou moins cohérente. Ce n'est hélas pas une illusion: les Québécois-e-s forment un groupe, une collectivité possédant une culture unifiée, même s'il y a des disparités régionales ou même individuelles (celles-ci sont relativement peu importantes en comparaison d'autres peuples[1]).
Et si on ne prend pas en considération les points de vue les plus anarchistes (que je partage aussi souvent), on peut reconnaître facilement l'importance pour un peuple de se gouverner lui-même, avec ses propres institutions qui répondent à ses besoins, et qui représentent au mieux la mentalité, l'espace moral et la culture en général du peuple en question.
Il est d'importance plus majeure encore qu'un organe de gouvernement absentéiste ne vienne pas prendre de décisions affectant directement la vie des membres de ce peuple. C'est ce que fait Ottawa, présentement, avec les peuples québécois, autochtones et canadiens-anglais. C'est ainsi parce que pour ne pas avoir trop recours à l'oppression, le gouvernement règne par COMPROMIS; il rend donc insatisfaite l'entière population. Dans ce cas précis, il ne peut donc exister de véritable démocratie. Les minorités seront toujours écrasées ou assimilées, même au sein d'un régime centralisé et utopique: la simple différence de culture des différents peuples peut faire d'une loi utile ici une loi répressive ailleurs. Au-delà de la culture, les disparités dans le climat, la densité de la population et d'autres facteurs de ce genre peuvent rendre impossible la gestion d'un État trop diversifié et trop étendu.
De plus, la vassalisation du groupe québécois à la fédération canadienne en fait implicitement un sous-groupe qui ne peut traiter d'égal à égal avec les autres groupes. Il en résulte des informations fausses sur notre situation, des informations colportées partout et qui peuvent devenir des dangers. Par exemple, notre appartenance au Canada (favorable aux politiques belliqueuses) nous expose à des attaques de la part de groupes terroristes, malgré le fait que nous ne l'ayons pas cherché. Éventuellement, des sanctions imposées au Canada peuvent nous affecter également dans des situations anodines, comme dans l'histoire de la vache folle et du bois-d'oeuvre. Tout ça parce que nous ne sommes pas perçu-e-s comme une entité indépendante.
Je pourrais aussi rajouter à ces arguments très prudents la mauvaise couverture médiatique que subit le Québec à travers le monde sans possibilité de contre-attaque. Si les bombes des Basques paraissent aux yeux des étrangers-ères comme des actes de liberté, les lois linguistiques du Québec sont des décrets racistes et dignes d'Hitler.
Il y a aussi l'oppression qu'a subi le Québec par le passé et qui semble encore avoir des effets négatifs sur ses politiques publiques. Au moindre nouveau "trouble" politique, il est à craindre que de nouvelles mesures soient prises contre les citoyen-ne-s par la décision unilatérale de dirigeant-e-s qui, pour maintenir la stabilité, préfèrent présentement adopter une attitude conciliante. Ce ne serait pas le cas dans un Québec souverain, où l'oppression policière pourrait perdurer, mais pas la peur des french separatists, qui justifie souvent des violations de domiciles par les forces policières, par exemple.
Maintenant, pour ce qui est de l'appartenance au monde des travailleurs et travailleuses, j'applaudis[2]. Mais appartenir à un monde de travailleurs et travailleuses, ça ne signifie pas que tous et toutes habitent dans un même pays avec un seul gouvernement central qui fait des routes de la même largeur partout. Ils et elles peuvent s'entraider malgré les différences de langue, de culture, de religion... et de pays.
Je crois finalement que la situation présente condamne le combat pour une meilleure liberté (la vraie, pas la liberté de commerce) et une émancipation des citoyen-ne-s du Québec et du Canada. Comme c'est le compromis qui règle la donne et que les pouvoirs constitutionnels sont divisés, c'est un tiers parti qui commande réellement: le milieu des affaires (dixit: les bourgeois-e-s[3])! Il bénéficie royalement des déchirements et du manque d'autogouvernance des peuples d'Amérique du Nord. Puisque l'intérêt des collectivités citoyennes ne peut plus être directement pris en considération, c'est le poids du gros capital qui fait pencher la balance. Ce n'est pas pour rien que le milieu des affaires du Québec est presque entièrement fédéraliste, et que les partis fédéralistes sont systématiquement les plus à droite. L'indépendance du Québec permettrait aux collectivités de se réorganiser et de ravir le pouvoir aux grandes entreprises - si elles en ont la volonté. Ce ne sera jamais le cas dans un Canada uni, puisqu'il n'existe virtuellement pas de consensus au sein des peuples tant qu'ils ne sont pas autogérés[4].
