lundi 29 décembre 2008

Petit guide de l'extrême-gauche québécoise (1)

Introduction

Ce ramassis d'articles d'introduction servira à déterminer les tendances principales et les groupes les plus importants qu'on peut rattacher à la gauche radicale, voire extrémiste, ayant pignon sur rue au Québec. Il s'adressera à un public non-initié ou relativement détaché du milieu militant radical. Il visera aussi à réfuter quelques idées reçues. N'hésitez pas à proposer des modifications ou des ajouts par courriel ou par commentaire, car ceci est un work in progress destiné à démystifier un peu l'obscure nébulosité entourant la situation des mouvements radicaux de gauche. Je tiens à souligner que mon expérience au sein des mouvements radicaux ne me permettra d'avoir qu'une appréciation fragmentaire de la situation.

Afin de mettre de l'ordre dans ce fouillis de petits groupes, je débuterai l'essai en parlant des plus modéré-e-s et nous ne plongerons que graduellement dans l'abîme, en terminant par les collectifs les plus extrémistes.

Dans ce premier billet, je parlerai de deux organismes politiques de gauche comptant des éléments extrémistes, soit Québec Solidaire et L'ASSÉ. Dans des articles à venir (nous ferons de larges pauses entre les chapitres du petit guide, afin de traiter d'autres sujets dignes d'intérêt), je commencerai à me concentrer sur les groupes d'importance moindre et qui ont une visibilité médiatique plus réduite.

1. Québec Solidaire

Contrairement à ce qu'avançait Joseph Facal aux Francs-Tireurs au moment de la formation du Parti, Robert Dutritzac et Antoine Robitaille dans un article du Devoir en novembre, et contrairement à ce que l'on entend de temps en temps dans des discussions de cuisine, Québec Solidaire n'est pas d'extrême-gauche. Le Parti s'est distingué de son aile radicale au cours des dernières élections, pendant lesquelles il a écrit une série d'articles sur les "mythes" entourant Québec Solidaire.

Généralement, les gens d'extrême-gauche souhaitent, sinon une révolution, au minimum un renversement total de la société vers un idéal qui NE PEUT PAS coexister avec le capitalisme, le patriarcat, ou une autre institution structurante visée par le regroupement radical. Québec Solidaire, qui propose une plateforme aux tendances égalitaires, n'est pas en faveur de l'abolition du capitalisme; il tente simplement de lui donner un "visage humain".

De plus, comme nous le verrons plus tard, il est clair que Québec Solidaire n'a pas adopté le même discours, ni les mêmes méthodes que l'extrême-gauche en général. Il n'a pas non plus la même base de partisan-e-s ou de militant-e-s, et ne s'adresse pas du tout au même genre de personnes que les groupes dits extrémistes.

Toutefois, Québec Solidaire compte dans ses rangs des groupes et des individus plus radicaux, tels que le Parti Communiste du Québec, dont la plateforme, plus audacieuse, s'apparente toutefois davantage aux partis de gauche radicale européens qu'aux castristes révolutionnaires de l'Amérique latine. Mais nous en reparlerons.

Notons aussi que Québec Solidaire aurait demandé à certain-e-s anarchistes avoué-e-s de se joindre au Parti, arguant que le parti "présenterait une perspective critique du capitalisme". [1]

2. L'ASSÉ

L'Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante est un des groupes les plus structurés parmi la gauche radicale, et de loin celui qui compte le plus grand nombre de membres, soit autour de 40 000 (le membership est affiliatif par association étudiante locale et donc automatique, ce qui fait que l'ASSÉ compte beaucoup de membres involontaires, comme tout syndicat et à l'inverse de tout autre groupe de pression politique). Ses revenus, tirés essentiellement de la cotisation perçue chez ses membres, est assez confortable (environ 120 000 $ par an) et ses instances, comme ses méthodes, en font un puissant moteur de contestation sociale. Comme plusieurs tendances politiques sont présentes dans ses rangs, l'ASSÉ est aussi un lieu de rencontre et de renouvellement de la gauche radicale.

