La police peut frapper n'importe quand dans une manifestation. Les exemples de Montebello et du premier mai 2008 sont là-dessus équivoques. Avant même de déclarer la manifestation illégale et même de demander calmement aux gens sur place de se disperser, elle peut charger sur une foule constituée massivement par des citoyen-ne-s pacifiques. Comment réagir face à la violence policière? Quel matériel utiliser lors des manifestations? Ce billet va tenter d'esquisser des pistes de réponse. N'hésitez pas à commenter pour compléter ou discuter.
1. Sentir la tension
Bien qu'il arrive parfois qu'on se fasse prendre par surprise, généralement, un affrontement entre policiers et manifestant-e-s se produit après une escalade de la tension. Il est faux de croire que les policiers attendent une provocation vraiment violente pour se livrer à une répression en règle. Il faut donc rester à l'écoute et observer. La présence de l'escouade anti-émeute ne signifie pas elle-même l'imminence d'une charge. Si l'escouade se contente de protéger des lieux stratégiques (postes de police, de pompiers, édifices publics), sans bouger, il y a de fortes chances pour qu'il ne se passe rien de très grave. Observez leur équipement et leur mobilité: ces indices en disent long. Si par exemple une escouade est postée au loin, en rangs, mais ne semble pas bloquer de rue, il s'agit D'UN BATAILLON DE RÉSERVE. Ce qui implique la prévision d'un affrontement. Comme les masques à gaz impliquent l'utilisation de lacrymos.
Surveillez aussi l'attitude de vos camarades. Elle peut traduire une intention de passage à l'acte.
2. Restez avec le groupe le plus imposant
Il est préférable de ne pas former de petits groupes, mais de rester avec la masse la plus importante. Les petits groupes sont plus vulnérables et leur multiplication peut signifier la dispersion de la manifestation. De même, ne permettez pas à la manifestation de se diviser en deux grands groupes distincts, (un à la tête, un à la queue) comme c'est souvent le cas. La police en profite souvent pour couper définitivement la manif en deux et réprimer séparément les deux foules. La manifestation doit préférablement rester une masse relativement compacte, qui s'étend cependant toujours sur au moins un carefour à la fois.
3. Ne vous fiez pas au service d'ordre
Le service d'ordre d'une manifestation est souvent formé par des brutes sans formation qui veulent à tout prix empêcher les choses de se précipiter. Le service d'ordre de la FTQ est réputé pour être souvent allé jusqu'à violenter des jeunes. Informé par les organisateur/trices, ce comité est aussi responsable de l'exécution de leurs choix parfois discutables, faits de concert avec la police. Il peut parfois vous forcer à n'occuper qu'un côté de la rue. Fiez-vous donc à votre esprit critique, et non pas à des dossards oranges. Une police syndicale, ça reste une police.
4. Le matériel: léger et discret
L'attitude n'est pas la seule à compter quand on fait face à la répression policière. Ce que vous apportez peut vous sauver ou vous condamner. Plus que tout, vous devez adapter votre matériel à votre attitude sur place. Comptez-vous rester à l'écart de potentiels affrontements? Optez pour un petit sac à dos confortable et bien rempli. Vous vous sentez l'âme aventureuse? Voyagez léger.
Dans le premier cas, vous constituez le noyau de la manifestation. Si vous croisez des militant-e-s la yueule en sang, il faut que vous soyiez prêt-e-s à réagir. Voilà pourquoi je suggère le port du sac à dos. Ce sac peut contenir:
- une bouteille d'eau d'au moins 500 ml, préférablement 1L.
- une trousse de premiers soins;
- du jus de citron;
- du Maalox dilué à 50% (entre 50 et 100 ml, ça devrait être suffisant);
- un couvre-chef quelconque;
- un foulard, bandana, ou autre pièce de tissu.
- papier crayon.
- appareil-photo.
