Nous disposons de peu d'informations sur la nouvelle proposition du gouvernement, dans laquelle serait notamment inclue un « grand forum », selon Le Devoir, sorte d'États généraux de l'éducation. Je me demande cependant sérieusement si ce nouveau forum ne risquerait pas d'être une répétition ultime du dernier «forum» sur l'éducation, pendant lequel toutes les organisations raisonnables ont dû claquer la porte.
Charest et son gouvernement corrompu n'ont obéi qu'à un seul impératif depuis le début de la crise: satisfaire leurs alliés du milieu des affaires, qui sont de plus en plus présents dans le monde de l'éducation postsecondaire. Combien d'hommes et femmes d'affaires profiteraient de l'occasion pour parasiter les discussions, avec l'appui bienveillant du PLQ?
Un des seuls gains de quatre mois de grève peut-il être un simple spectacle de marionnettes?
J'avoue que la grève m'a radicalisé, comme elle a radicalisé plein de monde. Non pas dans mes aspirations, qui n'ont du reste pas changé, mais dans ce qui est nécessaire à mon contentement. En effet, à défaut de pouvoir vivre dans un monde libre, avant, je me serais contenté d'une éducation gratuite, émancipatrice et de qualité dans une société relativement saine. C'est pour ça, entre autres, que j'ai manifesté. J'avoue avoir manifesté et écrit dans l'espoir de voir naître des réformes. Malgré mes espérances profondément révolutionnaires (et déçues avant même de s'insinuer dans mon esprit).
L'urgence de vivre et revivre l'anarchie
Maintenant, il n'y a qu'un seul mot qui parvienne à se frayer un chemin jusqu'à mes lèvres: anarchie. L'anarchie, c'est la seule chose que je suis prêt à accepter et à rechercher. En-deçà, il n'y a aucun compromis acceptable. Je ne peux prôner aucune négociation. Le seul dialogue possible ne peut servir qu'à démontrer l'absurdité du concept d'autorité.
Ce n'est pas seulement une question de désillusion face à notre pouvoir politique vis-à-vis du gouvernement. Je savais déjà que nous allions perdre, que le système est pourri et répressif. En revanche, je n'avais pas prévu que nous nous rendrions aussi loin. Pas prévu non plus que malgré tout le chaos, tous les sacrifices, tous les moyens de pression, le gouvernement et cette hideuse chose qu'est l'opinion publique[1] ne cèderaient pas de terrain. Imaginez la lutte nécessaire à une réforme du régime, qui conduirait à la proportionnelle et des élections à date fixe. Ou simplement à la fin de la corruption. Imaginez maintenant les mêmes efforts mis dans une société déjà libérée: les effets auraient été explosifs. Il y a certains mécanismes qui visent juste à nous ralentir. Les huiler demande plus d'efforts que s'en débarrasser, simplement.
Je n'avais pas prévu non plus goûter à l'anarchie en face de chez moi. C'est arrivé sur la rue Cartier il y a une semaine, lors des premiers balbutiements du mouvement des casseroles. C'était une anarchie diluée, mise en pratique par des gens qui ne savaient pas vraiment ce qu'ils faisaient (mais ils le faisaient bien!). Des enfants, des immigrant-e-s, quelques adultes et une lointaine voisine crinquée que je connais un peu et qui transforme tout ce qu'elle touche en or. C'était une anarchie ténue et floue, mais assez pour qu'elle sorte de l'anarchie théorique (ou l'anarchie d'anarchistes) et assez pour que que j'en devienne accro.
Plusieurs commentateurs/trices dénoncent le fait que nombre de «casseroleux/euses» ne savent pas pourquoi illes tapent sur des casseroles. Certain-e-s vont même jusqu'à en faire un symptôme du conformisme indécrottable qu'on attribue souvent avec un grand mépris aux Québécois-es[2]. Pourtant, illes ont plus à craindre, justement, des gens qui font ça par pur plaisir de faire du bruit que des gens qui le font pour dénoncer la loi 78, la corruption, la hausse des frais de scolarité ou n'importe quoi d'autre. Les gens qui font des trucs par sens du devoir sont bien moins dangereux que les gens qui font les mêmes choses par plaisir.