Aussi, j'ai des raisons de penser que l'indépendance du Québec est un préalable à une révolution sociale. Et puis il faut bien l'admettre, la frontière de la langue nous isole en isolant une grande majorité de la population, même si elle n'isole pas nécessairement les militant-e-s.
Sinon, je n'ai rien à foutre de la Nation québécoise. J'ai à foutre, par contre, de la Nation canadienne: elle me fait peur. Le Canada, c'est encore presque cool quand ses citoyen-ne-s savent pas trop qui ils/elles sont. Attendez que le Canada anglais se reforge un nationalisme concret, nous allons passer un très mauvais quart d'heure.
__________
[1] "celles-ci" renvoie à "disparités régionales", et non "individuelles". Bien entendu, je n'étais pas assez con pour croire que les disparités individuelles sont moins grandes au Québec qu'ailleurs dans le monde. C'était une erreur de syntaxe.
[2] On m'objectait en effet que le but du socialisme, soit la collaboration entre travailleurs/euses de tous les pays, rendait futiles tous les débats sur l'identité nationale, et que la séparation entraînerait la division et l'éclatement de la classe ouvrière canadienne, qui devait s'identifier au monde des travailleurs/euses plutôt qu'au monde des Québécois-es.
[3] Adoption d'un champ lexical marxiste pour plaire à mon interlocuteur.
[4] Je ne suis pas certain de ce que j'ai voulu dire, mais ça m'apparaît douteux.
Considérez ce texte comme une réponse à Anarcho-Pragmatiste, qui dans son dernier billet, nous renvoie à son antique essai: Vive la séparation du Québec.
***
Je soutiens l'indépendance pour plusieurs raisons qui répondraient peut-être à quelques-unes de vos interrogations - je ne prétends toutefois pas détenir la vérité, et je n'ai pas de certitudes profondes à cet égard.
Sociologiquement, anthropologiquement, historiquement, prenez les mots que vous voulez, le peuple québécois existe en tant qu'entité plus ou moins cohérente. Ce n'est hélas pas une illusion: les Québécois-e-s forment un groupe, une collectivité possédant une culture unifiée, même s'il y a des disparités régionales ou même individuelles (celles-ci sont relativement peu importantes en comparaison d'autres peuples[1]).
Et si on ne prend pas en considération les points de vue les plus anarchistes (que je partage aussi souvent), on peut reconnaître facilement l'importance pour un peuple de se gouverner lui-même, avec ses propres institutions qui répondent à ses besoins, et qui représentent au mieux la mentalité, l'espace moral et la culture en général du peuple en question.
Il est d'importance plus majeure encore qu'un organe de gouvernement absentéiste ne vienne pas prendre de décisions affectant directement la vie des membres de ce peuple. C'est ce que fait Ottawa, présentement, avec les peuples québécois, autochtones et canadiens-anglais. C'est ainsi parce que pour ne pas avoir trop recours à l'oppression, le gouvernement règne par COMPROMIS; il rend donc insatisfaite l'entière population. Dans ce cas précis, il ne peut donc exister de véritable démocratie. Les minorités seront toujours écrasées ou assimilées, même au sein d'un régime centralisé et utopique: la simple différence de culture des différents peuples peut faire d'une loi utile ici une loi répressive ailleurs. Au-delà de la culture, les disparités dans le climat, la densité de la population et d'autres facteurs de ce genre peuvent rendre impossible la gestion d'un État trop diversifié et trop étendu.