L'eau est absolument essentielle. Dans mon expérience, lors d'une manif violente, j'ai en moyenne utilisé entre un et deux litres d'eau. La trousse de premiers soins est facultative: généralement, il y a du personnel qualifié pour répondre aux besoins des manifestant-e-s. Mais si vous êtes prêt-e-s à trimbaler une petite trousse, je le recommande fortement. Vous ferez sans doute plus de bien en aidant des blessé-e-s qu'en mettant le feu à des poubelles.
Le jus de citron vise à protéger les voies respiratoires de l'effet du gaz lacrymogène. Distribuez-en généreusement à vos camarades et étendez-en sur votre foulard en cas de besoin, à plusieurs reprises s'il le faut. L'effet des lacrymos peut être néfaste pour la santé des poumons.
Le Maalox est un antiacide qui réduit l'effet des gaz lacrymogènes dans les yeux. L'effet n'est pas prouvé médicalement mais il est fortement documenté. Le Maalox peut être remplacé par du sérum physiologique. N'oubliez pas de diluer le Maalox, sinon c'est dégueulasse. J'utilise généralement une petite bouteille de plastique avec un goulot minuscule, qu'on peut presser pour en faire sortir le liquide. Les blessures aux yeux provoquées par le gaz lacrymogène sont les plus douloureuses et dangereuses. Sans traitement, elles peuvent immobiliser un individu pendant plusieurs minutes. Et les effets, dans des cas rares, peuvent causer des lésions permanentes à la vision. Vous pouvez aussi utiliser de l'eau pour soigner les yeux contre les lacrymos, mais dans ce cas n'ayez pas peur d'abuser. Avec vos doigts (propres et surtout pas contaminés par le gaz), écartez les paupières de la victime, penchez sa tête vers l'arrière et versez un shitload d'eau dans les yeux. Quelques gouttes ne suffisent pas: elles peuvent empirer les choses en provoquant la dissolution rapide des cristaux de gaz.
Le crayon sert à prendre en note le nom des gens arrêté-e-s, des témoins, ou le matricule de policiers (qui le donnent rarement, même si c'est leur devoir).
5. les vêtements
Plusieurs se rendent à une manif costumé-e-s, et ce n'est pas une mauvaise idée car ça rend l'évènement plus festif et joyeux. Par contre, le maquillage peut provoquer l'adhérence de critaux de gaz lacrymo à votre peau, le masque peut bloquer votre vision, et un costume trop voyant peut faire de vous la cible privilégiée de policiers armés de fusils à balles de caoutchouc. Certain-e-s diront que les policiers n'arrêtent pas les clowns: foutaise. Utilisez donc tout costume avec prudence. Personnellement, je suggère une tenue anonyme. Si jamais la répression est forte, vous aurez alors toujours la liberté de vous enfuir dans une rue avoisinante et d'éviter ainsi de vous faire identifier par les flics.
La SPVM utilise maintenant des grenades traçantes. Ça se tire comme des lacrymos mais en explosant ça relâche de la peinture verte. J'ai failli en recevoir une en pleine tronche l'an dernier. Faites gaffe.
Note: Si vous portez des verres de contact alors que des grenades lacrymogènes ont été tirées, RETIREZ-LES!
Arrangez-vous aussi pour ne pas être embarassé-e-s. Si vous comptez servir d'avant-garde à la manif, n'apportez pas de sac. Si vous en avez un, ne laissez rien pendre. Idem pour le foulard ou les cheveux. Lors d'une charge, des policiers pourraient vous agripper et vous blesser. Portez aussi des godasses qui permettent la course.
6. Le masque
Le masque fait de vous une cible privilégiée de la police, et en raison de l'utilisation des balles de plastique (sans doute la menace la plus grave qui pèse sur les manifestant-e-s), vous n'êtes en sécurité nulle part. Portez-le donc avec discernement. En ce qui me concerne, je n'en porte jamais, mais j'en traîne toujours un et même plusieurs dans mon sac. Au cas où je devrais fournir des camarades. Notez qu'un chapeau ou un capuchon peut sans doute suffire à camoufler votre identité.
