Le centre-ville de Montréal était cerné de flics. Un nuage de gaz irritant l'a complètement recouvert pendant une bonne demie-heure. De Saint-Laurent à Berri, les passant-e-s toussaient, parfois à en cracher leurs poumons. Je ne comprends pas pourquoi les flics ont eu tant recours à ces émanations toxiques pour disperser une manifestation qui ne s'est, justement, jamais dispersée.
La foule était beaucoup trop compacte et le risque de panique collective trop élevé. C'était vraiment, vraiment une mauvaise idée. Quand les gens, qui n'avaient aucune idée que la manifestation était devenue illégale, se sont mis à reculer, des appels au calme ont fusé de toutes parts. Quelques badauds, plus lâches que les autres, ont continué de pousser, manquant de piétiner des jeunes.
On m'a demandé au moins dix fois ce qui se passait, en m'arrêtant sur un coin de la rue. J'ai fini par me décourager de tout expliquer. À la fin, je pointais seulement l'immense nuage de gaz qui se diffusait sur Sainte-Catherine. «Il se passe... ça.» Pendant que tout le monde courait à en perdre haleine, un journaliste, ne comprenant rien à l'urgence de la situation, a demandé à un médic s'il pouvait répondre à quelques questions. Celui-ci s'apprêtait à s'occuper d'une jeune femme au visage et aux yeux rougis. «Pas le temps», a-t-il répondu sèchement au jeune reporter.
La foule s'était divisée. Les gens criaient. La plupart remontaient un bout de foulard sur leur nez pour éviter de respirer l'air devenu difficilement respirable.
***
Qu'est-ce qui a mené à un tel chaos? Pas mal de choses. Des chandelles romaines - pas vraiment aussi dangereuses que la police le prétend - ont éclaté. Ça, c'est illégal. Ensuite, des adeptes du Black Bloc ont décidé de frapper des cibles; illes ont été très sélectifs/ives en ne s'attaquant uniquement qu'aux banques. Plusieurs vitrines ont éclaté. Les activistes ont été plutôt avares: une vitre par banque seulement, et on passe à la suivante. Le manège a duré plus d'une dizaine de minutes, pendant lesquelles des pacifistes huaient les anarchistes. Apparemment, cette tension aurait provoqué des accrochages physiques.
Puis, les gens de l'arrière nous ont appris que la manifestation avait été déclarée illégale. Mais la foule était immense. Minimum 7 000. Comment une telle foule peut-elle se disperser? Une foule qui n'a aucune idée qu'elle est en train de commettre une infraction?
Quelques minutes plus tard, la tête de la manifestation se fait charger et gazer. Tout a déboulé à partir de là.
Je n'ai rien vu après ça. J'ai entendu dire que des voitures avaient été vandalisées, d'autres auraient flambé. J'ai remarqué qu'à un certain moment, plusieurs dizaines d'individus qui ne semblaient pas du tout être des étudiant-e-s s'étaient regroupés de manière plus ou moins organisée. Dont plusieurs gens visiblement intoxiqués par l'alcool. Des bums du centre-ville, un peu désœuvrés? Des jeunes fatigués de magasiner, de boire et soudainement dégrisés par le désordre?
L'attaque des banques et de la méga-librairie Chapters, c'était signé. Mais qui s'est attaqué-e à la vitrine de la petite boutique de chapeaux de la rue Sainte-Catherine?
Tir manqué? Émulation maladroite des Black Bloc par des gens qui ne comprennent pas tout à fait l'objectif de cette tactique? Casse gratuite faite par des ivrognes qui n'ont pas eu droit à leur émeute du CH? Ou attaque sincère vis-à-vis d'un commerce qui ne vend pas des chapeaux éthiques? J'aimerais bien le savoir.
De mémoire, cette manifestation fut la plus grosse jamais réprimée à Montréal. Jamais, dans la métropole, autant de gens ont été visés simultanément par la violence policière.
jeudi 26 avril 2012
Hostie de grosse manif.
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Si ce n'était pas des anarchistes, la manif n'aurait jamais été déclaré illégal par la police. La police attendait qu'il y est de la casse pour agir.
RépondreSupprimerParfois, j'ai l'impression que les anarchistes cherchent constamment à récupérer le mouvement étudiant comme si le mouvement étudiant leur appartenait. Qu'il organise des manifs pour eux d'accord, mais qu'ils détournent une manif en prétendant que leur action est représentatif du mouvement sans les avoir consulté avant d'agir, je ne trouve pas cela très correct.
Il ne faut pas essayer de stigmatiser les anarchistes dans cette histoire. Une bonne frange des anarchistes ne participent jamais à la casse. Beaucoup font plutôt partie des équipes de médics.
RépondreSupprimerJe vous assure que la police aurait trouvé le moyen de déclarer la manif illégale sans la présence du Black Bloc.
Et ce sont aussi très souvent des anars qui organisent ces manifs. Il n'y a absolument pas de récupération.
Je ne cherche pas à stigmatiser tous les anarchistes, mais je constate que les black bloc depuis le début de la grève nuise plus à la cause étudiante qu'elle lui apporte un soutient et cela même s'il y a des anarchistes médics pour contre balancer leur action.
SupprimerJ'aime pas les banques plus que quiconque, mais quest-ce que ca donne de briser une vitre?
RépondreSupprimerCa vas leur couter un gros 200$ reparer ca, pis cest certainement pas le PDG qui va se taper la job.
