vendredi 15 juin 2012

La banalisation de la violence

Au risque de répéter ce qui a sans doute déjà été dit, le prétendu phénomène de banalisation de la violence par les manifestant-e-s, carrés rouges ou whatever, décrit par Jean Charest, est un mensonge éhonté.

Les intellectuel-le-s, chroniqueurs/euses et autres intervenant-e-s qui soutiennent la lutte populaire actuelle ne banalisent pas du tout la violence contestataire. Au contraire, elle est catapultée au rang de péché mortel et d'hérésie par beaucoup. Elle est dramatisée. Le terme « casseurs » en est venu à désigner n'importe qui et à regrouper une masse immense de gens désobéissant-e-s. La gauche de salon en fait des ennemis, des extrémistes, des indésirables. Personne ne se gêne pour dénoncer ces « casseurs » et s'en distinguer. Je l'ai même entendu dans une assemblée de quartier, jointe à une remarque ignorante frôlant le racisme. Tout le monde se réclame un peu naïvement du pacifisme, sans savoir au juste ce que ça implique, sans trop se rendre compte que c'est le plus souvent synonyme d'une attitude simplement passive face aux abus d'une tyrannie.

Ce pacifisme, au sein de la gauche modérée, est sectaire. Charest, lui, voit au contraire une banalisation de la violence. C'est ridicule.

On pourrait refaire l'histoire du conflit à reculons et observer le comportement des acteurs sociaux: ni les médias, ni le public, ni les politicien-ne-s n'ont réellement banalisé la violence des « casseurs ». Le discours est resté le même: la casse nuit à la cause, la violence c'est antidémocratique, blablabla. Charest n'a en fait aucun argument pour montrer un processus de banalisation, à part des tounes de Mise en Demeure qui datent de 2007. La «violence» qui n'est pas dénoncée par la gauche, c'est tout ce qui est compris dans l'élargissement opportun, par le gouvernement, du concept de violence et d'intimidation. Ok. La gauche ne dénonce pas (unanimement) les grèves. Elle ne dénonce pas non plus le port du carré rouge. Mais c'est peut-être parce que c'est pas de la violence...

Il y a certes une banalisation de la violence (et là vous me voyez venir à cent kilomètres à l'heure). Celle de l'État et surtout de sa police. Tout d'abord, il y a eu les politicien-ne-s et certain-e-s faiseurs/euses d'opinion qui applaudissent le travail de la police pendant que les abus connaissent une explosion dès l'hiver. Rappelons-nous de l'épisode du premier blocage du ministère de l'éducation. La police a utilisé du poivre de cayenne un peu partout (dans ma face inclusivement) et poussé des jeunes dans la gadoue. Des jeunes qui bien entendu, ne représentaient aucune menace. Vous vous souvenez? Les images ont spinné pendant des jours. Méchants, méchants flics!

Aujourd'hui, publiez de telles images et ça ne dérange plus personne. Moi-même, je me rends compte graduellement que ça ne me choquerait plus tant que ça. Mais sur le moment, ah, quel scandale ce fut! Et avec raison. Et pourtant, le saccage par la police de bars-terrasses, des actions scandaleuses et dignes d'un État voyou n'a fait que réagir tièdement le public, l'État et les médias. Les questions idiotes de journalistes, à ce sujet, ont d'ailleurs été dénoncées par un propriétaire de commerce. Des  retombées économiques moins miraculeuses deviennent subitement plus scandaleuses que l'impunité totale de policiers qui se conduisent comme une horde de barbares, saccageant tout sur leur passage, répandant la terreur et frappant au hasard.

Entretemps, Amnistie Internationale et l'ONU ont critiqué le Québec pour ses manquements à la démocratie et sa violation des droits fondamentaux. Quelle a été la réponse du gouvernement et des autres leaders autoritaires? La banalisation, justement. « Bah, en Syrie c'est bien pire. » « Bah, à Londres et à Toronto, les lois sont bien plus restrictives. » « Il faut bien assurer la sécurité des manifestants. »

Les gens importants ont maintenant un nouveau mantra: si vous êtes victimes de présumés abus policiers, eh bien vous n'avez qu'à vous plaindre en déontologie. Les gens importants savent pourtant que ce processus ne sert pratiquement à rien. Qu'au plus, on tapera gentiment sur les doigts du flic impliqué deux ans après les évènements. À quand une arrestation massive de flics criminels...

Rejeter des rapports d'organismes internationaux du revers de la main, ce n'est peut-être pas de la banalisation? Ignorer ouvertement les abus policiers, leur donner carte blanche et les applaudir, ce n'est pas de la banalisation?

Charest est maintenant revenu à plusieurs reprises sur son histoire de banalisation, alors que ce sont ses propres conceptions de violence qui ont changé; toute pression et toute perturbation est graduellement devenue violente et/ou intimidante. Encore une tentative maladroite de diversion. Encore une affabulation. Le plus dommage là-dedans, ça reste le fait que du monde y croit.

3 commentaires:

  1. Va falloir mettre à jour le dictionnaire de Novlangue.

    Quand ils disent «liberté», ils veulent dire «exploitation».
    Quand ils disent «démocratie», ils veulent dire «capitalisme».
    Quand ils disent «violence», ils veulent dire «lutte contre la "liberté" et la "démocratie"»

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  2. J'ai dit un truc similaire dans un séminaire étudiant de l'Institut Fraser, un moment donné, et j'ai reçu des menaces de mort qui n'étaient pas en novlangue.

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  3. Quand ils disent "capitalisme", ils veulent dire "social-corpocrasssie".

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