vendredi 2 mars 2012

À Radio-X: il y en a eu, des blessé-e-s et des fractures.

Hier, Gabriel Nadeau-Dubois, de la CLASSE, a eu le malheur de se faire passer dessus par les animateurs de Radio-X au show du matin. Il se fait bombarder de questions: y-a-t-il eu des jeunes qui ont dû aller à l'hôpital suite à des blessures provoquées par les matraques policières cet hiver?

La réponse, c'est OUI. Cela dit, contrairement à la droite qui est passée maître dans la victimisation d'une population soi-disant « prise en otage » par une manifestation qui retarde les automobilistes de « deux heures », les personnes agressées par les policiers/ères n'ont pas toutes une tribune dans les mass médias.

Une personne dont nous tairons ici le nom, mais qui est tout à fait paisible et raisonnable, a subi plusieurs fractures après avoir simplement tenu son boutte devant une ligne de flics enragés, armée de ses seules mitaines. Nous la laisserons témoigner quand elle sera prête.

Mais ce n'est qu'un exemple. Des chutes extrêmement dangereuses, il y en a à chaque manifestation. Les policiers ne font absolument pas attention quand ils poussent des citoyen-ne-s. Imaginez-vous en train de pousser quelqu'un qui est de dos le plus fort que vous le pouvez. Vous pensez que vous n'allez pas faire mal à la personne que vous agressez? Ça arrive pourtant souvent. Pendant le célèbre blocage de l'Hôtel Delta (le 16 février dernier)[1], j'ai vu plusieurs manifestant-e-s pacifiques basculer cul par-dessus tête. Quant aux coups de matraques, menaces et utilisations de poivre de cayenne pas du tout méritées, elles sont innombrables. Une masse d'incrédules ne croient pas à ce genre de choses, même quand illes ont des images à l'appui. C'est toujours le même discours: il y a certainement du montage. On filme juste le moment où il y a de l'abus, mais on coupe le « crime » qui a été commis plus tôt par un-e manifestant-e de toute façon violent-e. Dans tous les cas, il y a une vague de négation qui précède l'acceptation des faits. Voilà souvent la scène qu'on s'imagine en fait. Même lors de l'épisode des faux manifestants de Montebello en 2007, pendant longtemps - et même après l'aveu de la police! - il s'en est trouvé, parmi les larbins de l'État policier, pour maintenir qu'il n'y avait pas de preuves permettant d'affirmer que les hommes en question, portant (quelle ironie) des t-shirts de Choi Radio-X, étaient des agents provocateurs.

Il faut noter que la plupart du temps, les manifestant-e-s blessé-e-s ne se plaignent pas aux mass médias. Il n'y a que rarement un compte fiable des manifestant-e-s blessé-e-s lors des manifs. Les blessures comptabilisées sont celles qui mènent à une hospitalisation immédiate et qui sont remarquées par des sources pouvant transmettre des informations aux médias. Et croyez-moi, si un policier se fait écraser l'ongle du petit orteil, les policiers vont s'en plaindre.

La plupart des blessures subies par les manifestant-e-s, selon leur degré de gravité, sont traitées soit sur place, soit le lendemain, le surlendemain ou même la semaine suivante[2], parce qu'illes reçoivent généralement des coups sur le haut du corps, sur les bras ou sur les mains. On peut pourtant dire des victimes de ces blessures, souvent relativement graves (des côtes fracturées, des doigts et bras cassés, etc.), qu'elles sont des blessé-e-s!

De plus, et c'est mon expérience qui le dit[3], les gens intoxiqué-e-s par du poivre de cayenne ou du gaz lacrymogène sont définitivement des blessé-e-s. Heureusement, les blessures causées par du gaz irritant sont généralement moins graves et temporaires. Mais la douleur est souvent plus grave et l'état de panique aussi. Les gens sont déboussolés, souffrent énormément, respirent difficilement même une fois écartés du nuage de gaz, et sont complètement aveuglés. Les effets du gaz lacrymogène peuvent persister plus de 15 minutes - mais pour être certain, j'aimerais recevoir des témoignages précis à ce sujet, surtout après les abus d'hier à Québec - ceux du poivre de cayenne plus longtemps encore. Dans le cas du poivre de cayenne, la peau reste souvent violemment irritée, voire enflée pendant 15 minutes à plus d'une heure. Et cela même après une exposition tout à fait mineure!

Pour illustrer la force de la douleur: vous avez déjà croqué du piment fort? Vous avez déjà, par inadvertance, frotté votre oeil juste après? Ça brûle. Eh ben essayez de vaporiser du piment fort dans vos yeux maintenant. C'est pas comme de l'oignon cru. La douleur qu'on ressent est mille fois plus forte. Tellement que ça brûle sur l'arcade sourcillière, sur les joues, sur les lèvres, que vous la goûtez sur votre langue et dans vos poumons.

