Mise à jour: Un texte bien mieux documenté (et me devançant d'un jour) a été rédigé par l'étudiant en droit Simon Crépeault sur le même sujet. Il répond aussi à plusieurs autres arguments du gouvernement sur la hausse des frais de scolarité.
***
Plusieurs observateurs/trices affirment que la hausse des frais de scolarité permet de rétablir l'équilibre entre les générations. Guy Breton, recteur de l'UdeM, affirme dans un texte d'opinion:
«Les droits de scolarité actuels et la proportion du coût de la formation qu'ils représentent sont, en dollars constants, une fraction de ce qu'ils étaient il y a 20, 40 ou 60 ans. Il y a ici une question d'équité intergénérationnelle. »
Marc Simard, mon grand insignifiant favori, en rajoute. Il dénonce le sophisme des étudiant-e-s... Mais si le Sophisme avait une mascotte, son costume serait certainement fait en peau de Marc Simard.
« Le graphique reproduit dans La Presse du 15 février démontre qu'avec les hausses de droits de scolarité décrétées par le gouvernement Charest, ceux-ci rejoindront en 2016-2017 le niveau qu'ils avaient en 1968 en tenant compte de l'inflation. »
Le problème avec cet argument, c'est que si la durée 1968-2018 est rigoureuse quand on veut tracer un portrait global de l'enseignement universitaire contemporain au Québec (l'UQÀM a été créée en 1969), elle ne tient pas quand on veut parler d'équité intergénérationnelle.
Les médias nous sortent régulièrement ce graphique depuis bientôt un an:
Donc, pour avoir connu des frais de scolarité équivalents à la fin de la présente période de hausse, il faut avoir étudié AVANT 1968.
Or, la plupart des leaders pro-hausse actuels ont fait leurs études APRÈS 1970. Quelques exemples:
En fait, pour avoir étudié dans une situation similaire aux étudiant-e-s de la fin de la présente décennie, il faudrait être né-e avant 1949. Ce qui nous amène aujourd'hui à un âge minimum de 63 ans, et 69 à la fin de la hausse.
Parmi ceux et celles qui ont payé l'éducation des jeunes ayant profité de frais de scolarité plus bas, il y en a énormément qui sont déjà mort-e-s, et la plupart sont à la retraite ou le seront assurément en 2018. Avec qui essaie-t-on donc d'être équitables? L'équité intergénérationnelle n'est pas rétroactive après la mort. De plus, comme les jeunes risquent de payer gros pour la retraite de leurs aîné-e-s, qui ont pour la plupart profité d'une meilleure accessibilité universitaire qu'eux, la hausse actuelle des frais de scolarité risque d'accentuer plutôt que de corriger les « écarts » observés.
Mais de toute façon, cette notion d'équité[1] intergénérationnelle est totalement creuse. Quand elle est utilisée, c'est non pas pour combattre une injustice, mais réellement pour revenir en arrière. C'est un concept profondément conservateur qui nie tout progrès social. Mais par-dessus tout, il nie l'intention première de tout parent: soit de s'assurer que sa progéniture vivra dans un monde meilleur que le sien.
Et je vais accepter que mes camarades qui débutent actuellement leurs études, qui traversent leur adolescence ou qui sont pas encore nés payent des frais de scolarité plus élevés quand les personnes qui devront bénéficier de cette équité aideront les premiers colons de la Nouvelle-France à défricher leurs terres.
_________
[1] Crisse que je hais ce mot-là.
samedi 18 février 2012
Équité intergénérationnelle - frais de scolarité.
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Intéressante perspective. On pourrait parler de la courbe des salaires aussi.
RépondreSupprimerLe salaire minimum a en effet atteint un pic en 1977. Quant au travail des étudiant-e-s, il augmente aussi de manière assez régulière. Il faudrait aussi comparer le système de l'AFE d'aujourd'hui avec celui de l'époque.
RépondreSupprimerExcellente votre analyse.
RépondreSupprimerJ'en parle également sur mon blogue avec quelques sources de plus, question d'en finir avec les chiffres trompeurs!
Propagez, ça donnera des argument appuyés à ceux qui veulent rectifier les propos mensongers.
http://simoncrepeault.blogspot.com/2012/02/comprehensible-la-greve-etudiante.html?showComment=1329609748293#c2661825147783941588
@Simon: À tomber par terre comme texte, et d'une grande pertinence. J'en suggère la lecture à tout le monde.
RépondreSupprimerParlant de merdeux...
RépondreSupprimerhttp://www.cyberpresse.ca/le-soleil/actualites/education/201202/19/01-4497679-des-etudiants-en-faveur-de-la-hausse-des-droits-de-scolarite.php
Vive nos chaînes!
Et les prisons pour enfants à 7$ (sans augmentation de tarifs depuis des lunes(, ce n'est pas une inéquité inter-générationnelle?
RépondreSupprimerCompare le graphique sur l'évolution des droits de scolarité avec celui de la page 2 de http://www.mels.gouv.qc.ca/sections/indicateurs/pdf/2_9_Indicateurs_fr.pdf . Tu verras que le taux d'accès a augmenté quand les frais étaient gelés et a diminué juste aprés la hausse de 89-90. Et ils osent dire que la hausse des droits n'aura pas d'impact sur l'accès à l'université.
RépondreSupprimerPour la période antérieure à 1984-1985, j'ai trouvé quelques données à la page 17 de http://www.cse.gouv.qc.ca/fichiers/documents/publications/ConseilUniversite/56-1017.pdf . Le taux de fréquentation universitaire (non dû à la croissance démographique) a augmenté de 6,7 % par année entre 1962 et 1970, et de 3,9 % par année entre 1971 et 1978.
Je ne prétends surtout pas que la hausse de la fréquentation est due uniquement au gel, mais ça n'a pas nui...
Merci pour les données. Effectivement, des frais relativement bas ne peuvent pas nuire.
RépondreSupprimerExcellente analyse, j'en ai fais une similaire : http://lahausse.info/Analyse.html. Il faut propager notre message au leader d'opinion
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