Le livre
Je n'ai bien entendu pas encore eu le temps de lire au complet Pour un Printemps, un livre citoyen, ce projet immense réalisé dans un laps de temps foudroyant par les membres du collectif artistique Artmour.
Mais l'impression que j'en ai jusqu'à maintenant est assez positive. Le concept: des centaines d'auteur-e-s, dont quelques personnalités
publiques, font tenir un texte ou une oeuvre sur une page 8 1/2 par 11. Il y a certes quelques textes un peu étranges qui se rapprochent un peu de l'autopromotion, mais ce problème me semble somme toute assez marginal. Le contenu est très varié et représente assez bien la diversité des points de vue exprimés jusqu'à aujourd'hui au cours du "Printemps Érable", et j'irais jusqu'à dire que ça le dépasse, même. Il y a bien entendu beaucoup de textes souverainistes et patriotiques, mais sans doute pas au point de créer un déséquilibre total. La plupart des textes sont des hymnes à la liberté. Plusieurs sont des délices purs. Le collectif Artmour est vraiment tombé sur des perles d'auteur-e-s.
Les anarchistes, acteur/trices incontournables au sein de ce mouvement collectif, ont plusieurs représentant-e-s. Je ne sais pas s'il y a eu des textes rejetés, mais il est certain que le discours le plus radical n'a absolument pas été mis totalement de côté. Et je trouve ça à la fois rassurant et important.
Beaucoup d'oeuvres ont été composées spécifiquement pour le recueil, d'autres sont emblématiques. Vous connaissez peut-être la petite BD de Lachapelle? Elle fait une page. Elle est dedans. D'une audace formidable. Il y a d'autres photos qu'on connaît assez bien, dont celle du formidable vieillard qui dit:
«J'ai combattu le nazisme
J'ai combattu le fascisme
J'ai détesté Duplessis
Je ne me suis pas rendu à 94 ans pour cela!
Non à la loi 78.»
Pour un Printemps est un album souvenir pour l'intellect. Ce genre d'album qui contient des symboles puissants et des avertissements pour l'avenir. C'est un livre qui vieillira comme un bon vin et qui prendra de la valeur à mesure que les pages jauniront.
J'en reparlerai quand j'en aurai l'occasion.
La soirée
Dès 19h30, un duo de chanteurs est monté sur scène afin de réchauffer la salle avant le départ officiel. Je n'ai au début pas réellement porté attention aux chansons interprétées, mais j'ai failli avaler une gorgée d'eau de travers quand j'ai reconnu «La Semaine sanglante»[1], qui est une de mes chansons révolutionnaires préférées. Je ne croyais jamais entendre ce morceau au Québec, à l'extérieur du milieu libertaire.
Les organisatrices de la soirée et membres actives du collectif Artmour ont fait des présentations assez longues au début, mais pas du tout décevantes. Cependant, quand j'ai remarqué que la soirée avait officiellement débuté avec quarante-cinq minutes de retard, je me suis dit qu'on ne serait pas sorti-e-s de sitôt. C..., qui a aussi participé au recueil, m'a alors lancé avec fatalisme:
« On est pas sortis d'ici avant 2h00. »
Il était 20h45.
Le retard gigantesque, qui s'accumulait à mesure que les lectures se succédaient, est devenu incontrôlable. Il y a de plus eu un chamboulement dans la programmation. Jean Barbe ne s'est pas présenté au micro (absent ou autosacrifié?) et les organisatrices ont décidé de faire passer Dominic Champagne et Hugo Latulippe juste après l'entracte. Étaient-ils attendus ailleurs? J'avoue être resté perplexe. J'ai appris plus tard que la manière un peu foireuse de chercher les lecteurs/trices un-e par un-e dans la salle avait provoqué une grande confusion. C'était sans doute pas intentionnel, donc.
Le plus grave problème n'est pas selon moi venu des organisatrices, mais de beaucoup de lecteurs/trices, qui manquaient cruellement d'autodiscipline. Dominic Champagne, le premier. Je le regardais parler et tourner les feuilles une après l'autre tout en me disant, avec un sentiment de trahison: « Hey, y m'semble qu'on avait dit UNE page! ». J'ai eu le temps de m'ennuyer. Pis d'aller pisser. Pis de revenir...
Il était encore là, le maudit! Et baveux, avec ça, laissant croire à tout moment qu'il terminerait sur une phrase punchée, puis recommençant soudainement sa litanie. Va chier, Dominic! Va chier![3]
D'autres ont ajouté des préambules interminables à leurs textes. Pourtant, la poétesse O.Y. avait donné l'exemple en passant la première: Titre. Texte. Merci. Et c'était bien entendu excellent. Plusieurs personnes m'ont dit que c'était de la faute des organisatrices, tout ça, qu'elles auraient dû limiter les interventions. Je suis pas d'accord. T'es pas censé-e devoir limiter les interventions. Les gens sont censés savoir ce que signifie la décence et la politesse. Quand il est 0h30 et que tu sais que quinze personnes doivent encore passer, tu te grouilles.
Donc:
La faute aux organisatrices? Non. À Dominic Champagne.
Notons quand même qu'à part la longueur du show, ce qui n'était pas un défaut en soi, tout semble s'être très bien déroulé. Chacune des performances en valait la peine. Les groupes de musique ont été bien choisis (Nouzaille, Winston Balafre, Ben Wilkins, Vanwho, Domlebo et Nicolas Pellerin). Si le lancement a souffert de quelque chose, c'est justement de l'abondance de bon-ne-s artistes. Peut-être aurait-on dû en fait couper dans la programmation, au départ, et organiser un deuxième show dans le but ultime de financer le premier!
Je ne pense pas que les gens aient été vraiment choqués par la longueur du spectacle. C'était gratuit. Les gens sont partis quand ils se sont sentis fatigués. La grande majorité ont passé une belle soirée. Seulement, ce fut un peu désagréable pour les lecteurs/trices qui ont dû attendre cinq heures (je blague pas) avant de pouvoir finalement monter sur scène, devant une foule impressionnante de 12 personnes. Moi-même, je devais passer à 22h28. Mais comme j'avais remarqué que l'ordre était chamboulé, j'ai décidé de me signaler une fois et de proposer de sacrifier mon texte. On a refusé de me sacrifier. J'ai alors dit: «ben je bouge pas de là alors» en pointant ma chaise et en me disant qu'on me repèrerait facilement le moment venu.
Je suis passé un peu avant 2h00, en dernier, parce que les bénévoles
m'avaient cherché en vain pendant genre une heure et avaient fini par
abandonner. J'ai trouvé ça très drôle.
Mais des choses comme ça, ça arrive. Ce type d'organisation, des fois ça fonctionne à la perfection, des fois il y a des accrochages. En ce qui me concerne, j'ai eu du plaisir jusqu'à 2h00, alors bon, je m'en fiche. Je suis surtout triste pour Artmour, qui devra peut-être payer un surplus aux proprios du Latulipe.
_____________
[1] Interprétée ici par Les amis d'ta femme.
«Demain les gens de la police / Refleuriront sur le trottoir, / Fiers de leurs états de service / Et le pistolet en sautoir.
Sans pain, sans travail et sans armes, / Nous allons être gouvernés / Par des mouchards et des gendarmes, / Des sabre peuple et des curés. / Oui mais! Ça branle dans le manche / Les mauvais jours finiront / Et gare à la revanche / Quand tous les pauvres s'y mettront»
[3] Pour ceux et celles qui n'auraient pas compris, je blague.
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