Ceci dit, c'est clair que dans les manifs ou j'etais present, a chaque fois les quelques casseurs servent de pretexte a la police pour taper sur tout le monde et fermer chaque manif.
Cest comme si au festival de jazz t'as 5 ivrognes qui brisent des vitres et l'anti emeute commencent a varger sur tout le monde.
Avec des policiers pris en flagrant delit deguisés en manifestants avec des roches, c'est a se demander qui fait la casse vraiment, tellement ca sert au "nettoyage" que la police veut faire.
La plupart du temps, ce sont des manifestant-e-s, et non des agent-e-s provocateurs, qui cassent des vitrines. Quand tu défends une cause et que tu prends des risques en crevant une vitrine, c'est un peu insultant de se faire traiter de flic. Je ne crois pas à la théorie du complot, même si j'ai assisté à la fameuse scène de Montebello en 2007.
RépondreSupprimerMaintenant, pour ce qui est de vitrines de banques pétées, eh bien... je sais pas à quoi ça sert sur le plan stratégique. Et c'est pour cela que dans certaines circonstances, je reste perplexe.
C'est sans doute juste très défoulant de le faire, tout en sachant qu'elles sont responsables de tant de misère. Dommage que plein de leurs victimes, écrasées de dettes, soient les premières à dénoncer le traitement que peuvent réserver une poignée d'anars aux banques. "Vive nos chaînes", comme dirait Falardeau.
Notez aussi que lors de plusieurs manifs, il y a de la casse légère sans que la police n'intervienne. Elle a le choix entre sacrifier quelques vitrines ou les droits de milliers de personnes. Pourquoi la responsabilité de la répression incomberait seulement au BB, dès lors? On sait que les flics sont caves.
Les témoignages se multiplient sur les réseaux sociaux.
RépondreSupprimerhttp://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=10150779027831904&id=685946903
Ca pas vraiment une theorie du complot, cest juste que ca sert pas a grand chose de peter une vitre, et cest si utile aux medias pour peinturer les manifestants en gros mechants et justifier la brutalité policiere.
RépondreSupprimerTu te dis qu'un activiste qui y pense 3 minutes devrait s'arreter a la meme conclusion.
Je dis pas que chaque vitrine cassée est un agent provocateur, plutot que les medias sont vites a pointer du doigt des gens masqués quand rien n'as ete prouvé sur l'identité de ceux ci.
Oui, c'est une théorie du complot. Et je reconnais que tout le monde ne peut pas arriver à la même conclusion que moi. Tout le monde ne pense pas de la même façon, personne n'a la même expérience.
RépondreSupprimerFaites-moi confiance, la majorité des BB ne sont pas des agent-e-s provocateurs. C'est du monde très ordinaire avec des parents, des ami-e-s, qui aiment la vie et qui vandalisent les banques bénévolement.
Alors simplement dire que l'identité de quelqu'un qui commet un acte n'est pas connue constitue une théorie du complot, ah ok...
RépondreSupprimerPour quelqu'un qui me fait des remontrances sur les conclusions rapides t'as l'air a pas mal etre certain de pouvoir identifer chaque personne en dessous d'un baklava.
C'est une théorie du complot que d'assumer tout le temps que ce sont des flics undercover qui ont brisé les vitrines.
RépondreSupprimerJe ne connais pas tous les anars de Montréal, loin de là, et assez peu parmi les insurrectionalistes. Je me sers seulement de mon jugement et je pèse le pour et le contre. J'essaie de déterminer ce qui est le plus plausible et ce qui est peu probable.
Des nouveaux témoins disent avoir vu un manifestant cagoulé briser une fenêtre avant de disparaître derrière l'antiémeute, hier. Mais même si on avait des preuves substantielles plutôt que des témoignages vagues, cela ne signifie cependant pas que la majorité des "casseurs" étaient des flics.
La seule preuve suggérée, c'est l'opération de la SQ en 2007 et peut-être le rapport Keable, qui date de plusieurs décennies. Dans les autres circonstances, jusqu'à preuve du contraire, les agent-e-s undercover ont simplement terrorisé la foule en sortant leurs matraques télescopiques en plein milieu d'un attroupement ou en faisant des arrestations arbitraires.
Les flics sont souvent cons, brutaux, tyranniques, machistes, racistes, mais les manifestant-e-s n'ont pas besoin de leur aide pour vandaliser les banques.
Et ceci n'est pas une conclusion rapide. Je la tire de mon expérience.
Sans endosser Stirner, je crois cependant de bon ton de ressortir son mantra : «Je n'ai basé ma cause sur rien».
RépondreSupprimerLa cause n'est rien sans nous qui la portons, d'ailleurs.
Y'as des policiers en grande-bretagne qui ont passé des années undercover, meme eu des enfants avec des femmes, sans qu'elle ne soient jamais au courant de leur double identité.
RépondreSupprimerhttp://boingboing.net/2012/01/21/undercover-uk-cops-infiltrated.html
En 2001 en italie, lors des manifestations de Geneve, des policiers ont été filmés en train de se deshabiller de leur linge "black blocs"
Pis oui en 2007, il se sont fait pogner a Montebello.
Je prends pas ca de nulle part. J'ai pas ete assez precis par contre, je ne voulais certainement pas dire que tout les casseurs etaient des flics, mais bon, ca fait pas de mal garder tout ces incidents a l'esprit.
Mon but etait aussi de dire qu'une des manieres de combattre la repression a Montreal pourrait etre de marteler publiquement que c'est anti-democratique de toujours casser les manifs des que 1% de la manif brise une vitre.