De plus, la vassalisation du groupe québécois à la fédération canadienne en fait implicitement un sous-groupe qui ne peut traiter d'égal à égal avec les autres groupes. Il en résulte des informations fausses sur notre situation, des informations colportées partout et qui peuvent devenir des dangers. Par exemple, notre appartenance au Canada (favorable aux politiques belliqueuses) nous expose à des attaques de la part de groupes terroristes, malgré le fait que nous ne l'ayons pas cherché. Éventuellement, des sanctions imposées au Canada peuvent nous affecter également dans des situations anodines, comme dans l'histoire de la vache folle et du bois-d'oeuvre. Tout ça parce que nous ne sommes pas perçu-e-s comme une entité indépendante.
Je pourrais aussi rajouter à ces arguments très prudents la mauvaise couverture médiatique que subit le Québec à travers le monde sans possibilité de contre-attaque. Si les bombes des Basques paraissent aux yeux des étrangers-ères comme des actes de liberté, les lois linguistiques du Québec sont des décrets racistes et dignes d'Hitler.
Il y a aussi l'oppression qu'a subi le Québec par le passé et qui semble encore avoir des effets négatifs sur ses politiques publiques. Au moindre nouveau "trouble" politique, il est à craindre que de nouvelles mesures soient prises contre les citoyen-ne-s par la décision unilatérale de dirigeant-e-s qui, pour maintenir la stabilité, préfèrent présentement adopter une attitude conciliante. Ce ne serait pas le cas dans un Québec souverain, où l'oppression policière pourrait perdurer, mais pas la peur des french separatists, qui justifie souvent des violations de domiciles par les forces policières, par exemple.
Maintenant, pour ce qui est de l'appartenance au monde des travailleurs et travailleuses, j'applaudis[2]. Mais appartenir à un monde de travailleurs et travailleuses, ça ne signifie pas que tous et toutes habitent dans un même pays avec un seul gouvernement central qui fait des routes de la même largeur partout. Ils et elles peuvent s'entraider malgré les différences de langue, de culture, de religion... et de pays.
Je crois finalement que la situation présente condamne le combat pour une meilleure liberté (la vraie, pas la liberté de commerce) et une émancipation des citoyen-ne-s du Québec et du Canada. Comme c'est le compromis qui règle la donne et que les pouvoirs constitutionnels sont divisés, c'est un tiers parti qui commande réellement: le milieu des affaires (dixit: les bourgeois-e-s[3])! Il bénéficie royalement des déchirements et du manque d'autogouvernance des peuples d'Amérique du Nord. Puisque l'intérêt des collectivités citoyennes ne peut plus être directement pris en considération, c'est le poids du gros capital qui fait pencher la balance. Ce n'est pas pour rien que le milieu des affaires du Québec est presque entièrement fédéraliste, et que les partis fédéralistes sont systématiquement les plus à droite. L'indépendance du Québec permettrait aux collectivités de se réorganiser et de ravir le pouvoir aux grandes entreprises - si elles en ont la volonté. Ce ne sera jamais le cas dans un Canada uni, puisqu'il n'existe virtuellement pas de consensus au sein des peuples tant qu'ils ne sont pas autogérés[4].
Aussi, j'ai des raisons de penser que l'indépendance du Québec est un préalable à une révolution sociale. Et puis il faut bien l'admettre, la frontière de la langue nous isole en isolant une grande majorité de la population, même si elle n'isole pas nécessairement les militant-e-s.
Sinon, je n'ai rien à foutre de la Nation québécoise. J'ai à foutre, par contre, de la Nation canadienne: elle me fait peur. Le Canada, c'est encore presque cool quand ses citoyen-ne-s savent pas trop qui ils/elles sont. Attendez que le Canada anglais se reforge un nationalisme concret, nous allons passer un très mauvais quart d'heure.
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[1] "celles-ci" renvoie à "disparités régionales", et non "individuelles". Bien entendu, je n'étais pas assez con pour croire que les disparités individuelles sont moins grandes au Québec qu'ailleurs dans le monde. C'était une erreur de syntaxe.