___________
[1] Elle existe, hélas, tant que les gens y croient ou lui donnent de nouveaux noms, comme la «majorité silencieuse».
[2] Les gens (habituellement de droite) qui disent ça font toujours la promotion d'un conformisme parallèle, basé sur le culte de la personnalité de quelques riches, surnommés dans ce contexte « gens qui réussissent », ou « créateurs de richesse ». Ce n'est pas un caractère libéral qui leur fait tenir ce genre de discours, mais leur aigreur. Illes sont habitué-e-s aux flatteries et s'attendent à en recevoir de tout le monde.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Libellés
anarchie
(48)
arts et culture
(51)
brutalité policière
(98)
capitalisme
(11)
censure
(3)
chroniques de la station Berri-UQÀM
(2)
Chroniques de Saint-Michel
(1)
Chroniques de Villeray
(1)
comment l'anarchie est-elle possible
(8)
conflit israélo-arabe
(4)
CSA
(7)
défense intellectuelle
(42)
divers
(23)
droite
(53)
économie
(15)
éducation
(47)
égypte
(8)
élections
(30)
environnement
(10)
évènement
(41)
fascismes
(14)
féminisme
(29)
fuck you
(1)
G20
(26)
gauche
(30)
grève étudiante
(71)
indépendance
(6)
international
(41)
introspection
(17)
lettre d'insultes
(3)
LGBT
(2)
logement
(2)
loi et ordre
(96)
manifestation
(90)
manifeste
(4)
médias
(65)
merde
(18)
militarisme
(11)
nationalisme
(26)
nouvelle
(1)
opinion
(1)
pauvreté et marginaux
(2)
Petit guide de l'extrême-gauche
(3)
politique
(4)
Premières nations
(2)
privatisations
(6)
Que-sont-mes-amis-devenus
(29)
racisme
(23)
religion
(21)
riches
(9)
santé
(15)
sexualité
(15)
tomate noire
(1)
travail
(19)
tribulations
(38)
Victo
(4)
Ben voyons, pour la drouate, il paraît que nous sommes déjà en anarchie! ;)
RépondreSupprimerLa droite voit de l'anarchie où je vois un retour graduel à l'ordre.
RépondreSupprimer«Les gens qui font des trucs par sens du devoir sont bien moins dangereux que les gens qui font les mêmes choses par plaisir.»
RépondreSupprimerEt ce sont les même gens qui risquent de goûter l'anarchie (pour reprendre vos termes) le plus souvent au cours de leur vie – du moins, plus souvent que ceux qui courent les meetings et les assemblées générales.
Je ne veux pas encourager les gens à ne pas se présenter aux AG, mais malheureusement, c'est vrai. Être un-e activiste, c'est tellement prenant que ça finit par devenir notre identité. Ça nous bouffe, on finit par ne se décrire que par cette "fonction". Et je sais ce que c'est.
RépondreSupprimerIl y a, à terme, un certain refus du plaisir quotidien. Le plaisir vient comme un congé: il est alors débridé, excessif, désespéré.
Ça vous rappelle pas autre chose?
Le problème des mouvements sociaux c'est qu'ils sont toujours en mode réaction. Ils ne font que réagir au gouvernement. Ils n'agissent pas.
RépondreSupprimerLorsque vous aurez compris que cette hideuse opinion publique est le reflet d'une majorité et que vous n'allez plus vous sentir représenté par cette majorité, alors là, vous allez commencer par comprendre qu'une simple réforme du gouvernement est voué à l'échec au même titre qu'une réforme du fédéralisme.