La plateforme de l'ASSÉ ne peut toutefois pas être considérée comme révolutionnaire. Sur le plan idéologique, elle s'accomoderait plutôt assez bien d'un gouvernement formé par Québec Solidaire (ou du PQ des années 70), même si les porte-paroles du groupe étudiant décrivent généralement celui-ci comme non-partisan et relativement indifférent aux formations présentes à l'Assemblée Nationale. En tant que tel, l'ASSÉ n'est donc pas d'extrême-gauche. C'est un groupe de pression de gauche, dont les idées s'appuient parfois simplement sur la Déclaration Universelle des droits de l'Homme. L'ASSÉ est réformiste, pas révolutionnaire. Ce sont plutôt ses militant-e-s, appartenant souvent à des groupes extrémistes de gauche, qui lui donnent cette couleur caractéristique. Ses méthodes, visant à établir un rapport de force, sont souvent flamboyantes, mais elles restent généralement des exercices tout à fait légaux. Les occupations, manifestations et conférences de presse organisées par l'ASSÉ ne se déroulent qu'assez rarement plus mal que celles organisées par des syndicats en grève. Ce qui change le plus souvent, c'est le traitement médiatique qu'on réserve à l'ASSÉ, la fréquence des actions, et le contenu du discours, qui est beaucoup plus idéologique.

L'ASSÉ est souvent durement critiquée par l'extrême-gauche québécoise, mais les détracteurs/trices gauchistes les plus impitoyables sont souvent ceux et celles qui ne comprennent pas l'importance que joue cet organisme dans la diffusion des idées d'extrême-gauche dans le milieu étudiant, qui est depuis toujours le milieu dans lequel les adhérant-e-s aux idéologies révolutionnaires sont les plus faciles à recruter. C'est par exemple à travers l'ASSÉ que les idées de quelques groupes relativement marginaux tels que Hors-D'Oeuvre[2] et La Mauvaise Herbe[3] se sont le plus diffusées.

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[1] Ces propos, cités dans certains forums anarchistes, ont aussi été rapportés par Arwen, sur son blogue Ya basta.
[2] Un petit groupe post-moderne surnommé pendant un certain temps "la police de l'anarchisme", oeuvrant surtout au sein du mouvement étudiant mais faisant universellement la promotion d'une vision unifiée du communisme libertaire autour de la pensée de Marx et peut-être de Bakounine. Nous en reparlerons peut-être.
[3] Un groupe anarcho-primitiviste ou anarcho-écologiste.

3 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. Je suis pas sûr que ce soit une bonne idée de mélanger des pommes pis des oranges. C'est-à-dire dans le cas qui nous occupe, des organisations de masse comme l'ASSÉ et des groupes politiques. Je pense que ça joue le jeu de la droite qui vise à discréditer les organisations de masse un peu trop remuantes.

    Sinon, tant qu'à parler de l'ASSÉ, pourquoi tu ne parles pas aussi des organisations de masse qui appuient Québec solidaire (ex: le Conseil central de Montréal de la CSN)? Et puis, ce n'est pas l'ASSÉ qui diffuse les perspectives radicales, ce sont des perspectives radicales qui sont diffusées dans l'ASSÉ. L'ASSÉ ne me semble pas un diffuseur mais un lieu de diffusion. Nuance.

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  3. Je vous remercie pour votre commentaire.

    Je ne joue pas le jeu de la droite, j'essaie de donner un aperçu réaliste. Je juge par ailleurs que la CSN (excluant la FNEEQ) ne compte pas suffisamment d'éléments radicaux et/ou avant-gardistes pour que j'en traite ici.

    Ça ne sert à rien d'essayer de cacher des choses sur l'ASSÉ. Son Conseil exécutif a toujours été formé d'au moins un-e anarchiste, maoïste, ou marxiste-léniniste. Dans certaines instances, les gens d'extrême-gauche ou d'une gauche très, très radicale forment presque la majorité des représentant-e-s.

    Donc, dire la vérité n'est pas jouer le jeu de la droite. Mentir serait jouer le jeu de la droite. Si l'ASSÉ a peur d'être discréditée parce qu'elle compte parmi elle des anarchistes et des communistes, qu'elle se fusionne donc avec la FEUQ: les frileux/euses pourront ainsi livrer jusqu'au bout leur liberticide chasse aux sorcières.

    Et l'ASSÉ n'appuie pas Québec Solidaire, même si plusieurs militant-e-s du parti s'impliquent activement dans le syndicat étudiant.

    Quant à la diffusion des idées, je vous invite à relire ce que j'ai écrit: "L'ASSÉ est aussi un lieu de rencontre et de renouvellement de la gauche radicale." Vous me paraphrasez dans votre commentaire. L'ASSÉ n'est pas un diffuseur d'idées d'extrême-gauche, mais des gens d'extrême-gauche diffusent leurs idées par le biais de l'ASSÉ. Je le sais pour avoir moi-même diffusé mes idées - ou plutôt certaines de mes analyses - d'extrême-gauche grâce à l'Ultimatum, le journal de l'ASSÉ, il y a quelques années.

    Et puis un moment donné, quand les gens ne font pas la différence, il faut bien se réduire à comparer des pommes avec des oranges.

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