[2] On m'objectait en effet que le but du socialisme, soit la collaboration entre travailleurs/euses de tous les pays, rendait futiles tous les débats sur l'identité nationale, et que la séparation entraînerait la division et l'éclatement de la classe ouvrière canadienne, qui devait s'identifier au monde des travailleurs/euses plutôt qu'au monde des Québécois-es.
[3] Adoption d'un champ lexical marxiste pour plaire à mon interlocuteur.
[4] Je ne suis pas certain de ce que j'ai voulu dire, mais ça m'apparaît douteux.
mardi 9 décembre 2008
Le nombre d'étudiant-e-s
Il va augmenter malgré la hausse des frais de scolarité, en raison de la récession économique.
samedi 6 décembre 2008
La majorité silencieuse s'exprime! (ils étaient soixante)
Vaillant comme je suis, j'ai couru aux deux manifs en faveur et contre la coalition PLC-NPD. Celle du Parti Conservateur ne réunissait que soixante partisan-e-s. La réunion avait lieu devant les bureaux de Stéphane Dion, sur Marcel-Laurin, dans le quartier Saint-Laurent, à Montréal. À l'heure où j'écris ces mots, ils y sont sans doute toujours. Après avoir essayé d'attirer vainement leur attention de l'autre côté de la rue (je voulais qu'ils me regardent pour la photo) en faisant des grands gestes - j'aurais dû leur montrer mon cul, ils m'auraient remarqué - j'ai traversé et j'ai discuté un peu avec la première personne qui m'est passée sous l'oeil; c'était, par un drôle de hasard, une candidate défaite du PCC, une comptable blonde à chapeau noir et à la narine morveuse (morveuse à cause du froid... en fait moi aussi je morvais un peu, mais moi c'est normal, je suis un pouilleux d'anarchiste). Inutile, je crois, de parler des détails de notre entretien: vous ne pourrez qu'en conclure que je me glorifie à ses dépens. Disons simplement que la discussion s'est terminée quand un gros homme antipathique m'a bloqué le chemin et qu'un autre gorille a ramené le caniche derrière la ligne de front. "Tu as le droit à ton opinion", a-t-elle dit en tournant le dos. Quelle phrase de merde, qu'on me sert toujours quand on ne sait plus quoi me répondre ou quand je suis trop chiant avec mes questions. Je n'ai hélas pas encore développé le réflexe de harceler les gens et de provoquer, ainsi, des bousculades qui passent ensuite dans les médias. Alors ça s'est arrêté là, avant même que je traite quelqu'un-e de nazi-e. On peut quand même conclure que les Conservateurs sont des maudit lâches.
Autre détail désagréable: les Conservateurs/trices, qui devaient normalement "prendre la rue" pour "défendre notre démocratie", n'ont bloqué que le trottoir, ce qui forçait les passants à descendre sur la voie. Quelle impolitesse!
Qu'ils retournent donc faire leurs pogroms en Russie ou dans le West Island, à l'avenir.
En tout cas, soixante personnes est un résultat ô combien symbolique de la situation. Cette faible mobilisation montre deux choses: que le PCC est incapable de mobiliser la population, de qui il est sensé représenter les intérêts; et que la "majorité silencieuse", au fond, c'est généralement juste du monde qui s'en câlicent, même quand l'autobus est gratuit.
C'était quoi l'idée de faire ça aussi loin, à la station Du Collège? C'est samedi! Le bureau de Dion est FERMÉ.
***
La manifestation pro-coalition était soutenue non seulement par trois partis fédéraux, mais aussi par des syndicats. Ceux-ci ont sans aucun doute payé la manif: il y avait une scène montée pour l'occasion. Ça a dû coûter une fortune. Ce fut une manifestation statique, animée entre autres par un groupe (Black Out) qui jouait des tounes poches même pas engagées. Ce genre d'évènements, dans lequel un brutal service d'ordre syndical joue le rôle de la police, et où il y a un seul micro (et donc un seul centre d'intérêt, et pas de possibilité d'expression pour le peuple qui s'est déplacé) me dégoûte. Les 2000-3000 personnes présentes auraient dû prendre une initiative et marcher au centre-ville en criant des slogans inventés spontanément plutôt que d'écouter leurs chefs servilement. Ne suivre que les discours plates et prévisibles des gens d'influence, même s'ils sont progressistes, est une activité aliénante. Répétez l'exercice encore une vingtaine de fois et les gens seront tellement aliénés qu'ils voteront pour un gouvernement conservateur majoritaire.