7. les flics under-cover
Ils se tiennent toujours en groupe de deux ou trois minimum. Ils sont reconnaissables, souvent, au contraste entre leur coupe de cheveux et leurs vêtements, à leur langage, leur ignorance, leur âge et à leur agressivité. Mais il arrive qu'ils soient vraiment plus subtils qu'à Montebello. Gardez l'oeil ouvert.
8. En cas d'arrestation ou pour en savoir plus.
Consultez le guide "Surprise, on a des droits", fourni par le COBP (mais dont le lien est mort sur leur propre site).
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Libellés
anarchie
(48)
arts et culture
(51)
brutalité policière
(98)
capitalisme
(11)
censure
(3)
chroniques de la station Berri-UQÀM
(2)
Chroniques de Saint-Michel
(1)
Chroniques de Villeray
(1)
comment l'anarchie est-elle possible
(8)
conflit israélo-arabe
(4)
CSA
(7)
défense intellectuelle
(42)
divers
(23)
droite
(53)
économie
(15)
éducation
(47)
égypte
(8)
élections
(30)
environnement
(10)
évènement
(41)
fascismes
(14)
féminisme
(29)
fuck you
(1)
G20
(26)
gauche
(30)
grève étudiante
(71)
indépendance
(6)
international
(41)
introspection
(17)
lettre d'insultes
(3)
LGBT
(2)
logement
(2)
loi et ordre
(96)
manifestation
(90)
manifeste
(4)
médias
(65)
merde
(18)
militarisme
(11)
nationalisme
(26)
nouvelle
(1)
opinion
(1)
pauvreté et marginaux
(2)
Petit guide de l'extrême-gauche
(3)
politique
(4)
Premières nations
(2)
privatisations
(6)
Que-sont-mes-amis-devenus
(29)
racisme
(23)
religion
(21)
riches
(9)
santé
(15)
sexualité
(15)
tomate noire
(1)
travail
(19)
tribulations
(38)
Victo
(4)
Wow, ! Quel article, on reconnait ici l'habitué des manifs, c'est vraiment instructif et, je dois l'avouer, inquiétant de réaliser encore une fois à quel point les flics sont équipés dangereusement...
RépondreSupprimerMerci pour ces informations précieuses !
Je n'ai jamais été subi de gaz lacrymogène, mais je pensais que les verres de contact nous protégeaient, comme ils m'ont protégés des "bombes pleurantes" de mon adolescence et des oignons qui font pleurer.
RépondreSupprimerParaît-il que le gaz lacrymogène dissout les verres de contact. Parfois, il peut s'introduire en-dessous et s'attaquer directement à la cornée. Je dois avouer que je n'ai pas de sources scientifiques pour le prouver; c'est néanmoins ce qu'on dit dans le milieu.
RépondreSupprimerC'est peut-être vrai dans le cas des lentilles souples. Moi j'ai des lentilles rigides et je pense qu'elles protègent jusqu'à un certain point. Dans un autre ordre d'idées, moi ce que je ne digère pas dans les manifs, ce sont les agents provocateurs. Combien de manifs qui ont mal tournées se seraient déroulées pacifiquement sans eux?
RépondreSupprimerJe ne sais pas. Certaines manifs auraient sans doute mal tourné pareil. Mais ça aurait été vraiment moins pire. S'il n'y avait pas eu des flics undercover à la dernière manif du COBP, quelques vitrines n'auraient certainement pas été fracassées, dont celle du Pizza Ben.
RépondreSupprimerLeur présence à Montebello a aussi contribué à augmenter beaucoup la tension.
C'est clair en tout cas que ce sont des nuisances.
Et il y a tous ces drames personnels de jeunes arrêté-e-s brutalement et à peu près au hasard par des policiers en civil.
A propos des verres de contact, j ai entendu aussi que ce n etait pas bon, mais plutot parce que le gaz colle dessus ce qui le fait directement attaquer l oeil pour longtemps une fois que le verre a ete en contact avec le gaz...
RépondreSupprimerMais vous lire ca me fait penser que je vais penser fort fort a vous ce 15 mars... Je vais meme m ennuyer de montreal... c est pas peu dire