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Cher M. Stéphane Gendron,
comme plusieurs autres étudiant-e-s en grève, j'ai été sidéré de lire votre déclaration violente et nauséabonde, relayée par les médias de masse au cours des dernier jours. J'ai ressenti, au moment de prendre connaissance de vos propos, une grande colère. Je me suis demandé combien de gens, vous considérant comme une autorité en la matière, verraient dans votre déclaration une sorte d'approbation des actes de violence qu'ils pourraient poser éventuellement à l'égard des activistes étudiant-e-s. Je me suis demandé, avec plus d'inquiétude que de colère cette fois, combien de policiers/ères vous lisent, et à quel point le comportement de certain-e-s d'entre eux pourrait être modulé par une telle incitation à la violence contre des citoyen-ne-s dérangeant-e-s mais tout à fait paisibles.
On sait que les policiers/ères, se distinguant d'autres corps de métier par leur agressif sentiment d'appartenance, ne figurent pas parmi les individus les plus difficiles à influencer par un appel à la violence, au racisme ou à d'autres formes de discrimination.
Le fait que vous ayez pu rester prisonnier du trafic aussi longtemps - peut-être devriez-vous songer à prendre le transport en commun la prochaine fois au lieu de contribuer à l'engorgement - sans pouvoir consacrer ces longues heures à trouver des phrases plus poétiques que « Câlisse on veut aller travailler bande d'esties de puants sales » est selon moi signe d'une absence totale de génie. Eh quoi ? Pas une seule figure de style ? Même pas les habituelles allusions sexuelles, typiques du rôle de gros épais que vous jouez à la télé ?
Notez que j'ai réfléchi longtemps avant de vous envoyer ce message, hésitant entre une lettre soupesée et diplomate, dans laquelle je vous aurais expliqué pourquoi les étudiant-e-s avaient sans doute commis ce geste irréparable, et une pure lettre d'insulte. J'aurais pu essayer de vous faire ressentir, par empathie, le désespoir de plusieurs jeunes face à la situation globale de notre système d'éducation postsecondaire.
Mais plusieurs choses m'ont découragé de tenter de vous convaincre. Tout d'abord, le fait que vos ayez choisi de dénoncer si violemment un mode d'action auquel vous avez vous-mêmes eu recours il y a quelques temps, avec toute l'impunité du monde, me laisse croire que vous êtes un individu irrationnel. Ensuite, vos décisions absurdes et dignes d'une junte militaire, comme celle de déclarer un couvre-feu pour les jeunes à partir de 22h30 il y a quelques années, remet votre récente déclaration en perspectives. Cela dit, inutile de revenir si loin dans le passé : votre suggestion de faire appel à l'armée pour « bastonner » des étudiant-e-s sans armes est en soi un argument suffisant pour vous placer dans la catégorie des fiers héritiers intellectuels de Göring.
Voilà donc le dilemme auquel je fais face : tenter de dialoguer avec un mini-tyran tel que vous est-il une perte de temps ? Je ne suis pas idiot. Votre brutalité verbale vous disqualifie en tant qu'individu sensé. Les gens comme vous, en fait, qui ne veulent s'exprimer que par la force ne comprennent hélas qu'une seule et même chose : la force.
Vous rendre la pareille en vous insultant vertement m'apparaît donc, sans être particulièrement serviable pour la cause, bien plus pédagogique.
Peut-être qu'un flot de lettres vous fera un jour comprendre que vous traversez depuis longtemps une phase de négation presque schizophrène ; que l'État de droit dont vous rêvez n'est en fait qu'un autre État policier et que vous n'êtes, au fond, qu'un petit Napoléon sur son cheval de bois, brandissant une cravache ridicule en hurlant.
Je vous souhaite tout le bien du monde, et surtout de vous trouver enfin une bonne place dans un hôpital psychiatrique.
Au revoir,
c'est signé.
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