La mobilisation est plus facile chez les syndicats que chez le patronat, et le centre-ville est plus accessible que Saint-Laurent. Cela explique en partie le plus grand nombre de manifestant-e-s pro-coalition. L'autre facteur est clair: les Conservateurs sont des porcs et les Québécois-e-s ne les aiment pas.
jeudi 4 décembre 2008
Le gouvernement de Harper est maintenu.
L'annonce vient de se faire devant Rideau Hall, vers 11h55. Harper est parvenu à convaincre la Gouverneure générale de remettre le vote de confiance et la session de l'assemblée à la fin janvier, après une rencontre qui a duré de plusieurs heures dans la résidence de la Cheffe d'État.
Harper trouve sa légitimité dans la nécessité de stimuler l'économie. Il affirme que l'économie passe avant tout, et que le NPD, le PLQ et le PCC doivent collaborer et travailler ensemble pour le bien du pays. Il n'accepte pas que l'opposition n'ait pas de vision ou de plan pour améliorer la croissance. Il parle également longuement du Bloc Québécois: il ne peut pas concevoir que la coalition présumée soit dépendante de séparatistes. "Notre Canada inclut le Québec. Pour le Bloc Québécois, leur Québec n'inclut pas le Canada. [...] Cette différence transcende toutes les autres différences entre les autres partis [fédéralistes]. Je ne veux pas me mettre en position de dépendre du Bloc Québécois pour gouverner le pays. [...] On doit considérer les partis selon l'intérêt du pays tout entier."
Bref, la stratégie de Harper est de marginaliser le Bloc et de justifier ses actes par deux duperies: la défense de son projet idéologique et l'unité fédérale. Il tente de détourner le débat qui s'oriente actuellement selon un axe gauche-droite et consultation-huis clos vers un débat national. Divide ut regnes; il divise pour régner.
Harper trouve sa légitimité dans la nécessité de stimuler l'économie. Il affirme que l'économie passe avant tout, et que le NPD, le PLQ et le PCC doivent collaborer et travailler ensemble pour le bien du pays. Il n'accepte pas que l'opposition n'ait pas de vision ou de plan pour améliorer la croissance. Il parle également longuement du Bloc Québécois: il ne peut pas concevoir que la coalition présumée soit dépendante de séparatistes. "Notre Canada inclut le Québec. Pour le Bloc Québécois, leur Québec n'inclut pas le Canada. [...] Cette différence transcende toutes les autres différences entre les autres partis [fédéralistes]. Je ne veux pas me mettre en position de dépendre du Bloc Québécois pour gouverner le pays. [...] On doit considérer les partis selon l'intérêt du pays tout entier."
Bref, la stratégie de Harper est de marginaliser le Bloc et de justifier ses actes par deux duperies: la défense de son projet idéologique et l'unité fédérale. Il tente de détourner le débat qui s'oriente actuellement selon un axe gauche-droite et consultation-huis clos vers un débat national. Divide ut regnes; il divise pour régner.
mercredi 3 décembre 2008
mardi 2 décembre 2008
C'EST L'ANARCHIIIIE!!!
Une vraie crise politique, ça faisait longtemps. Les conservateurs descendent dans les rues, comme les Chemises Noires, pour affirmer leur mainmise sur la fédération. Il y aura bientôt des contre-manifs. Les politiciens prouvent de manière magistrale que l'État est dysfonctionnel quand il n'est pas autoritaire, et qu'il est autoritaire quand il n'est pas dysfonctionnel. Les crypto-tyrans sont tirés hors de leur tanière. Les gens de pouvoir, par peur de perdre le gouvernement, sont en train de le détruire.
Il ne faudrait surtout pas que la crise se règle, comme ça risque de se faire dans les prochaines semaines. Ah, si le peuple était un peu plus opportuniste...
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