J'ai de sérieux doutes sur le nombre de 300 000 personnes avancé par les organisateurs/trices de l'évènement d'hier, qui s'est tenu au centre-ville de Montréal. Oui, il y avait une foule gigantesque, et oui, je me rends de plus en plus compte que la majorité de mes connaissances résidant à Montréal y étaient. Mais 300 000, c'est 16% de la population de Montréal. C'est énorme. De plus, aucune photo jusqu'à date ne me permet d'estimer la foule de manière globale. Et comme le trajet n'était pas assez long et que la maudite main géante empêchait tout le monde de circuler, je ne vois pas comment il a pu être possible d'évaluer autrement la foule qu'au pif.
Le 22 mars dernier, il aurait été pratiquement impossible de compter la foule comme je le fais parfois, par bloc de 20 ou 100 personnes. J'ai calculé selon un débit moyen observé pendant une heure et demie sur la rue Sherbrooke. C'était extrêmement imprécis mais encore possible.
Impossible de calculer le débit alors que la marche est autant ralentie par un tel bouchon. Comment, alors, en est-on venu-e-s à cette conclusion? J'ai entendu dire que d'autres organisateurs/trices se fient essentiellement sur une question d'espace. On se demande combien de personnes rentrent par exemple à la Place des Spectacles, et si la Place des Spectacles est remplie, eh bien il y a environ tant de manifestant-e-s.
Alors bon. En ce qui me concerne, je n'aurais certainement pas estimé la foule à moins de 80 000 personnes. Mais c'était peut-être le double. J'en ai aucune idée, j'étais à l'intérieur et la seule impression générale que j'ai pu avoir, c'est sur le flanc du Mont-Royal, en arrivant au parc Jeanne-Mance.
On peut assez facilement en conclure que les manifestations des derniers mois sont beaucoup plus historiques que les célèbres manifestations des Cols Rouges de 2010, ces contribuables en colère contre le gaspillage de fonds de l'État québécois. Notons que le mouvement semble plus ou moins avoir perdu de sa cohésion, puisque leur site web ne répond plus.
Rappelons aussi qu'une manifestation de plus de 10 000 personnes est en temps normal très rare au Québec. En quelques mois, les étudiant-e-s à eux seul-e-s ont réussi à organiser plus de rassemblements de cette taille que l'ensemble du Québec en peut-être une décennie. L'ampleur de la contestation n'est pas sans précédents - il faut replacer chaque conflit dans son contexte - mais elle est impressionnante.
Le succès de la grande marche du Jour de la Terre est sans aucun doute une conséquence directe de cette mobilisation. Il est impensable que sans le conflit étudiant, "300 000" personnes se soient réunies au centre-ville pour dénoncer le bilan de Charest et de Harper en environnement. Les personnalités et artistes qui se sont chargé-e-s de faire la promotion de l'évènement ne se seraient sans doute d'ailleurs pas déplacé-e-s uniquement pour les femmes innues. Illes ne se sont pas déplacé-e-s à Québec.
Où je veux en venir: il semble y avoir une certaine contamination dans la contestation. Ce n'est bien entendu pas généralisé. Si je crois que la mobilisation est exceptionnelle, je ne nous crois pas du tout en contexte « révolutionnaire », que cette révolution soit un printemps « québécois », « érable », « étudiant », ou whatever. Il est probable que les forces vives de cette contestation ne parviennent même pas à élire un autre gouvernement aux prochaines élections. Et même si un nouveau gouvernement était élu, il est fort peu probable qu'il se sente réellement investi d'un mandat de changement social. L'effervescence est très forte, mais elle reste minoritaire.
***
J'ajouterais quelques remarques sur la manifestation d'hier. Premièrement, j'ai été ulcéré de voir que l'escouade antiémeute s'est déplacée expressément au Parc Émilie-Gamelin pour se livrer encore à un exercice scandaleux de provocation. Rappelons que la CLASSE avait appelé ses membres à se réunir près de l'UQAM afin de se joindre plus tard et en masse au grand rassemblement. Les flics en armure ne sont pas sortis de leur minibus, mais le pick-up haut-parleur du SPVM a donné l'ordre aux manifestant-e-s de bien se comporter, nous avertissant de conséquences terribles en cas d'actes illégaux. Mon petit doigt me dit qu'on n'a pas servi les mêmes avertissements à la "paisible" foule de "300 000" personnes et que cette action policière consistait en un profilage politique particulièrement intimidant. Pourtant, le petit rassemblement de la CLASSE était constitué d'une foule aussi bigarrée que plus loin vers l'ouest: enfants, étudiant-e-s, familles complètes, travailleurs/euses et retraité-e-s, etc.
Je trouve de plus très mauvaise l'idée de permettre au service d'ordre - chargé de former les limites de la «main» - de provoquer une congestion dégueulasse aux abords du parc, et de rendre ainsi la vie de tout-e-s les manifestant-e-s pogné-e-s au milieu très désagréable. Créer un bouchon, dans une manifestation monstre, est dangereux et stupide. De plus, on m'a pratiquement donné l'ordre, à moi et à une co-manifestante, de rester dans un des hosties de doigts de la main, de manière très autoritaire et impolie.
Nous n'avons pas marché assez longtemps: quelques centaines de mètres et c'était déjà terminé. Je trouve que pour des organisateurs/trices qui attendaient plus de 100 000 personnes, le trajet manquait sérieusement d'ambition.
Je remarque aussi que beaucoup des manifestant-e-s pris-es au milieu de la foule, sur la ligne de départ, ont agi de manière irresponsable. Les gens poussaient, promenaient des pousse-pousses au milieu de la masse déjà compacte, rendant toute évacuation pratiquement impossible. Et continuaient malgré tout d'affluer, aggravant le problème. Il aurait pu y avoir des accidents. Pensez-y la prochaine fois. Et là, je parle aux vieux et vieilles qui nous font habituellement la morale sur la vitesse au volant et ou qui veulent nous coller un couvre-feu jusqu'à 25 ans. Ceux et celles que j'ai vu hier pousser tout le monde en tas pour vous rapprocher de l'avant de la marche. Vous manquez dangereusement d'autodiscipline et en plus c'est à peine si vous criez des slogans. Mais c'était pas un festival, hier. C'était une manifestation. C'était politique. Spectacle de Mes Aïeux ou pas.
Ce n'est pas que je ne respecte pas votre manière de vous exprimer, et que je ne suis pas heureux de voir que vous prenez enfin la rue pour défendre une cause. Mais il ne faut pas mettre un certain facteur de risque de côté. Une foule compacte remplie de gens sans jugement est bien plus dangereuse que 1000 émeutiers/ères.
Bref. Je sais bien que vous avez l'habitude de marcher par contingents lors de la marche syndicale du premier mai, de vous faire appeler avant de vous mettre en marche. Je sais que vous êtes habitué-e-s à ce que des haut-parleurs diffusent des bruits de foule à votre place. Mais vous avez pas besoin de ça. Vous avez juste à être créatifs/ives, à prendre des initiatives. Mais surtout, quand vous voyez une foule compacte devant vous, arrêtez d'avancer.
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