Imagine maintenant que le PLQ gagne la prochaine élection, allez-vous accepter le verdict du scrutin ou le rejeter ? Vous allez surement me sortir cette réplique que j’entends sans cesse que notre démocratie n'est pas une vraie démocratie, mais cela ne changera rien au fait que cette hideuse opinion publique sera encore représentative d'une majorité.
Il faut être séparatiste aujourd'hui, mais pas seulement vis-à-vis le gouvernement fédéral, mais aussi vis-à-vis l'Assemblée Nationale car cette Assemblée dite Nationale ne représente pas une nation très représentative de votre personne et de vos convictions. Le pouvoir du peuple n'a plus de sens lorsque le peuple ne représente plus les intérêts de certaines minorités à laquelle vous faites parti.
Si personne n'était allé dans des meetings et des ags, la grève n'aurait jamais eu lieu et personne ne tapperait dans des casseroles en ce moment.
RépondreSupprimerSi le gouvernement était social-démocrate, il n'y aurait eu ni AG, ni grève ni casseroles. Moralité?
RépondreSupprimerEffectivement, mais il y a longtemps que la social-démocratie est morte. Des décennies en fait.
RépondreSupprimerSi on veut vivre dans une meilleure société, si on veut des institutions qui répondent à nos besoins, on doit se parler, s'organiser, pas juste frapper dans des casseroles, même si c'est le fun pis cute.
D'ailleurs, des assemblées de quartiers prennent vie en ce moment. C'est ce dont nous avons besoin, des espaces pour échanger. C'est ce qui manque pour avoir une démocratie véritable et ce que l'État redoute plus que tout. Il préfère de loin des individus atomisés, séparés les uns des autres. Ce que nous sommes en général.
Une démocratie directe n'est pas plus véritable qu'une démocratie représentative. Et une assemblée que quartier peut être aussi pénible et franchement inutile que n'importe quelle AG – comme celle des actionnaires de Power corp. Les institutions formelles, pérennes et contraignantes, qui exercent un pouvoir – fut celui du peuple – c'est la gale.
RépondreSupprimerDe quartier. Pas «que quartier».
RépondreSupprimerVous ne pensez qu'à vous même, normal que tout ça vous passe par dessus la tête. Faire la vaisselle aussi c'est plate, mais soit quelqu'un la fera à votre place, soit elle s'empillera ce qui attirera les bibittes et autres cochonneries.
RépondreSupprimerSi on ne s'organise pas sur des bases horizontales, on se fera organiser par d'autres, mais sur une base hiérarchique.
Vous préférez écrire de longs vers poétiques sur le changement. Je préfère changer les choses dans le réel.
Avez vous pensé qu'en vous organisant de façon horizontale, vous serez doublement organisé – par la société ET par votre groupe militant? J'aime bien les mots croisés, mais vivre derrière une grille, très peu pour moi.
RépondreSupprimerVous n'avez aucune idée de ce que je fais dans le réel. Et la prudence élémentaire me conseille de ne pas en étaler les détails au grand jour. Je ne sais pas si c'est porteur de changement social, je ne sais pas non plus si ça prépare des lendemains qui chantent – car après tout, je m'en moque pas mal – mais ce que je sais, c'est que ça me procure pas mal de liberté, de jouissance et de bonheur, ainsi qu'à tous ceux et à celles avec qui je m'associe pour le faire. Ça vaut à mes yeux beaucoup plus que toutes les promesses fumeuses de paradis à la fin de mes jours.
Maintenant, je peux comprendre que ça ne corresponde pas à vos désirs – après tout, il y a même des types qui souhaitent ardemment devenir des flics, alors vouloir vivre libre immédiatement n'est sûrement pas pour tout le monde. Par contre, je ne m'illusionnerais pas trop si j'étais vous sur l'efficacité de vos tactiques. (Je dis ça, mais je suis à peu près certaine que vous êtes insoutenablement lucide.)