vendredi 12 février 2010

les sondages biaisés et le mensonge de Courchesne.

Les sondages biaisés

J'enrage quand je vois les bourgeois-es mettre des idées toutes faites dans la tête de nos concitoyen-ne-s. Dans un sondage Léger Marketing commandé par TVA au sujet de nos finances publiques, on demande aux Québécois-es de s'exprimer sur les solutions envisageables afin de mettre fin au marasme.

Voici un exemple de question:

"Les experts prévoient qu'il sera impossible de maintenir les services publics avec les revenus actuels de l'État. En conséquence, préférez-vous:
a) payer davantage pour maintenir les services publics et conserver le niveau actuel (28%);
b) payer le même montant et subir une réduction des services publics (42%);
c) payer moins que maintenant et subir une réduction majeure des services publics (15%);
d) ne sait pas / refus (15%)."

1. "Les experts prévoient qu'il sera impossible [...]"

C'est ce qu'on appelle un argument d'autorité. Qui sont au juste ces experts? Difficile de le savoir alors qu'on répond au sondage. Une petite recherche permet de nous rendre compte que ces experts sont choisis par le gouvernement pour leur biais idéologique, tels que Montmarquette, qui se livre souvent à des exposés devant l'Institut Fraser, Pierre Fortin, qui ne cache pas ses accointances ultraconservatrices - il a été président du CD Howe Institute, auquel il contribue toujours - entre autres.

2. L'argument d'autorité sert à orienter l'esprit des répondant-e-s vers une réponse prédéterminée. Les réponses, dans ce cas-ci, sont imposées par la prémisse fataliste. Si on force des gens à envisager un sacrifice qui, a priori, est inutile, on peut leur faire oublier qu'il peut exister d'autres solutions. Les questions sont souvent artificiellement canalisées pour qu'une réponse puisse paraître plus logique que les autres. C'est le cas dans les choix de réponses précédents, qui ne comptent bien entendu pas celui-ci:

"e) J'encule les experts, je veux payer un montant plus faible et bénéficier d'une augmentation des services."

Aussi, il ne faut pas s'étonner du taux de 15% de NSP/refus.

3. "Payer le même montant".

Cette expression est foutrement habile. Imaginez qu'on vous pose la question. Qu'en comprendriez-vous? Est-ce le "même montant" global envoyé par tous les Québécois et toutes les Québécoises? Ou le montant que VOUS envoyez personnellement au gouvernement? Ce montant comprend-il les tarifs à la consommation? Il est probable que certaines personnes aient compris toutes sortes de choses. Mais admettons que la plupart des gens aient compris qu'il s'agissait des impôts prélevés individuellement:
- Les grosso modo 10% de la population vivant sous le seuil de la pauvreté a certainement choisi en majorité la réponse b), puisqu'elle paie peu ou pas d'impôts et ne peut pas soutenir une hausse... à cela il faut soustraire le vote stratégique des gens qui ont compris l'arnaque;
- Les grosso modo 5-10% de plus riches au Québec ont sans doute suffisamment d'argent pour qu'une réduction d'impôts leur soit favorable: de toute façon ils utilisent en majorité des services de santé et d'éducation privés. Ils ont donc certainement en majorité choisi la réponse c).

Bref, les plus démuni-e-s, qui devraient normalement bénéficier de la réponse a), gonflent paradoxalement les statistiques de la réponse b). Quant aux riches (en excluant ceux qui volent les impôts), ils gonflent sans surprises les statistiques de la réponse c).

4. Le titre dans les médias annonce une interprétation biaisée: "La majorité des Québécois préfèrent subir une diminution des services publics plutôt que de payer davantage pour conserver le niveau de service actuel". On peut en comprendre que la population appuie le gouvernement dans les coupures à venir. Toutefois, on aurait aussi pu dire: "70% des Québécois sont opposés à une diminution de leurs contributions à l'État". Ou bien "Le tiers des Québécois sont en faveur d'une hausse d'impôts sans amélioration substantielle des services".

Toutes les questions (ainsi que les réponses) du sondage sont, à plus ou moins grande échelle, biaisées. Je voudrais manquer suffisamment de cynisme pour m'étonner de cette abomination intellectuelle... qui se retrouve quand même de manière prévisible sur LCN-canoe, la tribune personnelle de Péladeau.

Courchesne delenda est.

Michelle Courchesne parle de "consensus" autour du dégel des frais de scolarité: apparemment, toute la population québécoise, "excluant les étudiants", est en faveur. Sauf que même les sondages biaisés de TVA-Léger Marketing montrent que la population est divisée à ce sujet. Le 20 janvier dernier, on disait que 57% des Québécois-e-s étaient opposé-e-s à la hausse des frais de scolarité dans les universités, et 50% en faveur dans un sondage plus récent. Quant à l'idée de l'instauration des frais de scolarité au cégep, elle n'aurait pas progressé: elle serait passée de 49% à 47%. Les modalité des deux sondages étaient bien entendu différentes et cela explique sans doute les variations.

Il n'y a pas de consensus dans la population sur la hausse des frais de scolarité. La population est divisée sur la question. Cependant, il y a bel et bien consensus sur une chose: personne n'osera se défendre quand le gouvernement imposera ses décisions.

Cela dit, cela n'empêche pas que la ministre soit une sale menteuse.

2 commentaires:

  1. C'est vraiment de l'ostie de marde comme sondage. On évacue complètement le problème des paradis fiscaux et le fait que les entreprises paient peu, voir pas d'impôts au Québec. Il est là le problème. Le gouvernement se prive de sources de revenus. Et c'est pas les étudiants et les étudiantes qui vont règler le problème, ils n'ont pas d'argent.

    C'est en plein le genre de sondage qu'on fait quand on veut obtenir une réponse en particulier. On ne veut pas ici savoir ce que les gens pensent, on veut des statistiques pour appuyer ses propros.

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  2. En effet. Léger Marketing aurait vraiment dû refuser de tenir un pareil sondage. Mais bon, apparemment il y a plus de "Marketing" que de "Léger" dans cette maison de sondages.

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