C'est de la torture. Et certainement une blessure.

La douleur due aux lacrymos est légèrement différente. Le mot le dit: les larmes sortent. Et plus les larmes sortent, plus les lacrymos font effet: le gaz se transforme en acide au contact de l'eau. La douleur, comme suite à une exposition au poivre de cayenne, est tout simplement atroce. Une exposition légère se révèle selon moi plus bénigne qu'une exposition au poivre, mais le nuage de gaz s'étend à une bien plus grande surface. Et quand on a le malheur d'être à deux pas de la zone d'impact de la grenade, eh bien les symptômes sont graves et tenaces. De plus, comme de règle générale, les policiers ne veulent pas être eux-mêmes contaminés, les projectiles sont jetés au milieu de la foule. Les personnes affectées en premier ne sont pas les prétendu-e-s délinquant-e-s qui affrontent la police, mais les manifestant-e-s qui se trouvent derrière et qui a priori, n'ont rien fait de mal, même selon les critères policiers.

Hier, une centaine de personnes, au minimum, ont été affectées par le gaz lacrymogène utilisé massivement par les policiers protégeant l'Assemblée Nationale. Le témoignage d'une manifestante qui était au mauvais moment au mauvais endroit: « Je ne veux plus jamais que ça m'arrive. »

__________

[1] Anecdote à part: lors de cet évènement, j'ai remarqué qu'un des policiers présents portait, au-dessus de son matricule (pour une fois, ils ne les avaient pas tous enlevés) une épinglette en forme de fusil-mitrailleur M-16. Thug life, bitch!

[2] Vous connaissez certainement des histoires d'ami-e-s ou de proches qui ont souffert pendant plusieurs jours après s'être donné un coup de marteau sur le pouce, persuadé-e-s que ça partirait tout seul, et qui ont ensuite appris à l'hôpital que l'os était réduit en miettes.

[3] Mes faibles connaissances en premiers soins de manif m'ont amené à soutenir « l'équipe » médicale à plusieurs reprises, surtout cette année, en raison surtout de l'abus de poivre de cayenne et de l'absence de ressources chez les manifestant-e-s. Message aux organisateurs/trices: prévoyez plus de 10 médics la prochaine fois, au moins pour traiter l'irritation aux yeux, et surtout, redonnez-moi ma bouteille! Si je l'avais eue hier à Québec, j'aurais pu traiter plus de vingt personnes supplémentaires. Or, j'étais limité à un litre d'eau. Par une température de -15, je préfère et de loin le Maalox dilué. Le but n'est pas non plus de plonger les manifestant-e-s intoxiqué-e-s dans un état d'hypothermie!

5 commentaires:

  1. Le problème, c'est que ce porte-parole ait été assez idiot pour accorder une entrevue à Radio X...

    RépondreSupprimer
  2. Le porte-parole n'a peut-être rien à voir là-dedans. La décision a sans doute été prise en conseil exécutif de la CLASSE ou de l'ASSÉ. La politique de présence dans les médias est décidée en congrès et amenée par les assos membres. La responsabilité est donc collective. Comme la performance, d'ailleurs, de Gabriel, qui a certainement une équipe derrière lui pour l'aider à se préparer aux débats. Cette équipe et le principal intéressé lui-même doivent lire des études, des articles de journaux et des billets de blogues. Manière de dire que si jamais Gabriel se plante, c'est aussi de notre faute.

    Dans l'entrevue, justement, il ne peut pas répondre à la question des deux chiens enragés par "oui", parce qu'il manque d'informations.

    J'ai envie de faire une proposition de varier les porte-parole en AG de l'AFESH prochainement. Selon moi, le porte-parole actuel est très doué, mais il risque de se brûler, comme Lafrance en 2005, et de sortir de là vraiment tout croche. Trop de pression sur les épaules.

    Mais le problème, c'est que les AG de l'AFESH font vraiment chier, et que ça me décourage totalement de faire une intervention, de participer, ou de prendre la parole.

    RépondreSupprimer
  3. Donc, ils ont agi collectivement en idiot et il n'avait qu'à se faire remplacer s'il sentait que ce n'était pas une bonne idée. Radio X est comme un dîner de cons à l'endroit des non-drouatistes. Les animateurs sont là uniquement pour détruire les invités non-drouatistes.

    RépondreSupprimer
  4. Suffit d'entendre l'entrevue du collaborateur Réjean Breton (et ce même si je partage certaines de ses positions sur les monopoles syndicaux dans le secteur public) avec Dominic Maurais hier matin pour comprendre à quel point ces gens-là sont prêts à n'importe quoi pour vendre leur sale camelote.

    RépondreSupprimer
  5. Le M-16 sur la veste c'est pour indiquer que l'agent a gagné des compétitions de tir et qu'il est entraîné pour manier ce genre d'armes.
    Mais ça reste de la provocation...

    RépondreSupprimer