Le PLQ aurait pu faire une erreur fatale en organisant son Conseil Général dans ma ville d'origine, Victoriaville.
J'espère que la CLASSE, la FECQ (le cégep de Victo est affilié à cette dernière) ou le monde de la place tous seuls (illes en seraient capables!) vont quand même brasser la cage.
Victo: vous connaissez?
Pour votre information, le cégep de Victoriaville a fait seulement une semaine de grève en 2012, et deux semaines en 2005, quoique les étudiant-e-s d'arts et lettres, ainsi que les étudiant-e-s en agriculture biologique[1] aient décidé héroïquement de continuer une grève modulaire pendant un bout de temps. Il est très difficile d'organiser le mouvement étudiant là-bas: petites institutions scolaires, milieu très homogène et particulièrement conservateur, familles souvent peu politisées, taux d'analphabétisme explosif et malgré tout un taux de chômage presque inexistant.
L'étalement urbain extrême (tout le monde veut habiter en campagne, mais près de la ville) rend la mobilisation d'autant plus difficile. L'ambition des Victoriavillois-es n'est pas de faire leur petite vie tranquille et d'habiter en ville, près des festivals (nombreux), du cinéma, des petites épiceries et des cafés-restos-bars (très bons: je recommande le Farniente, le Vieux-Saint-Pierre, et pour finir la soirée, le Shad café; le café culturel, ouvert vers 2004-2005(?) était aussi une bonne idée, mais je ne sais pas si ça a fini par lever), mais de défricher une partie du Mont Arthabaska pour se bâtir un manoir en clabord de vinyle et vivre à flanc de montagne, surtout avec pas d'arbres, parce que les arbres c'est la sauvagerie et ça cache la vue.
Le maire est un opportuniste populaire qui a convaincu les gens de voter pour lui en disant qu'il voulait favoriser les aîné-e-s[2]. Car Victo est une ville de vieux, un ghetto de retraité-e-s qui vivent et meurent dans un quartier qui doit couvrir l'équivalent de la surface d'Hochelag'. Sur 3 km, il y a plus de triporteurs électriques sur la piste cyclable que de vélos. Les vieux sont bien plus typiques de Victo que ne l'est la poutine ou l'humour absurde des Chick'n swell. Même qu'être jeune est sur le bord d'être interdit. J'en ai déjà parlé.
La mobilisation
J'ai fait des manifs à Victo, contre la construction du Wal-Mart entre autres; nous étions rarement plus que dix et encore, la moitié étaient du PQ.
Mais il s'est passé assez de choses pour qu'on puisse déterminer que Victo possède un important potentiel d'anarchie. Un bon exemple: en 2005, les étudiant-e-s de la Polyvalente Le Boisé ont foxé en masse leurs cours pour rejoindre les quelques cégepien-ne-s qui avaient décidé de prendre la rue Notre-Dame-Est et de faire un party immense devant le bureau du député libéral, Claude Bachand. Cette fois-là, nous étions 450 jeunes à bloquer complètement la rue et à danser en plein centre-ville.
Nous avions aussi, la même année, perturbé une conférence de Pierre Reid, le ministre de l'éducation de l'époque, en pénétrant en trombe dans l'édifice de la Commission Scolaire. L'agent de sécurité n'a pas bougé, ahuri. Moins de réflexes que les sanglants Gardas de Montréal? Plus d'intelligence!
Nous avions pris le contrôle de la salle de conférence et un seul honorable représentant du Parti Libéral avait daigné rester: Claude Bachand[3], député ridicule et ancien prof de chimie, qui connaissait personnellement tous les étudiant-e-s et qui, avec son visage poupon qui avait tourné au rouge (comme un gros jalapeño bien mûr), affichait un air trahi.
Je lui ai tendu un nez de clown. « Tenez, vous pourriez donner ça au ministre. » Il ne m'a jamais pardonné cette boutade. Il m'en veut peut-être encore. Sinon, je ressens le désir vaniteux de lui rappeler son dégoût pour moi. Et je regrette de ne pas pouvoir le faire. Je suis vraiment désolé. Il y a le lancement du recueil Subversions II à Québec. J'ai écrit dedans.
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Les activistes de Victo tentent de faire leur part. Mais c'est pas facile. Il y a eu une tentative de créer un campement de Occupons Victoriaville en novembre dernier. Il paraît que c'était cool. Mais Victo compte seulement 43 000 habitant-e-s. Le bassin d'activistes est réduit de facto à quelques dizaines d'individus.
Le milieu communautaire
La présence plus que diffuse des contestataires est palliée par la présence d'institutions dynamiques. Il y a le 40, rue Alice (le Centre d'Entraide Bénévole) et la Place Rita Saint-Pierre au 59, rue Monfette, des édifices dans lesquels sont situés plusieurs de ces organismes. Quelques expériences extraordinaires font aussi de Victo un laboratoire en services sociaux (voir la deuxième note de bas de page).
Il y a plein de gens qui se souviennent qu'à Victo, il y a de la pauvreté et des difficultés. Je voudrais parler de plein d'organismes, mais je vais n'en nommer qu'un seul: l'AGEPA. L'autobiographie d'un des militants de l'AGEPA est d'ailleurs disponible à la bibliothèque DIRA à Montréal: ça s'appelle Une histoire d'engagement social, un livre orange-beige boudiné; il me semble qu'il figure dans la section histoire.
Quoi faire la fin de semaine prochaine
Allez perturber le Conseil Général du PLQ! Victoriaville est trop devenue un havre de paix pour les crosseurs. François Legault et Stephen Harper ont notamment pu y organiser des congrès et consultations dans l'impunité la plus totale. Il faut que ça arrête. Il y a toujours des milliers de visiteurs/euses dans les festivals les plus étranges à Victo. Des gens plein les rues. Il est temps que les Victoriavillois-es soient à la hauteur d'eux-mêmes et fassent annuler ce Conseil Général.
Mise à jour: les gens de Victo ont déjà formé un groupe Facebook dédié à l'hébergement de militant-e-s. L'association étudiante du Cégep semble aussi réagir rapidement à l'annonce et multiplier les démarches. Ça promet! Bravo Victo!
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[1] J'aime parfois croire que c'était grâce à ma suggestion faite à l'AGEECV. Mais ce monde-là a pas besoin de moi pour trouver le moyen de désobéir.
[2]Son prédécesseur, Roger Richard, avait comme passe-temps favori le dézonage et la pollution. Ça ne l'a cependant pas empêché de rendre hommage aux innovations locales en récupération et recyclage (le CFER de Normand Maurice, par exemple) et de se flatter la bedaine en faisant installer une pancarte géante sur l'autoroute, alimentée par un panneau solaire, et disant: "Victoriaville, berceau du développement durable". J'ai toujours dit que la seule chose qu'avait faite le maire pour le développement durable avait été de se féliciter de faire du développement durable.
[3]Claude Bachand:
Adresse : 130, rue Notre-Dame Est G6P 3Z6
Téléphone : 819 758-7440
Télécopieur : 819 758-1583
Courriel : cbachand-arth@assnat.qc.ca
Site Internet : www.claudebachand.ca