lundi 9 avril 2012

Le printemps québécois - pas le mien.

Les tenant-e-s du printemps érable, du printemps étudiant ou du printemps québécois ne m'interpellent que peu avec leurs beaux discours. Habituellement, quand je sais que quelque chose est en train d'échouer, je ferme ma gueule afin de ne pas augmenter les chances d'échec. Mais actuellement, je ne sais juste absolument pas comment on pourrait en venir à entrer dans une nouvelle ère d'effervescence extraordinaire et, pour paraphraser le Refus Global, d'anarchie resplendissante en quelques semaines.

Oui, il y a des choses assez spéciales qui se passent. Par exemple, que les gens se mettent à monter spontanément sur scène dans un spectacle pour s'emparer du micro, comme l'a fait Benjamin Huppé à la soirée "Nous", c'est sans doute un symptôme de quelque chose. Même si c'était pour à peu près rien dire qui sorte de l'ordinaire. Le public habituel de ce genre d'évènements (comme le public du ironiquement plutôt politiquement correct Combat contre la langue de bois, dont j'ai fait partie une fois) est d'ordinaire poli et relativement apathique. Quelques actions d'éclat et manifestations furent aussi mémorables.

Mais peut-on réellement parler d'un contexte semblable au Printemps arabe? Rappelons que cette série d'évènements qualifiés à ce moment-là de révolution avait été déclenchée par une simple étincelle: un jeune Tunisien qui s'était immolé par le feu, désespéré de ne pouvoir gagner sa vie même humblement dans un pays gouverné par un tyran. Il n'a fallu que ça pour que toute la tension, insupportable dans les mois précédents - je l'avais sentie en Égypte - se relâche d'un coup. Un poing fermé qui s'ouvre et fleurit.

Ici, un mouvement de taille respectable essaie de faire plier le gouvernement sur un seul point, sans que la population ne se sente visiblement interpellée par autre chose que la fluidité de la circulation à Montréal. Certes, il y a des appuis, et certains sont de taille. Mais rien de réellement spontané. Pas d'allumette dans la mare d'essence surchauffée. Même les électrochocs d'Aveos et du budget fédéral n'arrivent pas à mobiliser plus que 7 000 personnes pour une marche d'une heure et demie.

Pour mobiliser les foules, il faut encore et toujours passer des tracts pendant des jours, faire de la logistique, annoncer partout, crier à en perdre la voix. C'est plus facile qu'en temps normal. Mais ce n'est pas une explosion. Ce n'est pas le printemps érable. Ce n'est même pas un printemps. C'est la grisaille et le mépris qu'il faut continuer à subir à l'extérieur du cercle de nos allié-e-s politiques. Si c'était un printemps révolutionnaire, il n'y aurait aucun besoin de se justifier sans arrêt, de se défendre dans des points de presse et dans des émissions stupides, de faire des memes sur Richard Martineau.

On aurait pas non plus besoin de leaders, de porte-paroles ou de prolifiques artistes pour parler à notre place.

***

Cet après-midi, quand je suis passé au Carré Berri pour assister un peu au rassemblement pour le Printemps québécois, j'ai remarqué qu'il y avait quand même pas mal de monde: entre 600 et 1000 vers 14h30. Sans doute les mêmes orateurs/trices que d'habitude: Gabriel Nadeau-Dubois (qui a répété le même discours que l'autre jour), Dan Bigras, des syndicalistes, etc. J'ai aussi aperçu Jean Barbe et, je crois, Marie-Ève Rancourt, mais je ne sais pas s'illes ont pris la parole. C'était un bel évènement qui a attiré une belle foule malgré la pluie, bien que je ne partage pas l'enthousiasme de plusieurs participant-e-s.

Si vous voulez vous y rendre et tenter d'inscrire votre nom sur la liste des discours (je sais pas si c'est encore possible), vous avez, il paraît, jusqu'à 22h00.

Et si vous voulez alimenter la lutte, vous pouvez aussi participer, samedi le 14 avril, à la marche pour un printemps québécois, qui débute au Parc Jeanne-Mance, à Montréal.

Même si je ne crois pas que nous allons vivre des changements importants au cours des deux prochains mois, il y a quand même de faibles chances pour que le mouvement croisse lentement jusqu'à mener à quelque chose d'incohérent, de chaotique, de désordonné, d'indiscipliné, et de savoureux. Il n'y a pas qu'une seule manière de déclencher une révolution. Il n'y a pas que le printemps qui soit favorable à la liberté.

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